Ni la Loi sur les langues officielles, ni la Loi sur les normes du travail, ni même la Loi sur les droits de la personne ne peuvent être invoquées pour appuyer une plainte concernant la langue de travail. Toutes trois négligent cet aspect.
Contrairement à son équivalent fédéral, la Loi sur les langues officielles des TNO ne comprend pas de chapitre sur le travail. La loi qui confère à l’anglais, au français et à neuf langues autochtones le statut de langues officielles des TNO se cantonne à décrire les services que le gouvernement est tenu d’offrir dans ces langues. La loi fédérale, elle, affirme qu’il « incombe aux institutions fédérales de veiller à ce que […] leur milieu de travail soit propice à l’usage effectif des deux langues officielles [le français et l’anglais] tout en permettant à leur personnel d’utiliser l’une ou l’autre. »
Étant donné que les territoires sont des créatures administratives du gouvernement fédéral, est-ce que c’est la loi fédérale qui s’applique en l’absence d’une législation territoriale ? Non, répond la commissaire aux langues officielles par intérim des TNO, Shannon Gullberg. « À mon avis, dit-elle, la loi fédérale s’applique spécifiquement au gouvernement fédéral et aux agences fédérales. […] Le gouvernement du Canada a donné aux TNO l’opportunité de développer une loi qui nous est propre. Elle a été adoptée, et modifiée récemment. Alors, en définitive, je ne verrais pas pourquoi la loi fédérale devrait s’appliquer sur la seule base que notre loi ne couvre pas ce champ-là. »
Une chose est sûre : la loi canadienne s’applique aux employés de la fonction publique fédérale. Mais attention, cela ne signifie pas pour autant que tous les fonctionnaires fédéraux des territoires aient le droit de s’exprimer en français au travail. Le chapitre consacré à la langue du travail de la Loi sur les langues officielles canadienne est très explicite à l’effet que les disposition de la loi citées plus haut ne s’appliquent que dans la région de la capitale nationale ainsi que dans une série de « régions désignées », dont les TNO ne font pas partie. À l’extérieur de ces régions désignées, la responsabilité du gouvernement fédéral se limite à s’assurer que « la situation des deux langues officielles en milieu de travail soit comparable entre les régions ou l’une ou l’autre prédomine ».
Normes du travail
Ce n’est pas non plus dans la Loi sur les normes du travail que l’on trouvera une protection légale aux droits linguistiques des travailleurs ténois. Nulle part dans cette loi, qui définit les conditions de travail minimales auxquelles ont droit tous les travailleurs du territoire, ne fait-on mention de la langue de travail.
Jennal James de la Commission des normes du travail est catégorique : la langue n’entre pas dans les secteurs couverts. « La réponse est non. La loi ne couvre pas ce champ-là. […] Si on m’appelait pour ce genre de scénario je les réfèrerait à la Commission des droits de la personne. »
Discrimination
Aux TNO une autre loi régit le monde du travail, la Loi sur les droits de la personne. Celle-ci décrit « les motifs de discrimination illicites » reconnus et qui peuvent être invoqués pour loger une plainte à l’encontre de son employeur. La langue n’en fait pas partie.
Les motifs de discrimination recevables sont : « la race, la couleur, l’ascendance, la nationalité, l’origine ethnique, le lieu d’origine, les croyances, la religion, l’âge, l’incapacité, le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité sexuelle, l’état matrimonial, la situation de famille, l’appartenance familiale, les convictions politiques, les associations politiques, la condition sociale et l’état de personne réhabilité [sic] ». Notons que cette loi est, essentiellement, calquée sur la législation fédérale qui ne considère pas, elle non plus, la langue comme un motif de discrimination.
La directrice adjointe de la Commission des droits de la personne des TNO, Deborah McLeod, affirme néanmoins qu’une personne qui croit avoir été victime de discrimination au travail sur la base de la langue devrait contacter son organisme, car d’autres motifs, couverts par la Loi, pourraient aussi être impliqués.
« Il peut y avoir une implication des droits de la personne si des personnes d’une nationalité ont le droit d’utiliser leur langues et que des personnes d’une autre nationalité ne le sont pas. À ce moment-là, il y aurait une différence entre la façon dont les gens sont traités et c’est cette différence qui serait discriminatoire. […] Dans ce cas nous pourrions agir, car il s’agit de discrimination sur une base autre que la langue, mais où la question de la langue est impliquée », explique Mme McLeod. Elle donne un autre exemple : « Pensons à un néo-Canadien qui ne parle pas très bien l’anglais. Ce néo-cCnadien demande à un collègue qui parle la même langue que lui des clarifications [à propos de choses qu’on lui dit en anglais]. Ensuite, s’il est harcelé à cause de cela, eh bien, ce harcèlement pourrait aussi être considéré comme un manquement à la Loi sur les droits de la personne. »
Elle mentionne enfin que la discrimination liée à la langue de travail est une question « qui va dans les deux sens ». « Durant les pauses et sur l’heure du dîner, les employés peuvent parler une autre langue [que l’anglais]. Mais, bien entendu, ils se doivent d’être courtois et de ne pas exclure les personnes qui les entourent, d’autant plus si leur conversation porte sur le travail », dit-elle.