Une nouvelle étude sur l’état des glaces polaires a été publiée cette semaine et, encore une fois, plus la science se précise plus le tableau s’assombrit.
Alors que les modèles climatologiques qui servent de références au Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) suggèrent un retrait des glaces arctiques oscillant entre 2,5 et 5,4 % par décennie durant la période 1953-2006, les observations sur le terrain démontrent que durant cette même période le couvert glaciaire a rétréci à un rythme moyen de 7,8 % par décennie. C’est, à tout le moins, ce qu’affirme une étude du National Center for Atmospheric Research publiée le 1er mai dans l’édition électronique de Geophysical Research Letter.
Selon cet institut américain appuyé par la NASA, les modèles de référence seraient « trop conservateurs » et passablement en retard sur la réalité. Ainsi, l’étendue des glaces observée par satellite en septembre 2006 (septembre étant le mois où le retrait estival des glaces atteint son paroxysme) était déjà rendue au stade que les modèles du GIEC prévoyaient atteindre en 2037. Nous sommes 30 ans en avance sur la prédiction.
« Cela suggère que la disparition totale du couvert glaciaire estival pourrait survenir considérablement plus tôt que ce que laisse entrevoir les prévisions du GIEC », note Julienne Stroeve l’auteure principale de cette recherche. Ces modèles climatiques prévoient que l’Arctique pourrait être entièrement libre de glace d’ici 2050, voire 2100 pour les modèles les plus optimistes.
Cette disparité entre les prévisions des modèles et ce qu’on observe sur le terrain pourrait s’expliquer par l’omission de certains facteurs dans l’élaboration des calculs servant à prédire la fonte des glaces, spéculent les chercheurs du National Center for Atmospheric Research. Au premier chef, on pointe en direction de la réfraction glaciaire, un phénomène dont les chercheurs commencent à peine à mesurer l’incidence sur la fonte des glaces et que la plupart des modèles ne prennent pas en considération.
L’idée est assez simple à concevoir. La banquise, étant plutôt blanche, elle réfléchit la lumière et par le fait même la chaleur. À l’inverse, l’océan, étant plutôt foncé, absorbe la lumière et la chaleur. Donc, moins il y a de glace, plus la chaleur est absorbée par l’océan et plus la fonte de la glace s’accélère.
La recherche indique également que certains modèles surestiment l’épaisseur de la glace arctique.
« Alors que la glace disparaît plus vite que ce que nous indiquent les ordinateurs, tant les observations sur le terrain que les modèles pointent dans la même direction, note pour sa part Marika Holland, co-auteur du rapport. L’Arctique fond à un rythme de plus en plus accéléré et les effets des gaz à effet de serre s’accentuent. »
Près du record
L’hiver qui vient de s’achever aura confirmé la tendance au rétrécissement de la banquise.
Selon des données publiées récemment par le National Snow and Ice Data Center, en mars 2007, alors que le couvert glaciaire est à son maximum annuel, les glaces arctiques couvraient 14,7 millions de kilomètres carrés, soit la deuxième étendue glaciaire hivernale la plus petite jamais enregistrée (le record ayant été établi en mars 2006 : 14,5 millions km2).
C’est exactement un million de kilomètres carrés de moins que la moyenne du couvert glaciaire maximal observé entre 1979 et 2000. Une telle étendue correspond à plus de 35 fois la surface du Grand lac des Esclaves.
« Il s’agit d’un nouveau jalon qui s’inscrit dans une forte tendance à la baisse, note le chercheur du National Snow and Ice Data Center Walt Meier, dans un communiqué émis le 4 avril. Nous observons des creux presque records et des températures plus élevées que la normale. Nous nous attendons à ce que la tendance à la baisse se maintienne dans les années à venir. »
