le Samedi 13 Décembre 2025
le Jeudi 11 Décembre 2025 18:36 Environnement

Sur la glace, la vigilance demeure à Yellowknife

Sur la glace de Range Lake, Mike Burns présente le foret Jiffy, doté d’une échelle colorée qui indique l’épaisseur dès que le trou est percé. — Photo Cristiano Pereira
Sur la glace de Range Lake, Mike Burns présente le foret Jiffy, doté d’une échelle colorée qui indique l’épaisseur dès que le trou est percé.
Photo Cristiano Pereira

L’association Great Slave Snowmobile vient de boucler ses relevés annuels sur les lacs de Yellowknife. Les premières données sont solides, mais la prudence reste de mise.

Sur la glace, la vigilance demeure à Yellowknife
00:00 00:00

Les bénévoles Loïc Fauvel-Burns, Ewen Fauvel-Burns, Mike Burns et Randy Caines lors de la tournée de mesures sur les lacs de Yellowknife.

Photo Cristiano Pereira

Par un samedi matin vif, alors que le thermomètre affichait –22 °C et que quelques éclats de lumière rasante traversaient le ciel pâle, Médias ténois a accompagné les bénévoles de la Great Slave Snowmobile. L’objectif de l’association, récolter les dernières vérifications de l’épaisseur de la glace. L’air mordant, mais agréable, et ce froid sec revigorant sans être repoussant, donnent envie de repartir à la découverte des lacs tout juste saisis par l’hiver.

Un protocole millimétré

Range Lake fut le premier arrêt, suivi de Grace Lake. Des équipes de trois bénévoles avançaient avec une méthode bien rodée : deux testeurs, vêtus de combinaisons étanches isolées, s’aventuraient sur la glace, reliés par une corde de trente mètres, tandis qu’un troisième membre restait sur la rive pour noter les données et assurer la surveillance. Une routine répétée chaque année, mais jamais identique : peu de neige cette saison, un gel rapide, quelques poches d’eau libre à certains endroits et des surfaces polies par le vent ailleurs.

Mike Burns, directeur de l’association et responsable du forage ce matin-là, explique le fonctionnement du buddy system. « Les deux testeurs sont reliés par une corde de 100 pieds. Ils gardent cette distance entre eux pendant les tests : l’un reste toujours sur une glace d’au moins six pouces et seul celui de tête avance sur les zones qui n’ont pas encore été vérifiées », indique-t-il. Sur la rive, un autre bénévole reste à l’affut : « Il est là pour appeler les secours si l’un de nous passe au travers. Il contacte les pompiers, leur indique l’emplacement et s’il faut de l’aide pour ressortir la personne. »

Dans la plupart des cas, les deux testeurs se débrouillent seuls. « Normalement, le deuxième garde la tension sur la corde et celui qui est tombé bat des pieds pour remonter et glisser jusqu’à une zone de glace solide », poursuit M. Burns. Mais jamais le second n’avance vers la zone fragile. « S’il n’arrive pas à le ramener, il n’y va pas. On attend alors l’équipe d’intervention. »

Cette année, les mesures révèlent une formation de glace étonnamment rapide sur la plupart des petits lacs. « On a beaucoup de glace tôt, sauf sur le Grand lac des Esclaves, toujours lent à geler, note le directeur. On est déjà rendus à 25–28 cm sur plusieurs lacs, probablement parce qu’on n’a pas eu beaucoup de neige. » 

Mike Burns lors des vérifications matinales : « L’un reste toujours sur une glace d’au moins six pouces, et seul celui de tête avance sur les zones non testées. »

Photo Cristiano Pereira

Ce qui affaiblit la glace

Pour de nombreuses personnes, comprendre pourquoi l’épaisseur varie autant en quelques mètres peut sembler mystérieux. M. Burns l’explique notamment par la présence de courants sous la glace, car « la plupart des lacs ont une entrée et une sortie d’eau ». En outre, « près de ces zones, la glace est souvent plus mince, ainsi l’eau qui circule l’érode par en dessous ». Le vent au moment du gel, les variations de température, la quantité de neige et la pression qu’elle exerce jouent aussi un rôle. « Quand il y a beaucoup de neige, l’eau remonte par les fissures et forme une couche à la surface. C’est très facile de s’y enliser. », précise-t-il.

Saison précoce, mais jamais uniforme

Quant à savoir si le climat modifie la stabilité des lacs, Mike Burns reste prudent. « Certaines années, la glace arrive plus tôt, d’autres plus tard. Je suis même un peu surpris qu’on en ait autant malgré la douceur des dernières semaines : c’est surtout dû au manque de neige. » Globalement, « le moment où les lacs commencent à geler semble un peu plus tardif », mais la vitesse d’épaississement dépend toujours des mêmes facteurs locaux.

Avec toutes les zones testées dépassant désormais les six pouces, l’association a annoncé la fin de la campagne de mesures pour cette année. M. Burns rappelle toutefois que ce seuil n’efface pas les risques. Ses conseils sont simples : rester sur les traces existantes, ne jamais partir seul, prévenir quelqu’un de son itinéraire, apporter de quoi faire du feu et se réchauffer si l’on se mouille.

Et malgré des résultats encourageants, il conclut avec une mise en garde qui accompagne tous les hivers ténois : « On n’emploie jamais le mot “sécuritaire”, parce qu’on peut seulement prédire les conditions à l’endroit où l’on a foré. »

Épaisseur de glace : quelles recommandations ?

La Ville de Yellowknife conseille de ne pas s’aventurer sur les lacs tant que la glace n’atteint pas au moins 6 pouces. Pour aller plus loin, les lignes directrices de la Lifesaving Society – le tableau le plus proche d’un « guide simple » utilisé au Canada, bien que non spécifique à Yellowknife – recommandent environ 4 pouces pour marcher, 5 à 7 pouces pour une motoneige, et 8 à 12 pouces pour une voiture légère. Le gouvernement des TNO publie aussi un guide technique sur les routes de glace et le transport lourd.

Résultats solides malgré quelques points plus minces

Les résultats 2025 des tests d’épaisseur de glace réalisés par l’association Great Slave Snowmobile montrent une consolidation remarquable des lacs autour de Yellowknife à la fin de novembre. La plupart des sites affichent entre 9 et 11 pouces de glace (soit 23 à 28 centimètres) notamment Back Bay (9 et 10 pouces selon les points), Niven Lake (10 pouces), Frame Lake (10 pouces sur tous les accès testés), Kam Lake (10 pouces à plusieurs endroits) ainsi que Range Lake, qui atteint même 11 pouces près de Parker Field. Certains secteurs demeurent toutefois à surveiller : la glace ne mesure encore que 6 pouces (15 cm) sur le début de la route d’accès à Dettah, sur Yellowknife Bay près d’Air Tindi, et sur Grace Lake à l’extrémité du chemin Kam Lake. Ce sont des zones au cœur desquelles les courants et l’overflow créent souvent des conditions variables.