Il semble que le programme de réduction des effectifs au sein de la fonction publique fédérale, entrepris en 1995, coûtera finalement plus cher que ce qu’il aura permis d’économiser en salaires et en avantages sociaux.
Le Secrétariat du Conseil du Trésor évalue maintenant les coûts rattachés au départ d’environ 55 000 fonctionnaires fédéraux à 3,2 milliards de dollars, alors que le montant de la réduction nette des dépenses reliées aux salaires et aux avantages sociaux serait de 2,5 milliards. L’opération réduction de la fonction publique pourrait donc coûter 700 millions de dollars aux contribuables canadiens.
Le gouvernement fédéral avait d’abord évalué les coûts de la restructuration de la fonction publique à 2,3 milliards. Cette évaluation est ensuite passée à 3,2 milliards en 1995-1996.
Selon un rapport du vérificateur général Denis Desautels, cette hausse des coûts s’explique en partie par le fait que les fonctionnaires ont été deux fois plus nombreux que prévu à se prévaloir du Programme d’encouragement à la retraite anticipée, qui coûte plus cher. Ils ont été aussi deux fois moins nombreux à accepter la prime de départ anticipé.
Le Conseil du Trésor avait évalué qu’environ 4 000 fonctionnaires décideraient de prendre leur retraite anticipée. En mars 1997, ce nombre tournait plutôt autour de 8 000. A l’inverse, le Conseil du Trésor avait estimé qu’entre 13 000 et 15 000 fonctionnaires accepteraient la prime de départ anticipé mais seulement 7 500 s’étaient prévalus de cette offre.
Les mesures financières d’encouragement au départ expliquent cet engouement des fonctionnaires pour la retraite anticipée. Selon le vérificateur général, les indemnités accordées par le gouvernement fédéral en vertu de ses divers programmes étaient d’ailleurs « relativement généreuses ». Plus généreuses, en fait, que ce qui est offert dans le secteur privé, alors que les prestations de cessation d’emploi varient entre 36 et 59 semaines.
Cette générosité du gouvernement, Denis Desautels l’explique notamment par « le vif désir » du Conseil du Trésor de « maintenir une atmosphère de paix » au sein de la fonction publique durant la période de réduction des effectifs.
Les effets combinés des nombreux programmes d’encouragement au départ, l’indemnité supplémentaire équivalente à 15 semaines de rémunération offerte aux employés pour les inciter à quitter la fonction publique avant le 15 juillet 1995, le désir de traiter les fonctionnaires de façon équitable, la faible perspective de réemploi pour certains employés sont toutes des raisons qui expliquent les coûts élevés du programme de réduction du personnel. Il y a aussi l’ampleur même des réductions projetées: « Plus le nombre d’employés visés par une cessation d’emploi est élevé, plus les indemnités sont généreuses, en particulier dans un milieu syndiqué », constate le vérificateur général.
Une vérification détaillée des mesures de réduction du personnel auprès de sept ministères fédéraux permet d’ailleurs à M. Desautels de conclure que les employés visés par les compressions ont été traités « avec compassion et sensibilité ».
Certains ministères se sont toutefois aperçus après coup qu’ils avaient besoin de l’expérience et des compétences de ceux et celles qu’ils avaient laissé partir. C’est surtout le cas à la Défense nationale, qui s’est retrouvée avec une pénurie de pilotes, de signaleurs navals, d’opérateurs de radio navale et de policiers militaires. Le ministère a donc réembauché 486 employés, qui avaient profité des généreuses mesures de départ. Au total, environ 600 fonctionnaires ont été réembauchés dans l’ensemble des ministères. Environ 130 ont cependant été obligés de rembourser au prorata leur indemnité de départ.
Malgré tout, M. Desautels donne dans l’ensemble une bonne note au gouvernement. L’examen des programmes, écrit-il, a été un succès à de nombreux égards puisque le déficit a été réduit et que les frais de personnel ont baissé pour la première fois en plus de dix ans. Entre mars 1995 et mars 1997, la fonction publique a d’ailleurs perdu plus de 31 000 fonctionnaires et ses effectifs sont passés de 225 619 à 194 396.