Les Franco-Ténois le connaissent bien, particulièrement dans les communautés d’Inuvik et Hay River, où Richard Létourneau est une figure publique.
En lui remettant le prix samedi 28 septembre, le président de la Fédération franco-ténoise, Jean François Pitre, a souligné son implication depuis plus de quinze ans dans la francophonie. Et son parcours est pour le moins impressionnant : directeur de l’école Boréale à Hay River depuis trois ans, il a été président de l’Association des francophones du Delta du Mackenzie (Inuvik), membre du conseil d’administration de la FFT pendant 10 ans (dont six ans à la présidence), trésorier et membre du conseil d’administration de la FCFA pendant une dizaine d’années (dont cinq ans au bureau de direction) et membre du conseil d’administration de plusieurs autres organismes tels que le Conseil de développement économique, L’Aquilon ou encore le Collège nordique francophone. Malgré ses faits d’armes, c’est avec la réelle surprise d’un homme ému qu’il a réagi à sa victoire : « Je ne m’y attendais pas du tout, parce que je n’avais pas été prévenu à l’avance. D’habitude les gagnants sont avisés en amont » s’est-il exclamé pour se justifier.
Arrivé en 2002
L’originaire de la Gaspésie n’était pourtant pas familiarisé avec les enjeux de la minorité linguistique avant de quitter le Québec, vers ses 25 ans : « J’avais une mentalité tout à fait québécoise, nationaliste. La question de la minorité linguistique est assez relative, on ne le voit pas toujours à la même échelle. Vivre dans une communauté où le travail se fait en anglais, où les relations sociales se vivent en anglais, cela donne un autre point de vue sur l’importance de notre langue, son rôle dans la communauté, les droits et la reconnaissance qu’elle a vis-à-vis des institutions politiques et des services publics », explique-t-il.
La découverte d’un intérêt pour l’enseignement
C’est pourtant grâce à sa maitrise du français qu’il est arrivé à Inuvik pour la première fois, en tant que moniteur de langues. À l’époque, il est inscrit en maitrise de littérature française à l’Université de Laval, mais ne se sent pas à sa place : « je m’étais toujours dit que je voulais aller dans le Grand Nord au moins une fois dans ma vie. Donc j’ai postulé et on m’a offert un poste à Inuvik ». Après deux ans, un poste d’enseignant de français se libère dans la communauté, mais personne n’est disponible pour le combler. C’est à Richard que l’on propose le contrat de cinq mois. Alors qu’il ne se voyait pas du tout enseignant, il accepte tout de même et attrape le virus. Après un bref retour à l’université pour obtenir un diplôme d’enseignant, il revient à Inuvik où un il obtient un poste. De ces années, il se souvient : « A cette époque, sortir de l’université avec un diplôme d’éducation, cela signifiait soit être chanceux et devenir suppléant pendant des années, soit être sans emploi, soit aller dans le nord et obtenir un poste. Moi j’étais arrivé à un âge où j’avais envie d’avoir un travail, de gagner ma vie honorablement et retourner au nord semblait être une bonne opportunité, surtout que je connaissais bien Inuvik. C’était aussi une grande période de prospérité, très différente d’aujourd’hui. Au début des années 2000, il y avait un manque de main-d’œuvre généralisée, c’était très effervescent. J’avais grandi dans l’ambiance assez morose des années 1980-1990 en Gaspésie où le pessimisme et la décroissance généralisée régnaient. C’était vraiment différent d’être au Nord où il y avait plein d’opportunités, le travail et la vie étaient plus faciles…c’était un autre temps ! » se souvient-il.
La fierté d’accompagner la communauté franco-ténoise
Depuis dix-sept ans qu’il vit au TNO, il en a vu des changements dans la communauté francophone : « Dans ces vingt dernières années, j’ai vu des institutions et des services publics se mettre en place pour la minorité francophone des TNO. Ça a été une belle découverte pour moi, ça a été stimulant de participer à ces luttes-là », confie-t-il.
Alors qu’il juge la communauté franco-ténoise « très militante, relativement petite, mais bien organisée », mais aussi « mouvante et très diverse », il sait qu’elle est capable de se faire entendre, d’obtenir des avancées et reste optimiste pour l’avenir. Il affirme que, malgré les avancées : « on ne doit pas arrêter de demander plus ou de demander mieux. Il reste encore beaucoup de débats et d’enjeux qui restent à défendre, notamment la création d’un centre communautaire francophone ». Et avec fierté, il conclut « Il ne faut pas oublier que nous sommes à l’origine de projets culturels et de services publics qui dépassent les intérêts de notre propre communauté ! »