Le gouvernement du Canada a failli à son devoir de consultation des Premières nations Déné Tha dans l’établissement du processus de révision du Projet gazier du Mackenzie (PGM), a tranché le juge Michael Phelan de la Cour fédérale du Canada.
Dans son jugement rendu le 10 novembre, le juge Phelan donne raison aux autochtones du nord-ouest albertain qui estiment qu’ils seront affectés par le projet de gazoduc trans-territorial car, disent-ils, le projet forcera la construction d’un autre bout de pipeline sur leur territoire ancestral. Un gazoduc de 65 kilomètres devra effectivement être construit à l’embouchure du pipeline du Mackenzie afin de le relier au réseau albertain déjà existant.
Selon le jugement, la Commission d’examen conjoint, l’organisme chargé de mener l’évaluation environnementale et sociale du projet, « a juridiction sur l’entièreté du gazoduc, incluant tant la portion du PGM s’étendant d’Inuvik au sud de la frontière avec l’Alberta que les installations connexes projetées [traduction libre] ». Plus loin, le juge convient que «l’emplacement géographique du territoire Déné Tha affecté (le sud du soixantième parallèle) n’est pas un motif valable pour justifier [leur] exclusion ».
En ce sens, le gouvernement aurait dû impliquer les Déné Tha dans la mise en place du processus d’évaluation. Malheureusement, écrit le juge, « Le gouvernement du Canada n’a fait aucun effort pour consulter les Déné Tha » et ce malgré la volonté des Premières nations de participer à l’élaboration du processus. En conséquence, le juge Phelan donne 120 jours aux parties pour arriver à un terrain d’entente, après quoi, en l’absence d’un règlement à l’amiable, la Cour émettra une ordonnance formelle. En attendant, toutes les audiences publiques susceptibles de concerner le territoire Déné Tha devront être suspendues.
Le juge Phelan ne recommande pas « immédiatement » la mise en place d’un nouveau processus d’évaluation qui inclurait les Déné Tha, mais prévient que « la nécessité de recommencer depuis le début » pourrait éventuellement s’imposer.
Ce jugement a réjouit les Premières nations Déné Tha qui, depuis le début du processus d’audiences publiques, se sont montrés très réfractaires au pipeline. « Nous sommes heureux que la Cour ait pris le parti de la défense de nos droits autochtones et de nos droits de Traité et qu’elle tienne le gouvernement responsable », commente le grand chef Déné Tha, James Ahannassay. Le chef dit espérer que ce jugement incitera le gouvernement fédéral à engager des négociations avec son peuple pour arriver à un éventuel règlement de leurs revendications territoriales.
Le principal promoteur du projet, Imperial Oil, la division canadienne de la géante texane Exxon Mobil, réserve ses commentaires jusqu’à ce que la compagnie aient pris une connaissance plus approfondie de la décision de la Cour fédérale. Suite au jugement, la valeur de l’action d’Imperial a chuté de 1,24 $.
Audiences annulées
Dans une lettre émise le lendemain du jugement, le président de la Commission d’examen conjoint, Robert Hornal, annonce que certaines séances d’audiences publiques sont suspendues suite au jugement. Ainsi l’audience prévue aujourd’hui à Inuvik portant sur l’impact du projet sur la chasse, la pêche et la cueillette a été entièrement annulée. Il n’est cependant pas question pour l’instant de suspendre le processus en entier. Les séances qui ne portent pas sur des sujets susceptibles d’interférer avec les droits des Déné Tha se déroulent comme avant. Par exemple cette semaine, une séance portant sur l’impact du projet sur le Refuge d’oiseaux de l’île Kendall, situé au nord d’Inuvik, a eu lieu comme prévu.
La liste complète des séances affectées par le jugement Phelan n’a pas encore été déterminée et la Commission d’examen conjoint n’a pas annoncé de nouveau délai pour la conclusion des audiences qui est toujours prévue pour avril 2007. « La Commission jaugera minutieusement le restant de l’horaire d’audiences à la lumière de la décision du juge Phelan et émettra davantage de détails sur les modifications à l’horaire à une date ultérieure », écrit Robert Hornal.
L’Office national de l’énergie qui tient des audiences parallèles à celles de la Commission d’examen conjoint, n’a jusqu’à présent pas émis de réaction au jugement. Il est toujours prévu que la dernière séance d’audiences de l’Office national de l’énergie ait lieu le 15 décembre 2006, à Inuvik.
Deh Cho
En 2004, les Premières nations du Deh Cho, dont le territoire se trouve immédiatement au Nord de celui des Déné Tha et comprend à peu près 40 % du trajet proposé pour le pipeline, avaient intenté un recours similaire contre le gouvernement du Canada. Également sans revendications territoriales réglées, les Deh Cho accusaient le gouvernement de ne pas les avoir dûment consultés dans l’élaboration du processus de révision.
En juin 2005, les Deh Cho s’étaient entendus hors cour avec le gouvernement fédéral. Contre la somme de 31 millions de dollars, les premières nations acceptaient de lever leurs accusations.
