Du 24 au 26 mars prochain, se tiendra à Iqaluit une conférence organisée par la Commission d’Établissement du Nunavut concernant l’épineuse question des politiques linguistiques du prochain gouvernement. On y discutera principalement de la place de l’inuktitut dans le fonctionnement de l’appareil de l’état et au Nunavut en général. Si la question est épineuse, c’est qu’en discutant de la place de l’inuktitut, on doit bien du même coup remettre en question la place qu’occupe maintenant l’anglais dans la vie de tous les jours.
Depuis août dernier, l’Aquilon a rencontré quelques leaders inuit importants et les a invité à se prononcer sur cette question. Jack Anawak, Commissaire par intérim du Nunavut, Lazarus Arreak, président de Qikiqtaani Inuit Association, Jose Kusugak, président de Nunavut Tuungavik Inc et enfin John Amagoalik, président de la Commission d’établissement du Nunavut.
La question est d’autant plus importante pour le mouvement associatif francophone, qu’on y discutera aussi nécessairement de la place du français dans le futur territoire. Au 1er avril 1999, toutes les lois des TNO seront en vigueur au Nunavut jusqu’à ce que la prochaine assemblée législative du Nunavut les modifie. Parmi ces lois, celle des langues officielles des TNO entrera en vigueur automatiquement.
La présente loi territoriale actuelle, en plus des deux langues officielles du pays le français et l’anglais, reconnaît 6 langues autochtones dont le chipewyan, le cree, le dogrib, le gwich’in, le slavey et l’inuktitut, incluant l’inuinnaqtun et l’Inuvialuktun. La loi territoriale ne fait pas de ces langues autochtones des langues officielles de travail au sein de l’administration publique, mais bien des langues de services aux populations.
Selon Simon Awa, le directeur exécutif de la CEN, si l’on veut qu’au Nunavut l’Inuktitut soit employé comme langue de travail officielle dans la fonction publique, la proposition devra d’abord être votée à la prochaine Assemblée législative du Nunavut et ensuite par la Chambre des Communes à Ottawa, puisqu’il s’agirait d’une modification à la Loi des langues officielles du Canada.
À l’occasion de cette conférence, l’Association francophone du Nunavut est appelée à présenter un mémoire sur la place qu’occupera le français dans le nouveau territoire. Si le français jouit du statut de langue officielle au pays, l’interprétation que font chaque province et territoire de ce statut dilue énormément la teneur de cette loi.
Pour John Amagoalik, par exemple, le Nunavut devra respecter le statut du français comme langue officielle, puisque c’est une loi fédérale et qu’en acceptant de faire partie du Canada on accepte aussi ses lois. Pour Kusugak et Arreak, le français semble offrir une opportunité réelle de mieux connaître la réalité canadienne et de s’ouvrir sur le monde. Après tout, nous avait souligné Arreak, nos frères et soeurs inuit du Nunavik parlent de plus en plus le français. Ainsi, le français devrait être beaucoup plus accessible dans le système d’éducation pour les Inuit qui veulent l’apprendre. Mais tous les leaders inuit rencontrés ont souligné l’importance de la communauté francophone du Nunavut et ont souhaité vivement que les francophones s’y sentent bienvenus et appréciés.
Y aura-t-il une association anglophone du Nunavut à la rencontre? Une telle association n’existe pas encore du côté anglophone, mais de nombreux anglophones seront présents pour faire valoir leur point de vue.