L’autonomie alimentaire est en marche à Fort Good Hope.
Parlant de Fort Good Hope au XIXe siècle, l’explorateur et médecin écossais John Richardson, compagnon de John Franklin, écrivait que l’orge n’y poussait pas et que les pommes de terre ne valaient pas le travail qu’on y mettait.
Mais la Terre s’est réchauffée depuis, et Rares Ungureanu et le Conseil communautaire K’asho Got’ine font mentir Richardson en cultivant des légumes racines au 66 ° de latitude nord, un projet pilote dont la première année a été semée d’embuches, mais qui ne demande qu’à croitre.
Le but est de développer un système agricole viable qui rende la collectivité autonome. « Un sac de 10 livres de patates coute ici entre 20 à 25 $ », de dire le gestionnaire du projet, Rares Ungureanu, qui est dans la collectivité depuis une quinzaine d’années, travaillant à son système de télécommunications.
Pour contourner le problème du pergélisol, la communauté de Fort Good Hope a construit 120 jardinières modulaires dans lesquelles ont été plantés plus de 20 cultivars de pommes de terre, des radis, des betteraves, des échalotes et de la laitue. Il s’agissait non seulement de cultiver, mais ensuite de développer un système de conservation après la récolte.
La question de la terre, pauvre et peu abondante a causé problème. Il a fallu utiliser de la machinerie lourde pour excaver la terre puis la filtrer manuellement du gravier, de la matière organique et de la roche. Le budget alloué à cette opération a été dépassé.
Des échantillons du sol ont été envoyés dans un laboratoire d’Edmonton. « Ils étaient étonnés, affirme M. Ungureanu; ils ont vu que le sol était excellent, et préhistorique ! Qu’il n’y avait aucune trace d’activité humaine dedans! »
Les renards
Toutes les plantes ont poussé exceptionnellement bien, affirme Rares Ungureanu. Mais les agriculteurs en herbe ont commis l’erreur d’engraisser le sol de leurs jardinières avec des morceaux de poissons, ce qui a attiré des renards qui ont dévasté les cultures.
« C’était à la mi-aout, de dire M. Ungureanu. Nous avons ressemé, mais la saison était avancée et la température a diminué. La plupart des plants de patates, qui étaient notre principale culture, ont été perdus. Mais le plus important, c’est que nous avons vu les résultats et que nous savons que ça fonctionne. Que la terre, même si elle est difficile à produire, est de bonne qualité. Nous aurons de bons résultats cette saison en protégeant les cultures avec du grillage. »
Le projet de légumes racines du Conseil communautaire K’asho Got’ine s’étend sur trois exercices, jusqu’aux premiers mois de 2019, et bénéficie d’un budget de 229 000 $, dont environ la moitié provient de l’Agence canadienne de développement économique du Nord. Le GTNO et son programme Growing Forward, Agriculture et Agroalimentaire Canada, le Conseil communautaire K’asho Got’ine et la corporation de développement K’asho Got’ine ont aussi contribué.
Fomation
Le projet a été développé à 99 % à Fort Good Hope, affirme Rares Ungureanu, et est 100 % biologique. Plusieurs personnes, dont le chef, ont reçu une formation au Northern Farm Training Institute de Hay River. M. Ungureanu, ingénieur civil de formation, n’avait jamais rien planté de sa vie. Il y a trois ans, il a suivi des cours en agriculture au Olds College (Alberta). « Je les ai tous embêtés, s’amuse Rares Ungureanu. Toutes les fois que j’avais un problème, je les appelais et je leur demandais quoi faire ! Nous avons eu un très grand soutien, tout le monde était très enthousiaste. »
Mais le principal problème, considère-t-il, n’est ni le sol ni la main d’œuvre. « Le temps où on devrait payer des dizaines de milliers de dollars pour faire venir et héberger des spécialistes dans le Nord est terminé, s’exclame le gestionnaire de projet. Tu peux faire tout ça avec les cellulaires et les ordinateurs. »
Le vrai problème, poursuit-il, est le cout de l’énergie, qu’il considère comme étant prohibitif. Conséquemment, le Conseil communautaire K’asho Got’ine travaille à développer l’utilisation de la biomasse et des panneaux solaires, pour la conservation des légumes, notamment. « Si on peut produire à moins que 30 sous le kilowatt, considère M. Ungureanu, tout devient possible. »
À long terme, l’objectif est de développer un prototype de serres utilisant des logiciels, des senseurs et de l’automatisation.
Autonomie alimentaire
D’ici là, le Conseil communautaire local cherche activement d’autres fonds pour développer l’agriculture locale et lorgne le nouveau programme du Partenariat canadien pour l’agriculture.
Cette saison, ce sont 200 jardinières qui devraient être opérationnelles. Ultimement, on envisage de produire 20 000 livres de pommes de terre, assez pour cette collectivité de 600 personnes.
