Après avoir consulté ses membres mercredi dernier, l’Association franco-culturelle de Yellowknife (AFCY) souhaite maintenant porter à l’attention de la Fédération franco-ténoise (FFT) leurs préoccupations quant aux relations entre les deux organisations francophones.
« Nous avons écouté ce que nos membres avaient à dire. Nous voulions savoir exactement ce qui dérange nos membres. […] Nous voulons présenter cela à la FFT et tenter d’élaborer des pistes de solutions », affirme le président de l’AFCY, Patrice Lapointe, qui précise que le conseil d’administration de l’Association devra d’abord se réunir afin de faire le point sur la rencontre de la semaine passée.
Patrice Lapointe affirme vouloir résoudre les conflits plutôt que d’en découdre avec la Fédération. Cela implique, cependant, que la bonne volonté se manifeste dans les deux organismes. « C’est un travail qui doit se faire à deux », dit-il.
De la rencontre informelle qui n’a attiré qu’une dizaine membres, Patrice Lapointe affirme avoir cerné « certains grands thèmes » dans les griefs exprimés par les membres. D’abord des chevauchements ou des confusions dans les mandats des deux organismes et ensuite « la façon dont la FFT joue son rôle de porte-parole » des Franco-ténois.
Entre autres commentaires de membres glanés par ce journaliste lors de la réunion, on retient que « la FFT ne travaille pas pour ses membres », que « la FFT ne nous représente pas bien » et que « la FFT n’aime pas l’opposition ». Toutes ces affirmations semblaient faire consensus au sein des membres présents.
En outre, certains membres ont reproché que ces situations conflictuelles accaparent trop de temps et d’énergie et détournent l’attention sur ce qui devrait être la priorité de l’AFCY : organiser des activités en français pour ses membres. Il a aussi été signalé à quelques reprises que les délégués de Yellowknife ont l’occasion de signifier leur opposition aux instances démocratiques de la FFT (conseil d’administration, assemblée générale), mais que les délégués ne se prévalaient pas assez souvent de ce privilège. D’autre part, des membres ont signalé que lesdites instances sont fort peu accessibles aux Franco-ténois ordinaires.
Dissidence
Dans une lettre adressée à Patrice Lapointe, France Benoit, résidente de Yellowknife depuis 18 ans et ancienne administratrice de l’AFCY, explique qu’elle a choisi de ne pas prendre part à la réunion de la semaine passée quand le conseil d’administration a décidé d’en faire une « rencontre informelle » plutôt qu’une assemblée générale, comme l’avaient réclamé les membres en décembre dernier. « J’y vois un désir à peine voilé de prétendre que tout va bien, de faire disparaître sous le tapis, une fois de plus, un problème qui dérange un grand nombre de vos membres et qui empêchent plusieurs de venir à nos activités, quelque chose qui devrait vous préoccuper au plus haut point », écrit France Benoît dans la lettre qui a été distribuée aux membres présents lors de la réunion de mercredi dernier.
France Benoit estime que la FFT cherche à centraliser ses activités et mandats « à des fins politiques et non communautaires ». Elle reproche également à la Fédération des prises de position lourdes de conséquences sans consultation de la francophonie ténoise. Elle cite en exemple la décision de se retirer du Conseil des langues officielles, la seule table de consultations des communautés linguistiques reconnues par le gouvernement territorial.
Autre absent remarqué à cette rencontre : Martin Dubeau, ancien président de l’AFCY à l’origine de la résolution appelant à une assemblée générale sur le thème de l’adhésion de l’AFCY à la FFT. Rejoint au téléphone, il affirme lui aussi avoir choisi de bouder la réunion pour protester contre la décision de ne pas en faire une assemblée votante.
Il affirme que le conseil d’administration actuel de l’AFCY a peur des résultats d’un éventuel vote de l’assemblée générale. « Ils craignent qu’il y ait une décision radicale qui soit prise par leurs membres », déclare celui qui a suggéré en décembre dernier que l’AFCY se sépare de la FFT. « Avoir une assemblée générale extraordinaire sur la séparation, ça ne voulait pas dire qu’on allait se séparer, mais qu’on allait avoir un débat qui doit être fait », ajoute-t-il.
Martin Dubeau se sent floué par les deux organismes francophones. « Ces deux organismes-là ne me représentent pas, la FFT encore moins », précise celui qui a récemment remis sa carte de membre de l’AFCY. « Il faut choisir ses priorités. Je n’arrête pas d’être francophone pour autant. Mais il y a d’autres façons d’avoir du plaisir entre francophones. »
Menaces
Comme pour jeter de l’huile sur le feu, dans un « document d’analyse » préparé par le directeur général de la FFT, Léo-Paul Provencher, et qui a été distribué au courant de la réunion de mercredi dernier, on attaque à bras raccourcis le plan stratégique de l’Association franco-culturelle de Yellowknife, plan adopté à la majorité par les membres en décembre dernier.
Le directeur général de la FFT concentre sa diatribe sur deux passages du plan stratégique qui abordent justement les relations entre l’AFCY et la FFT. Lesdits passages stipulent notamment que « l’AFCY est noyée et attaquée systématiquement par la FFT » et que « la tension du conflit avec la FFT est source de l’inertie de l’AFCY ».
Selon l’analyse de Léo-Paul Provencher, le plan stratégique de l’AFCY est « accusateur faussement sur la gestion des projets de la FFT et la gestion financière de la FFT [sic] ». Le directeur général insinue également que l’AFCY a été un « fauteur de trouble » et pousse sa réflexion jusqu’à frôler la menace. « Cela mérite presque un recours en justice pour libelle », écrit Provencher.
Dans une entrevue avec L’Aquilon, le directeur général réitère que, à son avis, les passages malmenés du plan stratégique de l’AFCY « n’ont pas du tout d’affaire là ». « Quelle qualité de commentaire a été reconnue pour en faire une stratégie de développement », demande-t-il. À son avis ses passages sont « non fondés et malhonnêtes » Le président de l’AFCY, Patrice Lapointe, affirme, pour sa part, qu’il est hors de question de réécrire le plan stratégique adopté par les membres. Il estime que les passages en questions, s’ils peuvent déplaire au directeur de la FFT, n’en sont pas moins le reflet des préoccupations des membres exprimés lors des consultations qui ont mené à l’ébauche du plan.
« On nous demande de définir nos problématiques. Ce sont des points qui sont ressortis. On ne va pas les cacher », dit-il.
Malgré tout, le directeur général de la FFT soutient que les conflits entre les deux organismes francophones sont une chose du passé et que, depuis quelques mois, la Fédération « n’a pas de difficulté avec l’AFCY d’aucune sorte ».
« Je pense que c’est lié au changement de gouvernance », suggère-t-il.
*L’auteur est un membre cotisant de l’AFCY