Le directeur du Centre du patrimoine septentrional Prince-de-Galles, Chuck Arnold, s’est déclaré satisfait de l’Accord de coopération Canada Territoires du Nord-Ouest relatif au français et aux langues autochtones. Il a lui-même participé à son élaboration avec les gouvernements fédéral et territorial. « Nous sommes fiers de cet Accord. Il va nous permettre de rencontrer les objectifs », affirme M. Arnold. Les trois objectifs consistent à offrir des services en français, à assurer le soutien administratif et politique de leur mise en ¦uvre par le GTNO, et finalement, à appuyer le développement culturel et communautaire de la communauté francophone.
La réaction de la Fédération ne s’est pas faite attendre. « L’Accord ne nous plaît guère », s’exclame le président de la FFT, André Légaré. « La communauté francophone n’a pas été consultée sur la nature ni les budgets du plan d’action relatif au français (l’annexe B) », souligne le directeur général de la FFT, Daniel Lamoureux. « Le sous-ministre de l’Éducation, Mark Cleveland, nous avait pourtant assuré par écrit que la Fédération serait consultée. Or, cela ne s’est pas produit », explique M. Légaré. La Fédération reproche au GTNO un plan d’action qui lui semble flou. « C’est un plan excessivement succinct et très, très, général », dénonce le président de la FFT. « On a consenti huit millions sur cinq ans pour la mise en application de l’annexe B, et cette partie du document comporte trois pages (soit environ 650 mots). Pourtant, nos associations sont tenues de fournir une quantité de documents tels des plans, des propositions budgétaires, des rapports intérimaires, et ce pour le moindre projet de 2000 $. Il y a deux poids, deux mesures », soutient M. Lamoureux. L’Accord dénombre des exemples d’activités susceptibles de faciliter la réalisation des objectifs. Dans le volet des services en français, on prévoit l’élaboration d’un plan de mise en application de la politique et des lignes directrices du GTNO en matière de langues officielles. Chaque ministère disposerait d’un plan détaillé visant à rencontrer les objectifs généraux de même que les objectifs propres à chacun des ministères. Par exemple, des services de traduction et d’interprétation seraient maintenus pour les ministères du GTNO, l’Assemblée législative ainsi que pour divers organismes.
Contrairement aux années précédentes, il ne sera plus nécessaire que chaque activité figurant dans l’annexe B soit mise en ¦uvre. « Il s’agit seulement de suggestions. Cela donne aux différents intervenants, et aux gouvernements qui doivent approuver les changements, une plus grande flexibilité pour implanter d’autres types d’activités. Auparavant, chaque somme allouée pour une activité donnée devait uniquement financer cette dernière. Le présent Accord permettra de changer les montants indiqués dans les prévisions budgétaires. Par exemple, si une activité est sous-financée, le gouvernement pourra, avec l’accord des coprésidents, allouer une somme supplémentaire et ainsi changer la répartition du budget. La coprésidence est assurée par deux fonctionnaires, soit Louis Chagnon représentant le gouvernement fédéral et Pauline Gordon, le territorial.
Les surplus budgétaires pourraient donc être redirigés vers les activités nécessitant un financement additionnel. « Cette plus grande flexibilité en ce qui a trait au financement des activités permettra d’assurer une meilleure répartition du budget et d’atteindre les objectifs de l’Accord », soutient M. Arnold. Cela est un aspect positif du présent Accord pour le GTNO. La FFT, quant à elle, ne partage pas cet avis. « La Fédération s’inquiète de cette disposition de l’Accord », affirme M. Lamoureux. Cette disposition permet de transférer les fonds non seulement d’un objectif à l’autre, mais aussi d’un plan d’action à l’autre. En d’autres mots, les fonds alloués au français (annexe B) pourraient éventuellement servir pour la promotion des langues autochtones (annexe A) et vice-versa. « Les budgets ne sont pas cloisonnés, et une telle perspective s’avère inquiétante puisque l’argent sera administré selon le bon désir du GTNO et des coprésidents. L’Accord n’offre aucune garantie que les sommes allouées pour le français seront utilisées au bénéfice de la francophonie », signale M. Légaré.
Par ailleurs, dans le passé, certaines sommes octroyées via le programme sur les langues officielles étaient retournées au gouvernement fédéral. La situation persiste car, selon des rapports financiers de 1996-1997 et 1997-1998 obtenus cette semaine, une somme totalisant un peu plus d’un demi million de dollars a été renvoyée dans les poches du fédéral. Une autre nouveauté de l’Accord consiste en un fonds accordé pour des projets spéciaux. Divers organismes pourront ainsi proposer au gouvernement des projets spéciaux qui devront être approuvés par les coprésidents. La FFT émet des doutes face à cette nouvelle proposition et dénote l’absence d’une annexe C, dont l’ajout avait été recommandé par la FFT. « L’annexe C était destinée à octroyer des fonds pour financer des projets en commun avec les communautés autochtones, mais elle brille par son absence », affirme M.Légaré.
Le GTNO prévoit organiser des rencontres avec chaque ministère sur une base régulière afin d’évaluer le plan et d’y apporter les correctifs nécessaires. « L’ancienne stratégie d’évaluation de l’Accord consistait à se réunir quelques mois avant l’arrivée à terme de ce dernier. Maintenant, le présent Accord sera évalué dès sa mise en vigueur », souligne M. Arnold. Le gouvernement espère ainsi parvenir à une plus grande transparence. Cependant, la FFT n’approuve pas cette forme d’évaluation. « Le gouvernement fédéral donne l’argent, regarde, mais n’est pas impliqué », observe M. Légaré. « Il envoie un message au GTNO en lui disant ‘Vous allez vous évaluer vous-même’ », ajoute le président de la FFT. « Le fédéral ne veut pas s’ingérer dans les affaires du GTNO et ce dossier est sous sa responsabilité », atteste Lise Picard, directrice de Patrimoine canadien à Yellow-knife. Toutefois, le gouvernement fédéral se dit attentif aux développements futurs liés à la poursuite intentée par la FFT et l’Aquilon contre les deux gouvernements. « On verra s’il y a des ajustements à faire à ce moment-là », conclut la directrice de Patrimoine canadien, Lise Picard.