Après plus de 2 ans d’enquête, la Gendarmerie Royale du Canada a porté un dur coup au plus important réseau de revente de drogues jamais mis à jour dans la région du Nunavut.
Dès 6h du matin le 24 mars dernier, une vaste opération policière s’est déroulée simultanément à Iqaluit, Pangnirtung, Sherbrooke et Montréal au Québec et Rock Creek en Colombie-Britannique. La rafle s’est soldée par l’arrestation de 27 personnes qui ont été principalement accusées de trafic de substances illégales ou de conspiration en vue de ce trafic.
Selon le porte-parole de la Gendarmerie Royale du Canada à Yellowknife, le Sergent Tom Steggles, près d’une vingtaine d’agents ont été affectés à l’opération pour Iqaluit seulement. À cette occasion, les détachements de Hay River et de Yellowknife ont prêté au moins une douzaine d’hommes à l’escouade spéciale des drogues d’Iqaluit.
Grâce à ce réseau de distribution qui aurait fonctionné depuis plusieurs années, Iqaluit servait de port d’entrée de la drogue pour tout l’Arctique de l’Est. Un voyageur d’Igloolik, qui préfère garder l’anonymat, arrivé à Iqaluit en fin de semaine dernière constatait qu’Igloolik est à sec. « Il y a plusieurs personnes à l’aéroport qui te supplient de leur ramener du hasch quand ils te voient prendre l’avion! »
Durant la même journée, la Cour Suprême des Territoires du Nord-Ouest a émis une ordonnance de retenue (restraining orders) sur 3 résidences et 2 commerces, le « Snack » et le « Candy Store », tous propriétés de l’homme d’affaire bien connu d’Iqaluit, Claude Caza. Les propriétés sont évaluées à 2.5 million de dollars.
Tel qu’expliqué par le sergent Steggles, il ne s’agit pas tout à fait d’une saisie au terme de la nouvelle loi fédérale sur les gains provenant d’activités criminelles (proceeds of crime) . La saisie sera complète et définitive quand la Cour aura déterminé quelle part des actifs de Claude Caza provient clairement d’activités criminelles. D’ici là, le propriétaire ne peut procéder à aucune transaction sur ses immeubles ou commerces. Ceux-ci resteront toutefois en opération bien que tout profit réalisé tombera automatiquement sous l’ordonnance de retenue.
Un des faits nouveaux mis en lumière par l’opération policière, c’est le lien entre le réseau de distribution du Nunavut et le groupe criminalisé des Hell’s Angels. En effet, un membre en règle des Hell’s, François Goupil, 29 ans de Sherbrooke au Québec a été cueilli dans le même coup de filet et accusé de conspiration en vue du trafic de substances illégales. Le sergent Steggles n’a pu fournir plus de détails sur les relations qu’entretenait le réseau d’Iqaluit avec la célèbre bande de motards.
L’enquête de la GRC s’est enclenchée à la suite d’un mouvement de protestation des citoyens dans les rues d’Iqaluit en 1994. Une manifestation de plusieurs centaines de personne avait réussi à sortir de la ville un revendeur de drogue qui exerçait son commerce de façon trop ostensible.
La foule avait encerclé le restaurant « le Snack » que plusieurs orateurs décrivaient alors comme un lieu important de distribution. Ils soulignaient aussi le fait que le « Snack » se trouvait à être le principal lieu de rendez-vous de la jeunesse d’Iqaluit, étant donné l’absence de centre de loisirs pour les jeunes dans la ville.
La manifestation s’était ensuite dirigée devant la résidence du propriétaire de l’établissement, M. Claude Caza, où l’ex-maire d’Iqaluit, M. Joe Kunuk, alors candidat à la mairie, avait invité la population à se débarrasser de cette plaie sociale pour le Nunavut que constitue la consommation généralisée de drogues.
Au moment de notre tombée, les personnes suivantes avaient été arrêtées et mises en accusation. 6 de ces individus avaient pu recouvrer leur liberté sous cautionnement, la Cour s’étant d’abord assurée qu’ils seraient présents à leur enquête préliminaire.
Il s’agit de Claude Caza, Clara Rumboldt, Nuyalea Kipanik, Billy Joe Barnes, Danny Savard, Denis Aubut, Jean-Pierre Levesque, Roger Marquis, Grant Liddiard, Jay Wisintainer, Levi Jeffrey, Mark Wisintainer, Michael Noah, Jamie Edwards, Eric Rose, Bera Naulaq, Dorothy Noah, Kakasie Mitsima, Mary Anne Sheutiapik et Chesley Short, tous d’Iqaluit, ainsi que Francois Goupil de Sherbrooke (Qué.), Mark Pitts, de Rock Creek (B.C.), Adam Pitts de Rock Creek (B.C.), Ricardo Lahens de Montréal, Jean-Louis Wisintainer de Montréal et Joalie Okalik de Pangnirtung.