C’est mardi en fin d’après midi que Son Excellence Adrienne Clarkson a foulé le sol ténois. Mme Clarkson était en visite au nord du soixantième parallèle jusqu’à vendredi d’abord pour assister au Forum sur les perspectives nordiques dont elle est membre honoraire du conseil, mais aussi pour échanger avec les gens du Nord, tant ceux des petites communautés comme Fort Providence et Rae-Edzo, que les businessmen réunis à la foire marchande Prospects North où L’Aquilon l’a rencontrée.
Notre chef d’État aime le Nord et ses paysages. « C’est toujours beau quand on arrive et que l’on sait que la destination est Yellowknife et les Territoires du Nord-Ouest, dit-elle. Et surtout à cette époque de l’année. J’ai vu pour la première fois il y a plus de 30 ans Yellowknife, Inuvik et Tuktoyakuk au mois de septembre. Je n’ai jamais oublié le contraste entre les bouleaux en jaune et les autres arbres en vert. C’était merveilleux. » Pour elle le Nord canadien représente « notre infinité, c’est notre imagination qui n’a pas de limite ».
Mais au delà de la poésie septentrionale, Son Excellence croit en l’importance stratégique du Nord et des relations du monde circumpolaire, au niveau de la défense notamment. « Je crois que l’essentiel c’est d’avoir la coopération des pays circumpolaires. Comme [le président russe] M. Poutine m’a dit l’année dernière quand je l’ai rencontré « l’océan Arctique est comme un grand lac et nous sommes les voisins autour de ce lac ». Avec cette optique on va peut être résoudre beaucoup de problèmes », déclare la Commandante en chef des armés Canadiennes. La sécurité, indique-t-elle, passe par la collaboration.
C’est d’ailleurs dans cet esprit qu’elle profite de son passage a Yellowknife pour rencontrer le président islandais, Ólafur Ragnar Grímsson, lui aussi dans la capitale ténoise pour le Forum sur les perspectives nordiques. Elle et M. Grímsson sont de bons amis. Ils sont demeurés en contact depuis leur première rencontre, au Manitoba, il y à quatre ans. « C’est à cause de lui que je suis impliquée sur le conseil honoraire de ce forum. Il m’a demandé de le faire et j’ai accepté à cause de lui », confie la Gouverneure générale.
Bilinguisme
La représentente de Sa Majesté Élisabeth II se dit sensible à l’importance du fait français au Canada et fait ouvertement la promotion de l’éducation bilingue. La présence de francophones d’un océan à l’autre, dit elle, « est très très importante ». « Autrement, poursuit-elle, on n’aurait pas eu les écoles d’immersion à Whitehorse, à Yellowknife ou à Calgary. Les gens se rendent compte que ça c’est notre pays. Il y a deux peuple fondateurs : les francophones et les anglophones. »
« Nous avons la chance d’avoir deux langues mondiales. Les autres pays bilingues n’ont pas deux langues mondiales. En Belgique, il y a le français qui est une langue mondiale, mais le flamand n’en n’est pas une. En Afrique du Sud, c’est la même chose : c’est l’anglais et l’afrikaans », note-t-elle. C’est pourquoi, pense-t-elle de plus en plus d’Anglo-Canadiens choisissent de faire éduquer leurs enfants en français. « Il y a 350 000 enfants dans les écoles d’immersion », dit celle dont le mari est porte-parole du programme Le français pour l’avenir/French for the Future.
« Maintenant la tâche c’est de montrer aux gens comment ils peuvent continuer leur vie bilinguement. […] Il y a du travail à faire pour demander aux universités aussi d’offrir des cours où les étudiants peuvent écrire leurs examens, leurs essais, en français », explique-t-elle finalement en annonçant que de tels programmes sont mis en place aux universités de Colombie-Britannique et Simon Fraser à Vancouver.
Décorum
La fonction de Gouverneur général est très protocolaire, ponctuée de cérémonies et de visites officielles. Selon la principale intéressée, ce décorum n’est pas sans importance.
« En ce qui concerne l’Office du gouverneur général, j’espère que même s’il y a un protocole (c’est-à-dire que les gens se lèvent quand le gouverneur général entre) ce n’est pas pour la personne qu’est le gouverneur général; c’est pour l’Office, pour ce que cela représente pour le pays. Je crois que l’important c’est que nous pensions toujours que cela a quelque chose à nous dire parce que ça représente nos valeurs : la compassion, l’écoute des autres, la tolérance et l’acceptation des étrangers », dit elle.
On retrouve des conventions et des rituels dans toutes les sociétés et dans toutes les époques, note-t-elle. « Le rituel est très important pour n’importe qui dans le monde. Dans toute l’histoire, et même il y a dix mille ans à l’époque des hommes des cavernes, on voit que c’était important. C’était rituel. Les gens aiment ça parce que subconsciemment […] on tient à ces choses-là pour se donner de la sécurité morale et spirituelle. »