le Samedi 19 avril 2025
le Vendredi 19 janvier 2001 0:00 | mis à jour le 20 mars 2025 10:35 Politique

Un chef part, un autre arrive et les troupes restent

Un chef part, un autre arrive et les troupes restent
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Je vous suggère cette semaine de réfléchir sur le départ du chef du Québec, Lucien Bouchard. Je crois qu’il vaut la peine de s’arrêter à ce chef qui s’en va, car, que votre idéologie corresponde ou pas à celle de Bouchard, on peut dire que la personne a tout de même réussi à faire l’unanimité au sein des chefs d’État provinciaux du Canada : tous les premiers ministres provinciaux ont salué un homme d’honneur, de respect, de principe, etc. L’unanimité était surprenante, mais compréhensible, car l’homme a tout de même marqué. De toute évidence, aucun autre premier ministre provincial partageait les idées de l’homme; par contre, l’honnêteté de l’adversaire s’est tout de même imposée à l’échelle du Canada.

Lucien Bouchard est un intellectuel. Un grand intellectuel. Ça paraît, ça se sent et surtout, ça s’impose. Homme de grande culture classique, son charisme réussit à prendre sa place, même auprès de ses adversaires. L’homme est imprégné d’honnêteté, ça se sent. L’homme est capable d’analyse et de recul, ça se sent. L’homme défend des principes bien ancrés, ça se sent. Le moment d’arrêt qu’on peut prendre, lors du départ de cet homme, c’est que Lucien Bouchard est un genre d’homme politique en voie de disparition. De plus en plus, les principes prennent le bord et la gloire personnelle prend le pas. Le Québec doit maintenant se choisir un chef. On leur souhaite le bon! Une grande analyse en profondeur des aspirations et des orientations ne peut qu’avoir des retombées positives.

Suite et fin de l’article écrit la semaine dernière et que je croyais terminé! Mes réflexions se sont poursuivies, cette semaine, sur le fait de rester ici ou pas. Si je veux vraiment, en toute honnêteté, aller au fond du sujet de départ, disons que je trouve particulièrement lourd et triste quand la ville continue de se vider de façon imperturbable. On ne peut faire autrement que de considérer la ville comme un lieu de passage. Sauf pour quelques rares personnes, Yellow-knife demeure un lieu de passage, où les gens, après quelques années, partent ailleurs, certains n’importe où, d’autres, d’où ils venaient; certains, pour un monde meilleur, d’autres pour un monde pire. Comment savoir quand on part. Bien sûr, le départ est suscité par un désir d’amélioration. Sinon, personne ne partirait. Mais, un fait demeure : les mouvements migratoires se font toujours aussi présents et aussi insistants. Des gens arrivent, d’autres partent. Ceux qui restent tente de se blinder, de ne pas se laisser abattre par le phénomène, sans toujours y réussir. De toute évidence, de grands mouvements migratoires existent également dans les grandes villes, mais le phénomène n’est pas aussi perceptible que dans une petite communauté du Nord comme ici. Il en résulte donc, chez les personnes qui restent, une attitude, consciente ou non, de protection et de défense, car les gens se disent : De toute façon, il ou elle va s’en aller. Cela n’empêche pas les gens d’être accueillants, d’avoir un grand sens communautaire, de profiter de ce que la nature peut avoir à offrir ici, bien au contraire.

Ainsi, pour bien des gens ici, il y a eu un avant Yellowknife et il y aura un après Yellowknife. Par contre, pour bien des jeunes il n’y a pas eu d’avant Yellow-knife : ils sont nés ici. Et pour plusieurs de ces jeunes, par contre, il y aura probablement un après Yellowknife, ne serait-ce qu’en raison des études. Quand on veut poursuivre des études, il faut s’exiler. Plusieurs reviendront travailler ici, question de remettre une partie du prêt étudiant, mais la plupart feront carrière ailleurs. Chez les Autochtones, la situation est différente. Quand ils décident d’aller faire des études ailleurs, c’est ici qu’ils vont revenir travailler, en général. Ils reviennent travailler dans leur coin de pays.

Quelque soit la raison qui nous a emmené ici, les amitiés se lient, les raisons de continuer d’y habiter se précisent, la vie se poursuit, bien ancrée dans le pergélisol sous un ciel croulant sous le poids des aurores boréales. Pour ma part, vous voulez connaître la raison profonde pour laquelle je suis toujours ici? Je vous la livre. Peut -être est-ce la même que vous? La raison pour laquelle je suis si attachée au Nord, c’est la luminosité qui se dégage dans le bleu du ciel, la nuit, en hiver. Voilà, c’est dit. Ne cherchez pas ça ailleurs, ça n’existe pas. Sur ces grandes révélations, je vous laisse analyser les raisons profondes de votre présence ici. Toutes les raisons sont bonnes.

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