« Une des époques les plus difficiles de ma vie. » Jacques-Benoît Roberge, président du conseil d’administration de l’Association franco-culturelle de Yellowknife (AFCY), accuse toujours le coup dur vécu en novembre 2019.
Au cours de ce dernier mois d’automne, l’organisme connait un tournant dans son histoire avec la découverte d’« irrégularités financières ». La directrice générale, Lisa Berthier, alors en poste depuis juillet 2018, est soupçonnée de détourner de l’argent pour des besoins personnels. L’Association se retrouve alors sans direction. Au total, environ 30 000 dollars auraient été détournés – un chiffre qui restera à préciser lors de la remise du rapport financier d’ici la fin du mois de mars.
Selon le président et d’autres sources, cette somme a bel et bien été remboursée. Cependant, d’autres dépenses floues restent en suspens : certaines sorties d’argent, apparaissant sur le compte en banque de l’AFCY, ne correspondent à aucune note de frais. Des repas au restaurant, consommés seul ou à plusieurs, sans date ni objet. Pour Jacques-Benoît Roberge, il faut « laisser le bénéfice du doute ». Pas de preuves, pas d’accusations. « Des mesures ont été prises au vu des faits », ajoute-t-il.
Mais pourquoi aucunes notes de frais n’ont-elles été fournies ? Membre du Conseil d’administration, Xavier Lord-Giroux, se rappelle s’être étonné de la tenue des réunions. « On n’était pas toujours au courant, il n’y avait parfois pas d’ordre du jour et pas toujours de procès-verbaux », raconte-t-il.
Le président assure de son côté que les réunions du conseil d’administration, qui se déroulent environ toutes les six semaines pour les plus grandes, étaient toujours encadrées.
Situation « délicate »
En décembre, à la suite du départ contraint de Lisa Berthier, la situation s’avère alors « très délicate et serrée », selon les mots du président. « Il y avait des attentes du côté de fournisseurs qui n’étaient pas payés, on pensait qu’il y avait plus d’argent qu’en réalité. »
Jessica Payeur, ancienne coordinatrice de l’AFCY, est alors engagée avec un contrat de 15 heures par semaine afin de tenter de remettre l’Association sur un bon chemin.
« J’ai postulé pour être agente culturelle et sur mon contrat il était écrit coordinatrice par intérim, se souvient-elle. Ce qui s’est avéré être un rôle de directrice. »
L’employée, qui a aujourd’hui décidé de ne pas renouveler son contrat, explique que son travail consistait essentiellement à faire des demandes de subventions et à procéder à l’envoi de rapports en retard, « depuis à peu près les deux dernières années », selon elle.
Par ailleurs, elle affirme avoir dû également organiser des évènements à venir dont seule la salle avait été réservée. Elle déplore le manque de soutien du conseil d’administration à son encontre.
Quinze heures par semaine pour redresser la barre, un horaire « jamais suffisant » pour le président, mais justifié par le peu de moyens. « Je peux comprendre qu’il y ait eu des pressions et des attentes, elle a fait de son mieux durant ces 15 heures, un travail valable et respectable. »
Une réaction trop tardive ?
Deux mois avant son congé forcé, Lisa Berthier aurait évoqué son désir de démissionner de ses fonctions. Selon Jacques-Benoît Roberge, elle aurait eu l’intention de terminer son contrat plus tôt que prévu. Aurait-elle senti le vent tourner ? « On ne veut pas spéculer, mais on la sentait moins à l’aise », explique le président. Les rapports entre la contractuelle – unique employée de l’Association pendant deux mois et quelques – et les membres du conseil d’administration restent de la « régie interne » selon Jacques-Benoît Roberge qui préfère écarter la question.
Après la volonté de Jessica Payeur de quitter l’organisme, deux postes ont été proposés : direction générale et direction de l’animation culturelle.
Pour l’heure, l’ancienne directrice, Pascaline Gréau, partie en congé de maternité avant le recrutement de Lisa Berthier, s’occupe de gérer bénévolement l’organisme. Un contrat de travailleur autonome de consultante en gestion est en cours d’élaboration avec elle. Une seconde personne sera également bientôt engagée pour assurer le service d’écriture comptable.
L’AFCY « face à un grand défi »
« L’AFCY est là pour rester, confirme avec assurance le président. Le conseil d’administration travaille très fort pour assurer la continuité. On tient nos bailleurs de fonds très informés de façon régulière et on croit avoir leur confiance. »
Toujours selon lui, « l’organisme fait face à un grand défi. Il a besoin d’un nouvel élan ».
La participation et l’intérêt de la communauté sont deux aspects très importants selon le président. Concernant le budget, l’année qui arrive (jusqu’au 31 mars 2021) est assurée.
« On est protégé pour l’exercice qui va commencer, […] ce qui est critique, c’est pour l’année 2021-2022. »
En effet, environ sept rapports ont été rendus en retard, certaines demandes de subventions primordiales sont toujours en attente et pourraient menacer l’équilibre de la prochaine année. Cependant, le président se veut rassurant et annonce d’ores et déjà un concert d’une grande importance en novembre prochain.
Assemblée générale reportée
Suite aux mesures prises face à la COVID-19, l’assemblée générale qui devait se dérouler le 26 mars est, au moment de mettre sous presse, entre parenthèses.
Avant cette annonce, Xavier Lord-Giroux avait fait part de son appréhension face à l’AGA. « Comme conseiller, j’ai une responsabilité dans ce qu’il s’est passé, je vais tout à fait comprendre que des gens de la communauté aient des questionnements, avait-il exprimé. L’année qu’on vient de passer ne reflète pas du tout qui je suis et ma façon de travailler. » S’il ne souhaite pas renouveler son mandat au sein du conseil d’administration, ce n’est toutefois pas entièrement dû à cette période difficile. Il s’était de toute manière fixé une année de fonction.
Pour ce qui est du président, il a confirmé vouloir demeurer en poste si la communauté le souhaite. « L’assemblée est souveraine », de souligner Jacques-Benoît Roberge avec confiance.
Une prochaine date sera communiquée quand la situation sera revenue à la normale.