Comme toute séparation ou divorce, la division des Territoires du Nord-Ouest, le 1er avril prochain, risque d’occasionner des déchirures qui mettront peut-être un peu de temps à cicatriser. Le gouvernement de l’ouest, quant à lui, semble fin prêt pour amortir les chocs et pouvoir décoller en douceur.
L’économie, l’emploi et le logement, voilà des domaines susceptibles d’avoir déjà été ou d’être éventuellement affectés par la division des Territoires du Nord-Ouest, le 1er avril prochain.
À en croire le ministre responsable de la transition pour l’ouest des territoires, Charles Dent, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest (GTNO) est toutefois bien préparé pour amortir les chocs. Ainsi, à court terme, la division ne devrait pas avoir d’impact sur le fonctionnement du gouvernement actuel. Le ministre Dent explique que le nombre d’emplois devraient rester le même, du moins, jusqu’aux prochaines élections.
«Il y a une politique de non mise à pied d’ici les prochaines élections, à l’automne prochain. Depuis un an, par contre, il y a une élimination naturelle des postes qui se fait.»
Pour sa part, une employée du service central des ressources humaines du GTNO, Lyne Cook, avance «qu’il y aura peut-être une diminution des postes avec le temps et la restructuration politique».
Pour être fonctionnelle, l’administration publique du Nunavut aura recours aux services d’environ 700 employés. Les employés qui occupent déjà un poste au sein du nouveau gouvernement, ou qui seront recrutés à l’intérieur des frontières du Nunavut, représente 50 % du personnel. Quant à l’autre moitié, des efforts devront être mis afin de recruter le personnel à l’extérieur du nouveau territoire, soit au sein du GTNO et dans le reste du pays.
Selon les dernières études mentionnées dans le Plan d’action pour la transition des deux territoires , seulement 15 % des employés qui devraient normalement travailler au sein de l’administration du GTNO après la division seraient prêts à faire le saut dans l’administration publique du Nunavut.
On peut d’ailleurs lire dans le document que ce petit nombre nuira au gouvernement du Nunavut qui aura de la difficulté à maintenir les opérations et les services au niveau actuel (…) Des efforts significatifs seront donc mis afin d’augmenter le nombre d’employés du GTNO qui seront transférés au Nunavut.
Actuellement, 150 employés au service du GTNO seront transférés naturellement vers l’administration publique du Nunavut, le 1er avril. Mais ce sont 200 employés qui seraient idéalement nécessaires pour assurer un partage des connaissances et une continuité des services adéquats.
Par ailleurs, les deux territoires continueront à partager, pendant un certain temps, des services comme ceux de la Société d’énergie et de la Commission des accidents du travail.
«L’ouest demeurera actif pour aider l’est dans une cinquantaine de domaines», explique le ministre Dent, «c’est important de continuer à coopérer puisque nous partageons une histoire commune et des buts communs», ajoute-t-il.
Quant à l’impact de la division sur l’économie, il est plutôt difficile à mesurer.
«Il n’y a pas de statistiques ou de chiffres démontrant que l’impact soit jusqu’à présent positif ou négatif», indique le président de la Chambre de commerce de Yellowknife, Gordon Van Tighem, «Nous déployons toutefois beaucoup d’efforts pour encourager les industries à rester à Yellowknife.»
Dans la dernière année, cinq à six industries ont fermé leurs portes à Yellowknife, sans compter la Con mine, présentement en grève, et la Giant mine, qui éprouve des difficultés financières. Avec le prix de l’or qui se maintient à environ 300 $ l’once, alors que pour être rentables les mines de la région doivent vendre à au moins 325 $ ou 350 $ l’once, ce marché n’a rien pour rehausser de l’économie.
Maintenant, certains prétendent que l’expansion de l’industrie du diamant contrebalancerait la situation boîteuse des mines.
«Nous avons une économie chanceuse», indique M. Van Tighem,«alors que le marché de l’or est à la baisse, celui du diamant est en pleine croissance.»
Par contre, David McCann, homme d’affaires venu s’installer à Yellowknife en 1974 et propriétaire de la firme Treeline Planning Services qui offre des services de planification et de gestion au gouvernement et aux industries, explique que bien que l’industrie du diamant donne un bon coup de pouce à l’économie, il est toutefois trop tôt pour conclure qu’elle compense pour le marché de l’or.
D’ailleurs, M. McCann ajoute qu’on sent, depuis les cinq dernières années, un essoufflement économique dans la capitale.
«Les coûts pour entretenir une entreprise à Yellowknife sont très élevés. Puisque l’optique des gens d’affaires est d’offrir un service acceptable, à un prix acceptable, tout en maximisant les profits, Yellowknife n’est peut-être pas l’endroit idéal pour se lancer en affaires. La plupart décident donc de déménager au sud tout en continuant à desservir le nord», explique-t-il.
Bien qu’il soit difficile de déterminer si la division affecte ou affectera l’économie, Dave McCann ose avancer qu’à tout le moins, un vent d’incertitude souffle présentement sur la ville.
«Les gens d’affaires sont optimistes et pragmatiques, mais lorsqu’ils se retrouvent dans des situations incertaines, comme en ce moment, leurs sentiments jouent pour beaucoup dans leur choix de partir ou rester», ajoute-t-il.
Toutefois, selon le rapport de la Direction de l’expansion du commerce et de l’investissement du GTNO, 293 nouvelles entreprises auraient ouvert leurs portes dans les Territoires du Nord-Ouest en 1998, alors qu’il y en aurait eu 102, en 1997.
Maintenant, bien que l’économie dans la capitale ne soit pas au sommet de sa forme, l’industrie immobilière connaît, quant à elle, un regain d’énergie. La Chambre immobilière de Yellowknife constate une hausse du marché et une stabilisation des prix depuis que le GTNO offre sa subvention de 10 000 $ aux gens qui en sont à leur premier achat immobilier. Il est donc difficile, pour le moment, d’évaluer si la division a un impact ou non, sur le marché de l’immobilier.
Bref, les politiciens restent confiants, ou ne laissent percevoir aucune trace d’incertitude; les gens d’affaires gardent l’oeil bien ouvert et la population, elle, se prépare à fêter, le 31 avril prochain, l’avènement d’un territoire dont on ne connaît pas encore le nom officiel.
Des feux d’artifice brilleront pour l’ouest ce soir-là, reste à voir si une bonne étoile lui sourira!