le Samedi 14 juin 2025
le Jeudi 7 novembre 2013 11:21 Francophonie

Semaine nationale de l’immigration francophone Tapis rouge ou portes closes?

Semaine nationale de l’immigration francophone Tapis rouge ou portes closes?
00:00 00:00

Pour une population plus grande, les Territoires du Nord-Ouest ont moins d’immigrants francophones que le Yukon
 

La francophonie territoriale est diversifiée, mais elle pourrait et devrait être plus dense.
Financé par le gouvernement fédéral, le Centre d’accueil francophone d’immigration de Yellowknife accueille gratuitement les immigrants francos et les aide à trouver les ressources adéquates dans le domaine de la santé, de l’éducation, etc. En 2012-2013, on y a ouvert des dossiers pour des francophones de 12 pays d’Afrique, de trois pays européens, et encore, pour des gens du Vietnam et du Liban. « Ça faisait 26 immigrants en tout, note Nicolas Carrière, coordonnateur du Centre. Les Français sont prédominants, et ils ont généralement un plus gros réseau de contacts sur place et de meilleures ressources financières que les Africains francophones. » Dernièrement, Nicolas Carrière a aidé une femme originaire d’Afrique de l’Ouest. Elle avait quitté Edmonton pour un travail de bonne à Yellowknife. Mais personne n’est jamais venu la chercher à l’aéroport, ses employeurs se sont évaporés, et depuis, elle galère pour s’installer à Yellowknife. Heureusement, les histoires ne sont pas toutes aussi désastreuses.
Oui, l’immigration francophone aux TNO est polymorphe, hétérogène, mais prospère-t-elle autant qu’elle le devrait? Selon des statistiques provenant de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFAC), pour une population de 41 462 personnes, les TNO comptent 1 060 personnes ayant le français comme première langue officielle, dont 9,4 % sont d’origine immigrante. Mieux qu’au Nunavut, mais moins bien qu’au Yukon : dans une population de 36 796 personnes, on retrouve là-bas 1 245 francophones dont 15 % ne sont pas Canadiens d’origine. Directeur général de la Fédération franco-ténoise, Léo-Paul Provencher, refuse de comparer les avantages du Yukon avec ceux des Territoires pour l’établissement des francophones. Il note tout de même au passage que chez nos voisins de l’Ouest, les francophones sont moins dispersés géographiquement, jouissent d’un bon réseau et d’infrastructures modernes.

Accueillir… et garder!
Des francophones aux Territoires, Léo-Paul Provencher en veut bien évidemment davantage. « Nous avons connu une légère croissance entre 2006 et 2011, observe-t-il, où l’immigration francophone aux TNO est passée 1,8 % à 3,1 %, ce qui se rapproche de l’objectif fixé par le Canada de 4 %. » Sauf qu’étant donné la faible rétention des Territoires, le directeur général considère qu’il faudrait hausser ces statistiques à 10 % ou à 15 %. On ignore si les travailleurs francophones quittent davantage les TNO que ceux ayant une autre langue maternelle. Les recensements ont été extrêmement simplifiés, déplore Léo-Paul Provencher, qui note que, par exemple, 1 100 petites collectivités ont été évacuées des statistiques. Les analyses fines sont donc moins possibles et en conséquence, il est plus ardu d’établir des stratégies pour attirer davantage et plus durablement des francophones.
Pour le directeur de la FFT, il est implicite qu’avec de meilleurs services et infrastructures pour les francophones, les TNO deviendraient plus accueillants. La décision de la Cour d’appel dans le dossier des revendications des écoles francophones, tout comme la francisation des services gouvernementaux territoriaux, aura donc un important rôle à jouer dans l’avenir de la francophonie ténoise.

Une bureaucratie répulsive
7,1 % de la population des TNO, sont ne´s dans un autre pays, une statistique qui s’élève à 20,6 % pour l’ensemble du Canada. Le froid et le coût de la vie font barrière, sans doute. Mais il y a peut-être plus. Pour Maude (nom fictif), par-delà la francophonie, c’est l’ensemble de l’immigration qui est plus ou moins bloquée aux portes des Territoires en raison d’une bureaucratie qui n’a pas du tout été formée adéquatement pour prendre en charge ce dossier lourd de conséquences et n’a pas non plus le temps nécessaire pour s’en occuper. L’immigration étant une compétence partagée, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest peut, depuis quatre ans, s’occuper d’une partie de l’immigration par l’entremise du Programme des candidats, géré par le ministère de l’Éducation, de la Culture et de la Formation. Selon Anne-Christine Boudreau, directrice générale du Conseil de développement économique des Territoires du Nord-Ouest (CDÉTNO), le gouvernement fédéral offrirait davantage de programmes que le gouvernement territorial. En revanche, le Programme des candidats, au territorial, permettrait d’obtenir la résidence permanente plus rapidement.
« Dans d’autres provinces, affirme Maude, un immigrant sera accepté au bout de six mois, alors qu’ici, ça prend trois ans. » Maude a enfin reçu sa citoyenneté après un long séjour dans le dédale bureaucratique. Mais elle préfère garder l’anonymat pour ne pas subir de contrecoup de sa critique. C’est le ministère de l’Industrie, du Tourisme et de l’Investissement qui s’occupe du dossier de l’immigration. Selon Maude, les personnes qui y travaillent n’ont pas été formées à cette tâche et le font plus ou moins à temps perdu puisque ce n’est pas leur principal mandat. « C’est une terrible responsabilité qui leur échoit, souligne-t-elle. Des gens sont expulsés du pays à cause de l’ignorance de fonctionnaires! Et ça leur prend un an pour traiter quatre dossiers, dans lesquels ils feront des erreurs. » Le fédéral n’est pas non plus sans tache dans ce dossier. Selon Maude, en 2011, des immigrants ont avec succès porté plainte contre une fonctionnaire de Service Canada à Yellowknife qui avaient mal rempli leurs formulaires. Elle a tout de même conservé son emploi.
« Beaucoup de bons immigrants et d’investisseurs viendraient s’installer aux TNO si la structure d’immigration était simplifiée et bien formée, dit Maude. Moi, on m’a accusé de venir au Canada pour me mettre sur le bien-être alors que je venais de payer 12 000 $ de frais pour immigrer et que je possède une bonne formation académique. J’ai compris que je n’étais pas la bienvenue ici. Je déconseille à 200 % de passer par le Programme des candidats territorial. » Selon Anne-Christine Boudreau, tous les cas d’immigration ne sont pas aussi catastrophiques que ceux évoqués plus haut. Comme Léo-Paul Provencher, elle croit toutefois que les services territoriaux pourraient être améliorés.
En raison du départ inopiné d’un employé, lors de la Semaine nationale de l’immigration francophone, la FFT s’est concentrée à des tâches de sensibilisation. On nous dit qu’il y aura davantage d’activités l’an prochain.