Le gouvernement fédéral devrait accorder ses subventions aux associations francophones en tenant compte de leur performance et non pas en fonction d’un quelconque droit perpétuel à dépendre de l’État.
«La rémunération doit être liée à la performance. Ce qui est bon pour IBM est bon pour la francophonie inc.» soutient le professeur à la Faculté d’administration de l’Université d’Ottawa, Gilles Paquet. «Il n’y a rien dans l’attribution des subventions qui est lié à la performance. Même que plus on est inefficace, plus c’est payant!»
M. Paquet a tenu des propos tranchants lors d’un forum sur la «gouvernance» et la minorité, qui avait lieu dans le cadre du 67e congrès de l’Association canadienne-française pour l’avancement des sciences (Acfas) à l’Université d’Ottawa.
Fidèle à son habitude, le professeur n’y est pas allé par quatre chemins.
Il a dénoncé le gouvernement fédéral qui, dans le seul but de «pacifier et apaiser les communautés», est prêt à donner des subventions sans mot dire.
Il a dénoncé le mode de gestion des ententes de financement entre les associations et le gouvernement, connues sous le nom de Canada/communautés, qui fait en sorte que ce sont les bienfaiteurs des subventions qui décident autour d’une table de la distribution de l’assiette à beurre : «On ne met pas sur le conseil d’administration des amis de la famille», dit M. Paquet, qui qualifie la situation «d’incestueuse».
«Il ne faut pas que ces ententes soient gérées par les gens à qui on donne de l’argent. Comment voulez-vous gérer quand vous êtes juge et partie?» demande le professeur.
M. Paquet constate aussi que la représentativité du mouvement associatif francophone est «absolument nulle» et «fumeuse», tout comme le degré de confiance envers des porte-parole «qui sont supposés être officiels».
Ces «élites impotentes» tonne M. Paquet, «qui se sont arrogées le droit de se dire les leaders la communauté», doivent être remises en question. «On se heurte à des gens beaucoup moins intéressés au développement de la communauté qu’au contrôle de la cagnotte».
Il comprend cependant Ottawa de ne pas vouloir discuter avec des milliers d’organismes à la fois et de rechercher un porte-parole, «mais entre ça et se nommer un roi-nègre, c’est autre chose».
Il dénonce aussi vertement l’idée reçue voulant que le développement de la francophonie dépende avant tout de l’aide financière d’Ottawa : «Il n’y a aucune raison de garder par des moyens artificiels une communauté qui ne veut pas vivre» et de «momifier une réalité qui n’existe plus». Sinon, met-il est garde, «tout le monde a le droit de recevoir de l’aide, même les groupes qui n’ont aucun dynamisme».
En même temps, dit Gilles Paquet, cela fait plutôt l’affaire des bureaucrates à Ottawa «qui veulent signer n’importe quoi pour avoir la paix».
La chercheuse Line Bouchard estime que l’entente financière signée en 1994 entre le milieu associatif franco-ontarien et le gouvernement fédéral a laissé «un goût amer», en donnant l’impression qu’Ottawa voulait se laver les mains «de la gestion des minorités de langue officielle».
L’entente Canada/communautés a aussi provoqué un déchirement au sein de la communauté franco-ontarienne toujours selon Mme Bouchard. On a assisté, dit-elle, à une lutte entre les groupes communautaires «pour le monopole de la représentation du milieu». Elle note à son tour le «conflit d’intérêt» dans lequel se retrouvent certains membres d’organismes francophones, qui s’occupent de la distribution de l’enveloppe fédérale alors qu’ils sont eux-mêmes les bénéficiaires des fonds fédéraux.
L’économiste John Richard de l’Université Simon Fraser en Colombie-Britannique constate enfin que les francophones ont développé le côté le plus négatif des groupes d’intérêt : la recherche d’avantages financiers «avec des raisons injustifiables».
Il souligne d’ailleurs la méfiance qui existe au sein de la majorité anglophone en Colombie-Britannique à l’endroit «des avantages fiscaux dont jouissent les francophones» et pense qu’il existe «une dépendance malsaine» au sein des groupes francophones de l’extérieur du Québec, «qui cherchent à préserver leurs subventions».