Organiser la visite d’un dignitaire n’est pas de tout repos, mais la tradition se relâche quelque peu.
Lorsque la Reine a posé son pied sur le sol enneigé d’Iqaluit, le 4 octobre dernier, tout le gratin politique du pays était au garde-à-vous. Parmi les invités d’honneur au poste dans la capitale nunavutoise, le premier ministre Jean Chrétien, la gouverneure générale Adrienne Clarkson et son mari John Ralston Saul, ainsi que le premier ministre du Nunavut, Paul Okalik. Tout le déroulement de la cérémonie, qui aura duré en tout deux heures trente, a été calculé à la seconde près. Le bureau du protocole du Nunavut a préparé cette visite des mois à l’avance.
L’agente du protocole des T.N.-O., Carmen Moore, raconte que l’arrivée de la souveraine est l’événement le plus important d’une visite royale. L’employée du GTNO n’aura, pour le jubilé d’or, qu’accompagné à Rideau Hall une jeune étudiante des T.N.-O., qui a offert à la Reine un livre écrit par les jeunes d’ici. Or, la préparation de ce livre aura rempli l’horaire de celle qui voit à tous les détails protocolaires d’une visite de dignitaire.
« On a besoin du protocole pour respecter les cultures des différents pays », mentionne Carmen Moore, qui défend avec vigueur le respect de la tradition. Entre le tapis rouge, la cavalerie et les drapeaux, le protocole sert surtout à mettre à l’aise les invités. Le simple citoyen peut toutefois être intimidé par la complexité des rapports entre la personnalité et son public. Strict, le protocole ? Pas selon l’agente, qui affirme au contraire que la tendance est au relâchement. « C’est devenu plus relax. Il y a tellement de sécurité qu’on ne peut plus voir la Reine. On essaie de lâcher les cordons », ajoute Carmen Moore, qui n’a émis qu’un conseil à la jeune étudiante Kendra Qilluniq, qui a rencontré la Reine : sois toi-même. « Je lui ai proposé de faire un petit salut, si elle le voulait, et de répondre à la Reine en disant Votre Majesté. On ne peut pas imposer le protocole, surtout lorsqu’il s’agit d’enfants qui sont très spontanés. » Autre exemple de ce relâchement, lors de la dernière visite de la Reine à Yellowknife, en 1994, le tapis rouge, livré par Ottawa, a été déroulé seulement lors de l’arrivée et du départ de la souveraine. Tous ses autres déplacements se sont faits comme pour la plupart des mortels, sur l’asphalte, alors qu’habituellement, le tapis rouge l’accompagne partout.
Facteur d’importance, l’éloignement ne facilite pas le déploiement d’une tradition touffue en détails protocolaires. Difficile, par exemple, de livrer à Iqaluit les chevaux de la Gendarmerie Royale du Canada. « Il n’y a rien d’écrit exactement. On s’adapte aux jeux de la politique », révèle Carmen Moore. Donc, il n’y a rien de choquant à servir des sandwichs à la gouverneure générale lorsqu’elle est en visite à Yellowknife. Certaines personnalités sont même plus désinvoltes face à certaines traditions, comme l’ancien gouverneur général Roméo Leblanc, qui ne tenait pas à ce que soit joué le Vice Regal Salute, une pièce musicale composée des airs du God Save the Queen et du Ô Canada.
Le seul document écrit sur le protocole est la Table de Préséance, qui détermine l’ordre de présentation des dignitaires selon leur rôle lors des cérémonies. Chaque province et territoire possède sa propre table, calquée en partie sur le fédéral. Par contre, les personnalités locales prennent place à la table de préséance des juridictions canadiennes. Par exemple, la Table de Préséance des T.N.-O. place les chefs autochtones en troisième place, derrière le Commissaire et le premier ministre.
L’ajout des Autochtones au cérémonial protocolaire dans les territoires, en plus de dépeindre la réalité du Nord, ajoute une saveur locale. Dès que l’événement le permet, les traditions autochtones sont à l’honneur. Lors de l’arrivé de la Reine, à Iqaluit, l’hymne national a été chanté dans les deux langues officielles et en inuktitut. Lorsque les ambassadeurs étrangers au Canada font leur visite annuelle à Yellowknife, les joueurs de tambour souhaitent la bienvenue et entament chaque rencontre par une prière dénée. L’agente du protocole des Territoires du Nord-Ouest, Carmen Moore, organise, si possible, des visites de courtoisie dans les communautés de N’Dilo et de Dettah.
Bien que très manifeste dans la sphère politique, le protocole n’est pas absent de la sphère publique. « Lorsque nous donnons notre carte d’affaire, il faut la présenter de sorte que la personne peut la lire, et celle-ci doit la prendre en jetant un regard sur ce qui y est écrit », révèle la spécialiste du protocole, qui a l’habitude de côtoyer consuls généraux et ambassadeurs.
Que ce soit l’hymne national avant un match d’hockey, la présence d’un maître de cérémonie lors d’évènements ou les salutations avec poignée de main, l’étiquette est présente depuis longtemps dans les mœurs.