Les premiers résultats d’une recherche sur l’identité franco-ténoise confirment l’hypothèse que l’identité de cette communauté linguistique doit être examinée sous l’angle de la mobilité professionnelle.
Lindsay Bell suit des études doctorales à l’Université de Toronto, avec le Centre de recherches en éducation franco-ontarienne (CREFO). Employée à l’école Boréale, elle est au cœur d’une communauté francophone qu’elle ausculte depuis un an.
Elle confirme une tendance émergente, à savoir qu’il y a une relation très nette entre la mobilité professionnelle et l’identité franco-ténoise.
Ce résultat bouleverse la vision traditionnelle du gouvernement fédéral à propos de la construction identitaire des communautés linguistiques minoritaires.
Monica Heller, directrice de thèse de Mme Bell et professeure du CREFO, également vice-présidente du Comité de suivi de la situation linguistique auprès de l’Office québécois de la langue française, a rejoint son étudiante sur le terrain et appuie ses travaux. « Depuis 40 ans, la politique fédérale canadienne supposait que l’identité des communautés se construisait par des liens avec une terre, ou un territoire, dit-elle. Or cela relève d’un imaginaire qui ne reflète pas la réalité d’une mobilité, qui est pourtant une longue histoire dans ce pays. »
Rappelant brièvement les étapes de la colonisation qui s’est étendue vers l’Ouest, Mme Heller souligne qu’il est temps de regarder la réalité en face. « Il faut comprendre quels sont les processus économiques en cours qui font que certaines idées de la francophonie peuvent être véhiculées par les migrants francophones. On peut essayer de comprendre pourquoi des gens viennent travailler dans les TNO dans des institutions et pourquoi, dans ce même espace, d’autres viennent chercher du travail. »
Mme Heller évoque le cas de l’Acadie, qui a subi beaucoup de changements économiques ces dernières années (moratoire sur la pêche au poisson de fond, développement du tourisme et d’une vie urbaine à Moncton, fermeture de chantiers navals…) et les migrations d’une partie de la population soit vers des pôles urbains émergents, soit carrément vers l’Ouest ou le Nord. « Les gens sont en circulation tout le temps », insiste-t-elle.
L’objectif de cette recherche qui va durer jusqu’en 2010 est de jeter un autre regard sur l’identité francophone auprès des institutions chargées de la gestion fédérale du bilinguisme. Il s’agit également de savoir si des structures mises en place dans une partie du pays peuvent être reproduites et utilisées dans un autre lieu du pays. « Ce qui se fait à Halifax peut-il être appliqué dans le Nord? », s’interroge Mme Bell.
Avec Mme Heller, elles se sont rendues à Yellowknife cette semaine, puis elles iront à Edmonton et Fort McMurray. En août, elles rejoindront le congrès mondial acadien.