« En toute honnêteté, indépendamment de nos différences fondamentales, il est évident que ce litige nous a obligé à évaluer nos efforts en matière de prestation des services en langue française », a déclaré le ministre dans la langue de l’assemblée à laquelle il s’adressait.
Il ne faudrait pas cependant voir cet aveu comme un endossement de la poursuite. Celle-ci, a-t-il immédiatement ajouté, « constitue un empêchement à notre collaboration pour ce qui est du but d’améliorer les services gouvernementaux en français. » Selon le ministre, il vaudrait mieux investir dans l’amélioration des services que dans les frais d’avocats. Car ce procès, a dit celui qui est aussi ministre de la Justice, « promet d’être long et coûteux ».
Le litige, a-t-il martelé, doit être réglé dans la bonne entente à la satisfaction de toutes les parties. Il y a quelques semaines on apprenait qu’un règlement hors cour n’avait pu être convenu et que la décision incombait dorénavant aux tribunaux. L’affaire Fédération Fédération Franco-Ténoise contre le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest noircira, très probablement, les pages de votre journal en mai et juin prochain.
Une décision de jure pourrait désoler tout le monde, a mis en garde Charles Dent, en anglais cette fois, durant la période de question qui a suivie l’allocution du ministre. « Nos avis légaux nous disent que nous allons gagner ; vos avis légaux vous disent que vous allez gagner. Alors la décision de la Cour pourrait bien déplaire aux deux parties », a-t-il dit.
Discussion
Devant la foule réunie au Mess des officiers du quartier général du Secteur nord des Forces armées canadiennes, le président de la FFT, Fernand Denault, s’est dit toujours ouvert à la discussion, même si la date du procès approche à grand pas.
« Il y a des pressions qui incitent les parties à considérer cet exercice, c’est la date qui a été déterminée au mois de mai et au mois de juin », a-t-il dit. S’il est satisfait de l’ouverture du ministre des langues officielles, le président de la FFT reste cependant méfiant quant à la volonté du gouvernement. « Le passé nous a démontré que le cabinet et le gouvernement n’ont pas l’habitude d’être trop sensibles [à la question linguistique] parce que les acquis de la communauté, ont tous été obtenus avec des pressions de poursuite », a-t-il rappelé à l’audience.
Un éventuel gain en Cour suprême du Canada, suite à un appel donc, est clairement l’objectif poursuivi par la FFT. « Si nous gagnons à la Cour suprême du Canada […] l’ensemble de la constitution canadienne et les obligations du gouvernement fédéral à la population francophone s’appliquent à nous. C’est un gros prix pour une petite communauté comme la nôtre », a déclaré M. Denault. Ce a quoi le ministre a rétorqué que ce grand prix se jouait sur « un coup de dés ».
Plan de
communication
Le lendemain de la visite du ministre, la première portion de l’AGA s’est tenue à huis clos. La question de la poursuite judiciaire a été abordée à ce moment, a révélé à L’Aquilon le président de la FFT.
À l’issu de ce huis clos, il a été proposé et adopté à l’unanimité que la FFT maintienne sa poursuite. Il a également été décidé que la FFT élabore un plan de communications pour faire connaître la cause des communautés autochtones et anglophones.
Est-ce que la FFT estime que sa poursuite a une mauvaise image ? Non, réponds le président. « Ce que l’on veut c’est véhiculer ce qui se passe. Peut être que ce n’est même pas connu [de la population des TNO]. Nous voulons informer le public en général sur la poursuite et du pourquoi de la poursuite », a-t-il commenté. Le plan de communication aura aussi pour effet de tenir la population francophone plus aux faits de ce dossier.
En entrevue, M. Denault a réitéré qu’il constatait, à regret, que la voie légale était le meilleur outil pour faire respecter les droits de sa communauté. « Il faut se battre continuellement. Le dossier a 20 ans dans les TNO. Si on veut avoir une solution à long terme, qui va répondre aux besoins des générations futures et qui va sécuriser les droits de la communauté, alors c’est le seul moyen qui nous le permet », a-t-il dit. Le jour précédent, le ministre Dent avait presque acquiescé à cette position. « En tant que ministre, avait-il dit, c’est évident que je préférerais dépenser mon budget dans la prestation de services. […] Je comprends néanmoins Fernand quand il me dit que seule une décision de la Cour suprême peut garantir ces droits pour toujours. »
La FFT de même que les Éditions franco-ténoises/L’Aquilon, qui édite la présente publication, ont officiellement intenté un recours judiciaire contre les gouvernements des TNO et du Canada le 25 janvier 2000, lequel a été renvoyé par la Cour fédérale à la Cour suprême des TNO en octobre 2001. Les plaignants reprochent aux défendeurs de ne pas se conformer à la Charte canadienne des droits et libertés, à la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest, à la Loi sur les langues officielles du Canada et à la Loi sur les langues officielles des TNO qui confèrent aux Franco-ténois des droits linguistiques égaux à la majorité anglophone.