La question de l’éducation en français est revenue au cœur des débats à l’Assemblée législative : le 31 octobre, le député de Range Lake, Kieron Testart, a pris la parole pour dénoncer les obstacles rencontrés par les familles francophones de Fort Smith. Il a notamment rappelé les obligations constitutionnelles du gouvernement territorial en matière de droits linguistiques.
Dans une déclaration empreinte de fermeté, le député a rappelé que « le Nord est le foyer d’une forte présence francophone » et que cette communauté « fait partie intégrante de la mosaïque multilingue du territoire depuis les premiers jours de la traite des fourrures ». Il a salué les efforts des familles qui, malgré des services limités dans les petites collectivités, « continuent de transmettre leur langue, leur culture et leur fierté ».
Il est inacceptable que des familles soient contraintes de quitter Fort Smith simplement pour que leurs enfants puissent recevoir une éducation dans leur langue maternelle.
Fort Smith au cœur du débat
Le député a ensuite ciblé le cas de Fort Smith, où des parents francophones ont intenté une action judiciaire contre le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest pour obtenir une éducation en français langue première, en vertu de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. « Le ministre de l’Éducation conteste le nombre de titulaires de droits dans la collectivité et suggère qu’ils se contentent de cours d’immersion française à la place », a-t-il dénoncé.
S’exprimant ensuite en français, il a ajouté : « Les Franco-Ténois ont un droit constitutionnel à une éducation en français, langue première, dans leur communauté d’origine. Il est inacceptable que des familles soient contraintes de quitter Fort Smith simplement pour que leurs enfants puissent recevoir une éducation dans leur langue maternelle. » Félicitant les parents pour leur « dévouement et leur persévérance », M. Testart s’est dit convaincu qu’ils « réussiront, puisque ces droits sont inscrits dans notre Constitution ».
Revenant à l’anglais, le député a estimé que forcer les familles à aller devant les tribunaux « place sur elles un fardeau injuste et risque d’avoir un effet dissuasif sur l’exercice des droits garantis par la Charte ».
Selon lui, le gouvernement « semble plus disposé à risquer des batailles juridiques couteuses qu’il perd systématiquement plutôt qu’à travailler de manière collaborative avec les communautés dès le départ ». Le député a terminé son intervention sur une interrogation directe : « Quand mettra-t-il fin à ces litiges couteux et garantira-t-il enfin la reconnaissance simple et directe des droits et de la dignité de nos minorités linguistiques ? »
Un modèle plus ouvert réclamé
Quelques minutes plus tard, M. Testart est revenu sur le sujet pendant la période de questions orales, interpelant directement la ministre de l’Éducation, Caitlin Cleveland. Il a comparé la situation des Territoires du Nord-Ouest à celle du Yukon, où le gouvernement accorde davantage d’autonomie à la commission scolaire francophone. « Le gouvernement du Yukon donne beaucoup plus de flexibilité à la commission scolaire pour prendre ses propres décisions, tandis que notre gouvernement impose un modèle très restrictif de contrôle des admissions et d’autres aspects de l’éducation en français langue première », a-t-il affirmé. Le député a ensuite demandé à la ministre si elle s’engagerait à adopter un modèle semblable à celui du Yukon, « où les communautés francophones gèrent elles-mêmes leur éducation ».
La ministre Cleveland a indiqué qu’elle travaillait « sur des modifications règlementaires en collaboration avec la CSFTNO (Commission scolaire francophone des Territoires du Nord-Ouest) ». Elle a précisé que ces changements visaient à « retirer la désignation limitant les écoles de langue française aux seules communautés de Yellowknife et Hay River ».
Le député a poursuivi en demandant quelles garanties existaient pour s’assurer que les droits des francophones seraient respectés lorsqu’ils revendiquent leurs droits constitutionnels à l’éducation. « Lorsqu’un droit est affirmé, il doit être respecté », a-t-il insisté.
La ministre a répondu : « Nous avons des processus en place, nous travaillons étroitement avec le ministère de la Justice pour recueillir les informations disponibles et collaborer avec les communautés de langue française. »
Insatisfait, M. Testart a répliqué : « Et pourtant, ils continuent de se faire poursuivre. Alors clairement, quelque chose ne fonctionne pas. » Il a demandé si la ministre s’engagerait à « évaluer l’ensemble du système » et à revoir le seuil d’admission de 85 % de capacité, en le convertissant – comme au Yukon – en seuil pour les non-titulaires de droits, afin de permettre aux écoles de croitre et de « faire en sorte que les francophones aient leurs droits respectés dans les Territoires du Nord-Ouest ».
Mme Cleveland a conclu en réaffirmant l’engagement de son ministère à « respecter les droits prévus à l’article 23 de la Charte », tout en soulignant la nécessité d’un équilibre : « Nous devons aussi répondre aux besoins de tous les enfants, dans toutes les écoles du territoire. Mon rôle consiste à maintenir cet équilibre et à assurer l’investissement dans les infrastructures existantes. »
Cet échange a remis sur la table un enjeu bien plus large que celui de Fort Smith : la manière dont le gouvernement territorial applique concrètement les droits linguistiques garantis par la Constitution. Derrière les questions techniques de seuils ou de règlements, c’est la reconnaissance du fait francophone dans le Nord qui demeure en jeu, entre volonté d’équité territoriale et devoir de respecter les droits des minorités.
