Oui oui, on peut vendre un système de climatisation à un Inuit. C’est même de plus en plus à la mode, a raconté la candidate au Prix Nobel Sheila Watt-Cloutier, à Washington, le 1er mars dernier.
La militante inuit y représentait l’Inuit Tapiriit Kanatami, la principale organisation inuit canadienne, aux audiences de la Commission interaméricaine des Droits de l’Homme. L’audience faisait suite à une pétition, déposée l’an dernier à cet organisme panaméricain, dans laquelle des Inuit canadiens et américains affirment que les nations qui refusent de s’engager dans la lutte aux changements climatiques violent leurs droits fondamentaux.
« Les changements climatiques et leurs impacts, a expliqué Sheila Watt-Cloutier à la Commission, menacent la survie de peuples entiers. » Les Inuit qui vivent dans la région du monde où les effets des changements climatiques sont les plus importants sont contraints de modifier leurs habitudes de vie, notamment à cause de l’amincissement des glaces.
« Pour les Inuit, la glace océanique permet des voyagements sécuritaires sur les eaux périlleuses de l’Arctique et procure un excellent terrain de chasse. Les glaces ne sont pas seulement nos routes, ce sont aussi nos supermarchés », a témoigné la résidente d’Iqaluit.
Des chasseurs meurent à cause de l’effritement de la banquise, a-t-elle poursuivi. « Les chasseurs ne peuvent plus savoir si la glace est assez épaisse, et ne savent plus s’ils sont en sécurité. Nous avons perdu plusieurs chasseurs qui ont passé à travers des glaces qui étaient traditionnellement connues pour leur sûreté. »
De même, des espèces telles que le phoque, le morse et l’ours polaire, sont menacées d’extinction par l’effritement de la banquise et les Inuit, qui dépendent d’elles pour leur alimentation et pour leur habillement, pâtissent également.
« On ne peut plus se fier aux caches de nourriture, parce que la nourriture pourrit et les insectes envahissent les caches », a ajouté Watt-Cloutier.
« Ces impacts détruisent nos droits à la vie, à la santé, à la propriété et nos moyens de subsistance et les États qui ne reconnaissent pas ces impacts et qui ne prennent pas les moyens pour les empêcher violent de ce fait nos droits humains. »
La militante inuit estime que d’autres peuples d’Amériques sont menacés par les changements climatiques. Elle pensent notamment aux communautés des Caraïbes qui seront déplacées par la montée des océans, ou encore les communautés andines qui s’abreuvent à l’eau de glacier qui ont commencé à fondre.
Mais ce qui inquiète le plus Sheila Watt-Cloutier, c’est la perte de culture que provoquent ces changements climatiques. Pour les Inuit, cela signifie la disparition graduelle de la chasse.
« La culture va bien au-delà de ce que la plupart des gens s’imaginent. La culture ce n’est pas que le folklore, ce n’est pas que des contes et légendes, ce n’est pas que de chansons – mêmes si ces choses sont, en elles mêmes, très importantes et puissantes. Mais, par exemple, la culture de chasse dont je suis issue n’a pas seulement à voir avec la poursuite d’animaux et avec des techniques de chasse. La chasse est en fait un processus puissant par lequel nous préparons nos jeunes à relever des défis et à saisir des opportunités, non seulement quant à la survie sur la banquise et sur le territoire, mais dans la vie elle-même. »
Elle a aussi noté que les changements du climat font adopter aux siens des comportements que la sagesse de tous les aînés n’aurait pu soupçonner.
« Pour la première fois de notre histoire, on a commencé à employer des climatiseurs dans ma communauté natale. C’est incroyable ! »
Sheila Watt-Cloutier est nominée pour le Prix Nobel de la paix pour ses efforts de longue date dans la cause des changements climatiques.
