Le temps est clément sur la rive nord de l’île de Banks. Le vendredi 4 avril, la patrouille de souveraineté y a rendez-vous avec le commandant du secteur du Nord des Forces armées canadiennes. C’est aussi à ce point précis que les 11 membres de la patrouille monteront leur camp pour la nuit et procéderont au ravitaillement de leur motoneige. Depuis le 29 mars, ils ont quitté la minuscule communauté de Sachs Harbour et sont à peu près à mi-chemin d’un trajet d’environ 900 kilomètres à effectuer.
D’abord planifiée sur l’île Prince-Patrick, encore plus au nord, c’est à la dernière minute que la mission a due être transférée à l’île de Banks. Il a été impossible pour l’équipe de préparation de la mission de libérer la piste d’atterrissage de la station météorologique abandonnée de Mould Bay afin de permettre à l’immense avion Hercules d’atterrir.
C’est le sergent Jim Martin qui est responsable de la logistique pour la mission. « Je devais m’assurer que tout le matériel, l’équipement et le ravitaillement nous soient livrés à Yellow-knife, avant d’être transférés à Sachs Harbour. À partir de là, c’est moi qui est en charge de m’assurer que le tout soit apporté à différents points, sur la glace, afin que les gens aient ce dont ils ont besoin », explique le soldat qui travaille sur ce projet depuis un an et demi.
« On ne doit rien laisser au hasard et s’assurer que tout le matériel soit disponible. Mon travail est de m’assurer et de faire tout en mon pouvoir pour les aider à accomplir la mission », d’ajouter celui qui peut même avoir à trouver un item précis, à la dernière minute, dans la petite communauté isolée de Sachs Harbour. La radio haute fréquence et le téléphone satellite sont les principaux liens entre lui et la patrouille, située à plusieurs kilomètres de Sachs Harbour.
Malgré la fin de la guerre froide, le militaire ayant gradué de l’école Sir John Franklin, croit toujours à l’importance de ce genre de mission. « Beaucoup de choses peuvent survenir et se sont déjà produites dans le Nord. Présentement, le plus important sont les vols au dessus du secteur. L’espace aérien est si ouvert, que Dieu nous en protège, mais si un avion s’écrase, nous devrons savoir comment on peut s’y rendre, car les rangers devraient être parmi les premiers sur les lieux », analyse-t-il.
Même son de cloche du côté du commandant du Secteur Nord des Forces canadiennes, le colonel Norris Pettis. Celui-ci rappelle que certains secteurs « canadiens » de l’Arctique demeurent contestés au niveau international, dont une île située entre le Canada et le Groenland, le plateau continental entre la Russie et le Canada et la frontière maritime entre l’Alaska et le Canada. À cela vient s’ajouter la possibilité d’accès, sur une plus longue période annuelle, au Passage du Nord-Ouest. Alors que le Canada considère cette partie du globe comme étant des eaux intérieures, les États-Unis voudraient voir le Passage du Nord-Ouest être considéré comme étant des eaux internationales, ce qui, du coup, augmenterait considérablement le trafic maritime. « Les Canadiens ne devraient pas prendre comme garanti que nos notions de la souveraineté sont partagées par tout le monde sur la planète. L’importance d’une mission comme celle-là est de démontrer que nous pouvons faire acte de présence et que nous sommes sur le terrain », d’expliquer le Colonel.
Cependant, la souveraineté n’est pas seulement maintenue par la présence militaire, assurée par les Rangers canadiens des communautés ou les différentes patrouilles de souveraineté effectuées par voie aérienne, maritime ou terrestre. « La souveraineté découle d’un bon nombre d’activités qui ne sont pas seulement effectuées par le ministère de la Défense nationale, mais par plusieurs ministères gouvernementaux qui opèrent dans le Nord », d’indiquer le Colonel Pettis. Selon lui, même l’écotourisme au Nord du 60e parallèle est une affirmation de la souveraineté canadienne dans l’Arctique.
Une augmentation des effectifs militaires serait-elle nécessaire ? «Je rappelle à tout le monde que, d’une perspective militaire, on peut toujours faire plus dans le Nord. Mais je suis certain que les autres ministères gouvernementaux font face aux mêmes défis. Il faut que ce soit mis en perspective avec d’autres priorités auxquelles le gouvernement fait face. Nous voulons anticiper les problèmes avant qu’ils ne surviennent, mais nous devons garder en tête que le ministère de la Défense travaille sur plusieurs sujets. Étant donné la pression à laquelle il fait face, il fait, tout comme nous, ce qu’il peut pour remplir sa mission », répond le Colonel Norris Pettis.