Le dernier budget fédéral, déposé le 23 février, est tombé comme une douche froide sur la planification financière de la Fédération Franco-Ténoise (FFT). Alors qu’on espérait que 18 millions de dollars de plus soient alloués aux ententes Canada-communauté, les sommes sont demeurées les mêmes, c’est à dire 24 millions pour l’ensemble des communautés minoritaires du pays.
Les ententes Canada-communauté correspondent aux budgets allouées par le ministère du Patrimoine canadien pour les activités des organismes qui représentent les communautés minoritaires de langues officielles partout au pays. La tranche accordée aux TNO se chiffre à, grosso modo, 520 000 $ par année.
« Il va y avoir un impact c’est certain. Il y a une réflexion à faire, des décisions à prendre lorsque nous aurons des chiffres qui vont nous être alloués », commente le président de la FFT, Fernand Denault. Selon lui des « réajustements sérieux » sont à prévoir. « C’est certain qu’il y a des projets qui sont à risque. Il y a des acquis de la communauté aussi qui sont à risque. Alors il va falloir regarder ça sérieusement et prioriser ce que l’on peut maintenir », dit-il.
M. Denault rappelle que l’augmentation demandée par les communautés minoritaires du pays correspondait à ce qui avait été établi comme le minimum nécessaire au maintien des acquis des communautés et non pas pour leur développement. « Puisque la ministre [du Patrimoine canadien] Liza Frulla n’a pas démontré la sensibilité nécessaire pour sauvegarder les acquis de la communauté, elle les a mis en péril », soutient le président de la FFT.
M. Denault craint que la situation se traduise par un essoufflement du mouvement associatif francophone des TNO, si Ottawa ne révise pas ses intentions exprimées dans le dernier budget. « Nous n’avons pas le droit de nous attendre à ce que nos employés continuent ad vitam aeternam à donner de leur temps de 16 à 18 heures par jour pour avancer l’ensemble des dossiers. Nous ne pouvons pas continuer de même. Si c’est l’objectif d’Ottawa, d’étouffer la communauté, ils ont bien commencé », dit-il.
Consultation
En octobre et novembre derniers, une équipe de Patrimoine canadien a sillonné le pays afin de consulter les communautés minoritaires en vue du renouvellement des ententes. Les Franco-Ténois ont été les derniers à être consultés. Le président de la FFT constate avec mécontentement que l’exercice semble avoir été vain.
« Cet exercice a pris beaucoup de notre temps, a taxé de travail nos bénévoles et nos employés déjà surchargés, déclare le président. Le travail de notre côté a été fait de bon cœur, de bonne foi, pensant que cela en valait la peine. Mais quand on fait un exercice, supposément de consultation, et qu’on semble ne pas en prendre considération par la suite, il devient nuisible. […] C’est pire que de travailler pour absolument rien ; c’est travailler pour reculer. »
En outre, M Denault estime qu’il est quelque peu abusif de parler de négociations en ce qui a trait au renouvellement des ententes Canada-communauté, car le dernier mot, dit-il, revient toujours au gouvernement fédéral. « Le gouvernement dicte ce qu’il va nous donner et nous ne sommes pas en position de faire la grève. »
À cet égard, M. Denault dit prendre bonne note de l’intention de la députée de Western Arctic, exprimer publiquement dans ce journal la semaine dernière, de rencontrer les représentants de la communauté francophones des TNO. « C’est certainement intéressant d’entendre Mme Blondin-Andrew dire qu’elle est intéressée à intervenir et à aider. C’est une aide qui vient un peu tard, mais elle est appréciée en tout temps », déclare-t-il.
Gouvernement Martin
Quand vient le temps de demander au président Denault qu’elle attitude lui inspire le gouvernement de Paul Martin à la lumière de ce budget décevant pour les francophones hors-Québec, son ton devient amer.
« Le gouvernement Martin a démontré peu de sensibilité. Il a démontré, peut être, qu’il n’est pas en pleine connaissance de ses dossiers en cours. […] Il dépense des sommes sur des consultations qu’il ne prend même pas en considération. Il y a place à beaucoup d’amélioration de la part de ce gouvernement », lance le président. Ailleurs au pays, le budget fédéral a suscité des réactions similaires chez d’autres leaders francophones en milieu minoritaire. Par voie de communiqué, la présidente de la Société des Acadiens et Acadiennes du Nouveau-Brunswick, Marie-Pierre Simard, qualifie la situation de « très inquiétante ». « C’est à se demander si les libéraux fédéraux n’ont pas laissé tomber les communautés acadiennes et francophones afin de mieux faire passer le budget auprès des conservateurs fédéraux», déclare Mme Simard.
La sénatrice libérale franco-manitobaine Maria Chaput s’est, elle aussi, affichée en désaccord avec ce budget. « Les langues officielles ne seront pas tellement mentionnées dans le budget de façon ouverte parce que ce n’est pas une cause qui fait qu’on gagne des élections, c’est là où on en est rendu », a déploré la sénatrice sur les ondes de Radio-Canada Manitoba
Pendant ce temps, la ministre du Patrimoine canadien, Liza Frulla, demeure silencieuse. Depuis le dépôt du budget, la ministre n’a fait aucune déclaration publique concernant les ententes Canada-communauté.
Les actuelles ententes Canada-communauté ont été établies il y a plus de six ans et sont échues depuis plus d’un an. L’automne dernier, la ministre Frulla, avait signifié qu’elle comptait les réviser d’ici le 31 mars 2005.