Jusqu’ici sans couverture de Radio-Canada, les Territoires du Nord-Ouest bénéficieront désormais d’un vidéojournaliste à temps plein à Yellowknife, comme c’est déjà le cas au Yukon. « Notre stratégie est axée sur la couverture du territoire », confie Marco Dubé, directeur général des services régionaux de Radio-Canada.
Un contexte favorable
Le 28 septembre dernier, lors de la présentation du Canada créatif, le gouvernement s’est engagé à soutenir les médias écrits communautaires en situation minoritaire, conscient de l’importance des nouvelles locales. L’État entend ainsi réaffirmer sa position au sein de communautés francophones parfois ignorées.
« C’est une question de conjoncture », admet M. Dubé. Avec ce regain d’intérêt du gouvernement, les subventions reviennent : « Nous avons vécu des compressions budgétaires importantes au cours de la dernière décennie et il était très difficile d’ajouter des services permanents. Aujourd’hui, il y a un réinvestissement fédéral dans Radio-Canada », explique-t-il. On parle ici de 675 millions de dollars réinvestis sur cinq ans.
Du côté des médias communautaires, on se questionne : « Est-ce que Radio-Canada sera le seul bénéficiaire de l’argent réinjecté par Patrimoine canadien? », se demande le rédacteur en chef de L’Aquilon. « Ce serait bien de ne pas oublier les petits médias communautaires », rejoint Thibaut Rondel, directeur de l’Aurore boréale au Yukon.
Quelle place pour Radio-Canada?
Les médias communautaires, présents depuis des décennies, doivent composer avec le nouvel acteur médiatique. « Nous sommes là depuis 30 ans avec L’Aquilon : on a une façon de faire, une connexion avec la communauté, on a rempli pendant toutes ces années le mandat d’être la source d’information en français dans les TNO », souligne Maxence Jaillet.
Du côté du diffuseur public, M. Dubé assure que l’objectif est de bonifier l’offre présente : « C’est important que le diffuseur public soit présent dans une région où la francophonie est vibrante et active. On veut couvrir des sujets qui témoignent de la réalité des auditoires des régions et témoigner de la vitalité culturelle des communautés francophones éloignées des grands centres. »
Des mandats différents
Hélène Lequitte, rédactrice en chef du Franco, en Alberta, rappelle que « les mandats ne sont pas les mêmes ». D’un côté, les journaux communautaires représenteraient la communauté francophone, de façon locale et resserrée, et de l’autre, Radio-Canada aurait vocation à couvrir des sujets plus larges, « avec d’autres moyens ».
Mais la différence de mandat est parfois floue. Pour Thibaut Rondel, directeur de l’Aurore boréale, à Whitehorse, « les mêmes sujets avec les mêmes intervenants » sont parfois traités à Radio-Canada. Cette duplication de contenu aurait tendance à s’accentuer avec le virage numérique, mêlant « complémentarité et concurrence » pour le responsable.
Afin que Radio-Canada ne soit pas un compétiteur pour les médias communautaires déjà en place, Maxence Jaillet reste ouvert à la collaboration : « Pouvoir échanger, partager, trouver une façon de travailler pour servir au mieux la communauté ». Au fond, il considère l’arrivée de Radio-Canada à Yellowknife comme « une alternative au bénéfice de la communauté ».
Pour M. Rondel, toutefois, une collaboration n’est pas souhaitable à l’heure actuelle avec la journaliste de Radio-Canada basée à Whitehorse, car « nos journaux doivent impérativement conserver leur indépendance et leur liberté de ton ». Il reconnaît néanmoins le bénéfice de la « pluralité des médias francophones dans le Grand Nord canadien ».
Avec une éventuelle ouverture de poste permanent au Nunavut, « un projet en réflexion », révèle Marco Dubé, le paysage médiatique s’apprête à se diversifier. Reste à souhaiter que « plus la faune médiatique est diverse, plus elle s’enrichit », comme l’estime la rédactrice du Franco.