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le Vendredi 20 août 2004 0:00 | mis à jour le 20 mars 2025 10:36 Politique

« Tôt ou tard, Martin et Handley devront

« Tôt ou tard, Martin et Handley devront
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Un jour avant la visite de Paul Martin aux TNO, le Sierra Club du Canada lui a demandé de répondre à une question : « Comment le Canada pourra-t-il respecter ses engagements du protocole de Kyoto [sur les émissions de gaz à effet de serre] étant donné que le gaz du MacKenzie servira a l’extraction du pétrole contenu dans les sables bitumineux de l’Alberta ? ». Questionné à savoir si le sujet a été abordé lors de sa rencontre avec le premier ministre canadien, Joe Handley a prononcé trois mots : « pas du tout ».
Le consultant du Sierra Club pour le projet du Gazoduc du Mackenzie, Stephan Hazell, juge cette réponse « surprenante ». « Ce que cela démontre, ajoute-t-il, c’est qu’ils ne sont peut-être pas assez biens briefés sur l’utilisation qui sera faite du gaz du MacKenzie. »
Pour M. Hazell, il est indéniable que la fonction première du gazoduc du Mackenzie est d’acheminer le gaz du delta du MacKenzie jusqu’à Fort McMurray, où sont traités les sables bitumineux de l’Alberta. Cette industrie, qui a la réputation d’être une des pires sources de gaz à effet de serre au monde, utilise le gaz naturel pour chauffer de grandes quantités d’eau afin de se servir de la vapeur pour séparer le pétrole du sable. « Il n’y a absolument aucun doute: une bonne partie, sinon la totalité, du gaz naturel transporté par le gazoduc du Mackenzie est destiné à être utilisé par l’industrie des sables bitumineux », dit le consultant du Sierra Club.
Sa certitude se fonde sur trois arguments principaux. Premièrement, les promoteurs du projet, assure-t-il, « admettent que la majeur partie du gaz servira à l’extraction des sables bitumineux. » En effet, dans la Trousse d’information préliminaire, qui explique les grandes lignes du projet, on peut lire que : « Dans l’Ouest canadien, le développement de l’industrie du pétrole lourd et des sables bitumineux […] devrait représenter entre 40 et 45 % du marché pour le gaz naturel. »
Second argument : en avril dernier, TransCanada Pipelines a établi les bases d’un accord avec la nation Déné Tha qui permettrait la construction d’un autre gazoduc qui irait du nord de l’Alberta – c’est-à-dire là où doit se terminer le gazoduc du Mackenzie – jusqu’à Fort McMurray. « Ils veulent que le gaz se rende à Fort McMurray. C’est évident », de dire Stephen Hazell. Il est toutefois à noter que TransCanada Pipelines affirme que ce gazoduc n’est qu’un scénario parmi d’autres.
Enfin, le troisième argument du Sierra Club est que, « selon une étude », d’ici 2010 l’industrie des sables bitumineux aura besoin de quantité considérables de gaz naturel pour lui permettre de compléter ses projets d’expansion. « Ils auront besoin de quelque chose comme un milliard de mètres cube de gaz naturel par jour », indique M. Hazell. L’Aquilon n’a toutefois pas été en mesure de vérifier ces allégations.
Protocole de Kyoto
Si le projet de gazoduc du MacKenzie est complété et qu’il contribue à l’expansion de l’industrie des sables bitumineux, il deviendra « très difficile » pour le Canada d’atteindre les objectifs qu’il s’était fixé en ratifiant le protocole de Kyoto, estime M. Hazell. Selon cette entente internationale, le Canada s’est engagé à réduire, d’ici 2012, ses émissions de gaz à effet de serre (GES) à 6 % au dessous de leur niveau de 1990. Soit, passer de 320 millions de tonnes de gaz par année à 301 millions de tonnes. Or, selon M. Hazell, « les GES que produira l’industrie des sables bitumineux, une fois sa phase d’expansion terminée, devraient faire augmenter de 12 % (ou de 70 millions de tonnes) le total des émissions annuelles de GES du Canada. »
À son avis, le non-respect des accords de Kyoto minerait la réputation du Canada sur la scène internationale. « Si nous tenons à notre réputation de pays relativement vert, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour respecter nos engagements de Kyoto », dit-il. En ajoutant que cela pourrait inciter d’autres nations à faire fi de l’entente internationale.
M. Hazell en profite également pour souligner que la construction d’un gazoduc dans la vallée du Mackenzie serait dommageable pour cet écosystème. « Il ne reste que très peu d’endroits sur cette planète qui sont encore dans un état relativement sauvage, et la vallée du Mackenzie en est un, dit-il. On peut affirmer sans se tromper que le fleuve Mackenzie est le plus important fleuve sauvage du Canada. Est-ce que l’on souhaite faire à la vallée du Mackenzie ce qui a été fait à presque tous les écosystèmes fluviaux du monde ? Je pense qu’on devrait réfléchir à ça. »
En attendant, le consultant du Sierra Club du Canada demande à messieurs Martin et Handley de considérer les questions que son organisme soulève. « Les questions sont sur la table pour qu’ils y répondent. Ils ne peuvent pas prétendre que le projet de gazoduc du Mackenzie n’aura pas de conséquences quant à la capacité du Canada à respecter ses engagements de Kyoto. Les faits sont là et, tôt ou tard, ils devront répondre à nos questions ».