Il ne reste plus énormément de temps pour compléter les comparutions des témoins du procès qui oppose la FFT et d’autres – dont la société éditrice de ce journal – aux gouvernements territorial et fédéral. Depuis l’Action de grâces, la Cour reste souvent ouverte jusqu’à dix-huit heures, à l’hôtel Yellowknife Inn où se déroule le procès. C’est dans ce contexte que comparaissent les témoins de la défense.
Robert Galipeau faisait partie de ceux-là. Il a prêté serment le 13 octobre. Il s’agit d’un témoin important étant donné que M. Galipeau assure la fonction de coordonnateur de projets spéciaux à la division des langues officielles du ministère de l’Éducation, de la Culture et de la Formation. Un de ses rôles est, notamment, de négocier avec Patrimoine canadien le financement des services en français territoriaux. À juste titre, l’avocat du fédéral, Me Préfontaine, a voulu savoir comment se déroulent ces négociations.
Il a d’abord établi avec le témoin que les négociations reposaient sur certains principes : que le gouvernement territorial est une entité autonome (ce que contestent les demandeurs), que le gouvernement fédéral s’est engagé à financer les services en français aux TNO et que le gouvernement le fait dans la mesure où les demandes reflètent les obligations de la Loi sur les langues officielles des TNO.
L’avocat a demandé si le financement du PDCC (le Programme de développement culturel et communautaire, une enveloppe que le gouvernement territorial met à la disposition des organismes francophones des TNO) était une obligation de la LLO. « Non », a convenu Galipeau.
Or, le PDCC, dont le montant global a varié au fil des ans, est de facto financé par l’entente entre Patrimoine canadien et le gouvernement des TNO. Ce qui a fait dire à Me Préfontaine que le gouvernement fédéral n’a pas l’obligation de payer pour « des épluchettes de blé d’Inde et des parties de sucre », selon l’expression qu’il a employé.
Selon Galipeau, le gouvernement fédéral a toujours accepté les requêtes du gouvernement des TNO pour le financement des services en français, même si on doit lui rappeler ses obligations à chaque ronde de négociations. Mais alors, a demandé l’avocat du fédéral, est-ce qu’il y a déjà eu des services que le gouvernement des TNO voulait offrir qu’il a dû laisser tomber faute d’argent? « Non », a répondu le témoin tout en ajoutant que le financement ne leur permettait pas d’améliorer les services, seulement de maintenir le statu quo.
Durant son témoignage Galipeau a dit que, depuis 1984, 5 millions de dollars qui devaient servir à offrir des services gouvernementaux en français ont été retournés au fédéral parce qu’ils n’avaient pas été dépensés.
Le sous-ministre
Cette semaine, Mark Cleveland, le sous-ministre du ministère qui emploie Robert Galipeau, a confirmé ce montant. « En accord avec la Loi, oui », a-t-il répondu à l’avocat des demandeurs, Me Lepage, cinq millions ont été retournés au fédéral.
Selon le sous-ministre, cependant, cet argent non dépensé, démontre une « amélioration » du système. Étant donné que de moins en moins d’argent est retourné, a-t-il dit, cela indique qu’auparavant le financement fédéral était plus élevé que les besoins du territoire et que, d’année en année, des ajustement ont été faits.
Cleveland n’avait souvent pas de réponse à fournir aux questions de l’avocat des demandeurs. Est-il au courant des avis juridiques préparés par Michel Bastarache pour ce procès? « Non. » Depuis 2001, sait-il si le nombre d’employés du gouvernement des TNO recevant une prime de bilinguisme a diminué? « Je ne sais pas. » Connaissez-vous le contenu de telle lettre? « Non, désolé. »
L’avocat a donc demandé au témoin combien de temps il consacrait au dossier des langues officielles. « Sur une base mensuelle, […] mon estimation est de cinq à dix heures .»
En réponse à une question de l’avocat du gouvernement des TNO, Me Faille, il a par la suite expliqué que depuis 2004, il avait reçu « des milliers » de lettres et donc qu’il ne se rappelait pas de chacune d’entre elles.
La commissaire
Lundi, l’actuelle commissaire aux langues officielles des TNO, Shannon Gullberg, a commencé son témoignage. Mme Gullberg est à l’emploi du commissariat aux langues depuis 1996. Elle a travaillé comme conseillère juridique avec les deux commissaires aux langues officielles qui l’ont précédée.
Même si elle ne parle qu’anglais, Gullberg ne pense pas que cela la gêne dans ses fonctions. Il serait, de toute façon, pratiquement impossible de trouver une personne pouvant s’exprimer dans les onze langues officielles des TNO et pouvant exercer sa fonction, a-t-elle noté.
Bien que le Commissariat aux langues officielles n’emploi pas de francophone, on peut recevoir un service en français à son bureau, car le Commissariat a conclu, à cet effet, une entente avec une employée bilingue du Commissariat aux droits de la personne dont les bureaux sont situés à côté de ceux de Mme Gullberg.
Il est aussi possible de déposer une plainte à la commissaire aux langues dans n’importe laquelle des onze langues officielles, a-t-elle ajouté.
Selon les allégations des demandeurs, les prédécesseurs de Mme Gullberg accordaient une importance moindre au français qu’aux langues autochtones.
La commissaire s’est dite en désaccord avec cette affirmation. « Elles voyaient les langues autochtones mourir », a-t-elle dit. Ce qui les poussait, selon elle, à mettre une certaine emphase sur la sauvegarde de ces langues. « Mais, a-t-elle ajouté, je ne pense pas que cela ait été fait au détriment du français. »
Ça continue la semaine prochaine.