le Lundi 21 avril 2025
le Vendredi 26 septembre 2003 0:00 | mis à jour le 20 mars 2025 10:35 Politique

Centre communautaire francophone L’AFCY questionne la vente du terrain

Centre communautaire francophone L’AFCY questionne la vente du terrain
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Forte d’un avis juridique de l’avocat Rupert Baudais, qui signale « que la façon dont la vente a été organisée paraît un peu suspecte » et que « la vente n’a pas été organisée de façon transparente », l’AFCY a décidé de contester la vente par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada d’un terrain qu’elle convoitait. Cependant, selon l’avocat, il y a trop de détails reliés à cette affaire qui empêche, pour l’instant, d’envisager une contestation judiciaire du processus de vente.

Au centre de l’affaire, on retrouve le Protocole d’entente qui lie Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et l’Association canadienne de l’immeuble. Selon cette entente, Travaux publics aurait dû soumettre la vente de ce terrain à la Chambre immobilière de Yellowknife, dont tous les agents immobiliers de Yellowknife sont membres, pour que cet organisme voit à l’attribution de la vente selon un processus rotatif entre les trois firmes immobilières en activité dans la capitale ténoise.

Dans l’avis juridique de M. Baudais, on peut lire que « le Protocole d’entente entre le ministère Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et l’Association canadienne de l’immeuble n’a pas été respecté dans la vente de ce terrain. L’agent d’immeuble de Coldwell Banker n’a pas été choisi conformément au Protocole, mais semble avoir été sélectionné directement par le ministère des Travaux publics ».

Le président de la Chambre immobilière de Yellowknife, Willy Chidowe, n’a effectivement pas vu ce terrain passer sous la responsabilité de la Chambre, non plus que James Clarke, aussi membre du conseil d’administration. Ce dernier souligne qu’au moment de la mise en vente du terrain, c’était Ken Pearman qui agissait à titre d’agent de liaison entre la Chambre immobilière et le gouvernement fédéral. C’est aussi lui qui s’est retrouvé avec le dossier de la vente. Rejoint à son bureau, M. Pearman n’a voulu émettre aucun commentaire.

Du côté de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, il a été impossible de discuter avec une personne directement liée au dossier. Les appels de L’Aquilon ont été redirigés vers Tom Corrigan, agent de communications. Selon lui, « Travaux publics n’a pas de préoccupation sur le processus de vente. Nous sommes confiants que cela a été géré de façon juste et équitable, avec un processus transparent ». M. Corrigan ajoute qu’une fois que le dossier est transféré à un agent immobilier, le ministère garde ses distances face au processus de mise en vente sur le marché.

Le coordonnateur de la mise sur pied du centre communautaire, Michel Lefebvre, n’a pas la même interprétation du Protocole d’entente. Selon lui, il s’agit de la responsabilité de Travaux publics de s’assurer que la vente suive une procédure transparente. « Travaux publics a refusé de vendre le terrain directement à l’Association par peur de manque de transparence et de favoritisme. Donc, il voulait respecter toutes les politiques du Conseil du Trésor et de la Loi sur les immeubles et biens réels fédéraux. D’après nous, ils n’ont pas respecté le Protocole d’entente et c’est ce que l’on veut arriver à prouver », dit-il.

Plainte au commissariat aux langues officielles

Michel Lefebvre a peu d’espoir de mettre la main sur le terrain de la 53e rue. Cependant, ce dernier joue sur un deuxième front, et a porté plainte au Commissariat aux langues officielles. Michel Lefebvre prétend que l’article 41 de la Loi sur les langues officielles engage les institutions fédérales, dont Travaux publics, à favoriser l’épanouissement et le développement des communautés en situation minoritaire. Le fait d’avoir soumis la vente du terrain au marché public, donc de placer la communauté francophone en compétition avec l’entreprise privée, s’inscrit en faux avec cet engagement.

« Notre objectif est de mettre en œuvre le cadre d’imputabilité du plan d’action de Stéphane Dion. On espère que les conclusions de l’enquête de la commissaire aux langues officielles auront pour résultat de faire changer les politiques du Conseil du Trésor qui ne sont pas favorables aux communautés en situation minoritaire », explique M. Lefebvre. Ces politiques demandent au gouvernement fédéral de chercher à maximiser leurs revenus lors de la vente de biens. Le coordonnateur à la mise sur pied d’un centre communautaire espère, de son côté, que le Conseil du Trésor reconnaisse, tout comme le plan Dion, que les communautés minoritaires « ne disposent pas des marges de manœuvre ou des économies d’échelle de la majorité ».

Tom Corrigan dit, quant à lui, que c’est la Loi sur les immeubles et biens réels fédéraux qui a été suivie lors de la vente. « Dans cette loi, il n’y a pas de provision pour des avantages spéciaux donnés à des groupes spéciaux lorsqu’une propriété est mise en vente sur le marché ».

Avec la perte de ce terrain, Michel Lefebvre craint maintenant d’avoir à construire le centre communautaire sur un terrain qui n’offrirait pas les mêmes avantages que celui sur la 53e rue. « Nous n’aurions peut-être pas les services publics tout de suite. Peut-être aussi qu’on devrait bâtir sur des piliers au lieu d’une fondation. Ça augmenterait donc les frais de construction ».

S’il s’avérait, à la suite du travail de recherche de M. Lefebvre et de l’enquête du Commissariat aux langues officielles, que Travaux publics était effectivement dans le tort, Michel Lefebvre dit espérer que le ministère fédéral saura le reconnaître. « Il me semble que ce serait totalement justifiable et acceptable, de la part de Travaux publics, de participer financièrement à la réalisation du projet », dit-il.

Dans sa lettre datée du 28 août dernier contestant la vente du terrain, l’Association franco-culturelle de Yellowknife s’est réservé le droit de contester la vente devant les tribunaux. Michel Lefebvre admet cependant que des faits restent à être éclaircis avant qu’une telle procédure ne soit entamée.