Le député de Western Arctic et critique néo-démocrate en matière d’énergie, Dennis Bevington, estime que
le Projet gazier du Mackenzie ne devrait pas être mis en chantier « tant qu’un accord de dévolution équitable n’aura pas été signé entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et les gouvernements des Premières nations ».
C’est une des 22 recommandations que le représentant des TNO à la Chambre des communes soumettra, le 5 décembre, à la Commission d’examen conjoint sur le Projet gazier du Mackenzie. Ces recommandations sont énumérées dans une présentation écrite du député, dont L’Aquilon a obtenu copie.
Le message qu’envoie le député a la commission chargée de jauger la pertinence du projet de gazoduc est on ne peut plus clair : le développement d’accords, mais seulement si les résidents du Nord en bénéficient nettement.
« Si le gouvernement du Canada ne peut pas montrer comment le développement de ressources du Nord va procurer des bénéfices aux résidents du Nord, alors ce développement ne devrait pas avoir lieu », écrit Bevington faisant référence à la nécessité de conclure une entente sur la dévolution de pouvoirs et le partage des revenus provenant des ressources avant la mise en chantier du projet. « Le risque pour notre territoire et nos gens est trop grand, pour se permettre [d’approuver la construction] sans savoir exactement quelle est la récompense. »
Le député questionne aussi la pertinence du régime de taxation en vigueur dans les Territoires du Nord-Ouest, un régime qu’il juge trop généreux pour l’industrie et pas assez profitable pour les citoyens. Citant une étude du très écolo Pembina Institute, Bevington avance que le régime de redevance du Nord fixé par le gouvernement fédéral est plus généreux que ceux de l’Alaska et de l’Alberta, deux juridictions bien connues pour leurs accointances avec l’industrie pétrolière et gazière. «Le Canada doit revoir notre régime de redevances afin qu’il assure des bénéfices publiques justes contre le développement de ces ressources publiques », écrit le député.
Bevington ajoute que, contrairement à l’opinion véhiculée par les promoteurs du projet, « ce projet est robuste financièrement » et, ce faisant, que les gouvernements fédéral et territorial n’ont pas à offrir de « boniments fiscaux » aux entreprises qui convoitent le gaz du delta du Mackenzie.
« Les boniments fiscaux qui sont nécessaires sont pour le développement des infrastructures du Nord; pas pour les profits des pétrolières », tonne-t-il avant d’ajouter que les travaux d’exploration des années 1970 et 1980 qui ont permis la découverte des gisements ont déjà été amplement subventionnés par l’État. « Virtuellement toute l’exploration dans la zone Beaufort-Delta effectuée dans les années 1970 et 1980 a été payée avec les deniers du fédéral. Donner de nouvelles exemptions aux compagnies quand on leur en a déjà donné plein, ça s’appelle pas question. »
Il enjoint la Commission d’examen conjoint de ne pas conclure sa révision tant que toutes les questions relatives aux impacts du projet n’auront pas été dûment étudiées. Surtout, il affirme que la Commission ne doit pas accélérer inutilement ses travaux pour satisfaire la pression exercé par les gouvernements territorial et fédéral, des gouvernements qu’il accuse d’agir en « majorette » du développement gazier.
Effet cheval de Troie
La présentation de Dennis Bevington confirme le penchant du député pour la théorie de l’effet cheval de Troie, l’idée selon laquelle le développement gazier ne s’arrêtera pas aux trois puits initiaux présentés par les promoteurs, mais incitera le développement massif d’autres puits dans la mer de Beaufort, dans le delta du Mackenzie, dans la région de Colville Lake et éventuellement sur toute la longueur de la vallée du Mackenzie.
« Ce projet fera partie d’un développement industriel bien plus grand, prédit Bevington. Les deux paliers gouvernementaux, de même que les promoteurs, ont tous employé l’expression « ouverture de bassin » pour qualifier ce projet ».
Pour appuyer ses dires, le critique néo-démocrate en matière d’énergie n’hésite pas à se référer à une étude controversée du groupe environnementaliste Canadian Arctic Resources Committee qui présente une projection désastreuse du développement final du Projet gazier du Mackenzie. « Vous pouvez rouspéter à propos de l’ampleur exacte de l’empreinte physique [finale du projet], mais vous pouvez difficilement contredire le concept », argumente le député.
Bevington propose que les gouvernements du Canada et des TNO mettent en place « des lignes directrices pour contrôler toute expansion du Projet gazier du Mackenzie ».
Dans la même veine, le député de Western Arctic remet également en cause la solidité de l’entente du Aboriginal Pipeline Group, le trust formé en 2000 par les communautés autochtones de la vallée du Mackenzie pour mettre la main sur un tiers des actions du pipeline. En vertu de cette entente, les autochtones ne sont propriétaires que du gazoduc et pas du gaz qui y circule. La part des adhérants du Aboriginal Pipeline Group augmente selon l’utilisation qui est faite du tuyau. À 830 millions de mètres cubes de gaz par jour – le débit projeté pour l’exploitation des trois puits initiaux – le groupe touche un intérêt minimum de 2 à 3 %; à pleine capacité ils empochent un maximum de 33,3 %. Pour arriver au plein débit, cela suppose que de nouveaux puits viennent se greffer au gazoduc.
Selon Dennis Bevington cette entente vise plus à museler les Autochtones qu’à les enrichir. « Cela rendra très difficile le contrôle ou l’opposition des groupes autochtones à l’expansion du projet, advenant que leur expérience avec le projet s’avère négative. Cette structure financière ne ressemble à rien de moins qu’une ruse des promoteurs pour s’assurer qu’il n’y aura jamais d’opposition à de nouveaux travaux d’exploration et d’exploitation », écrit-il.
La route jusqu’à Tuk
Le député de Western Arctic estime que la construction d’une route quatre saisons dans la vallée du Mackenzie, qui relierait Wrigley à Inuvik et Inuvik à Tuktoyaktuk, devrait précéder la mise en chantier du pipeline.
Non seulement cette infrastructure est-elle réclamée de longue date par les communautés éloignées, mais en plus elle servirait au transport des matériaux nécessaires à la construction. Sans un transport routier trans-territorial, ajoute le député, les services des entrepreneurs du Nord ne seront pas retenus par les pétrolières qui, forcément, affréteront leurs matériaux dans le Sud.
Dennis Bevington est un intervenant enregistré auprès de la Commission d’examen conjoint. Il a acquis son statut d’intervenant avant d’être élu député de Western Arctic, en janvier 2006.
