Il est grand temps que le Canada affirme sa souveraineté sur le Passage du Nord-Ouest.
C’est le message qu’a lancé Michael Byers de l’université de la Colombie-Britannique, lors de la rencontre du Groupe de travail interministériel sur la sécurité dans l’Arctique (GTISA) qui avait lieu la semaine dernière, au quartier général des Forces canadienne de Yellowknife.
Avec le réchauffement planétaire et l’affaissement des glaces polaires, le jour où l’on pourra passer de l’Europe à l’Asie en zigzagant entre les îles arctiques canadiennes approche. C’est pour ça que ce professeur, titulaire de la Chaire canadienne d’études en politiques mondiales et en droit international et grand spécialiste du Passage, était l’invité du colonel Couturier et du think tank de la sécurité nordique.
Byers n’est pas satisfait du travail entrepris par le Canada pour régler la question du Passage.« Quand j’entend tout ce qui se dit, j’ai envie de voir des actions pour appuyer les paroles », rouspète-t-il.
L’enjeu est important. En septembre, des images satellites des glaces polaires ont révélé que le Passage était presque entièrement ouvert, sauf une section d’une centaine de kilomètres. Si la voie était navigable, cela rendrait le trajet Londres-Singapour 7 000 kilomètres plus court qu’en passant par le canal de Panama.
Les États-Unis et d’autres pays ont affirmé que la voie maritime était internationale. Déjà en 1985, un brise-glace américain a franchi sans permission la voie maritime.
Le Canada, lui, réclame la propriété du Passage. L’argument est que les ententes avec le Nunavut et les Inuvialuits désignent cette zone comme une partie du territoire inuit, et le territoire inuit comme une partie du Canada. « Nous sommes convaincus que cette position est défendable », affirme le professeur.
Il pense que le premier geste concret que le Canada devrait poser est d’ajouter un brise-glace à sa flotte nationale. Même si le pays couvre plus du tiers du monde circumpolaire, les Canadiens n’ont pas de vaisseau capable de naviguer dans les eaux glacées de l’Arctique.
Presque tous les autres pays circumpolaires possèdent au moins un brise-glace, assure le spécialiste. « Même la Corée du Sud est en train de se construire son brise-glace; même l’Afrique du Sud, insiste-t-il, et ils n’ont pas d’hiver! »
« J’aimerais bien voir un hélicoptère survoler la Zone de temps en temps aussi », ajoute-t-il.
En novembre 2004, Paul Cellucci, qui était alors l’ambassadeur américain au Canada, faisait cette déclaration sur les différentes perceptions des deux voisins sur la propriété du Passage : « Nous voyons tout à travers du prisme du terrorisme. Notre première priorité est d’arrêter les terroristes. Si nos préoccupations étaient remises sur le tapis, alors nous pourrions considérer regarder cette question d’un nouvel œil. »
« Je comprends la déclaration de Cellucci comme une invitation à négocier », affirme Byers qui réclame que le Canada consulte au plus tôt les Américains sur le Passage.
S’il estime que le temps n’est plus aux tergiversations, le chercheur constate toutefois que ceux qui votent les budgets nécessaires à la réalisation d’initiatives aussi colossales ne se préoccupent pas beaucoup du Nord.
« Quand les politiciens regardent en haut du soixantième parallèle, que voient-ils? Pas beaucoup de votes. »
La sévérité des contrôles aux aéroports pourrait augmenter prochainement. C’est, du moins, ce qu’a laissé entendre le commandant de Secteur Nord des Forces canadiennes, Normand Couturier, à la rencontre du GTISA.
Le colonel Couturier en a glissé mot en faisant référence au risque que pose le faible degré de sécurité dans les petits aéroports.
« Il semble que les normes [de contrôle] ne sont pas les mêmes dépendamment que l’on aille du Sud au Nord, ou du Nord au Sud », explique-t-il.
Rob Huebert du Centre canadien d’études militaires et stratégiques de l’université de Calgary, également à Yellowknife pour la rencontre du GTISA, évoque la possibilité qu’un Nord trop poreux attire les avions clandestins.
« La menace, c’est que les terroristes se servent du Nord comme point d’entrée », dit-il.
Le colonel, qui ne pouvait pas préciser la nature des modifications de contrôle projetées, estime que Transports Canada devrait faire une annonce formelle à cet égard au courant de l’année 2006.
Le Groupe de travail interministériel sur la sécurité dans l’Arctique regroupe des représentants de divers ministères et agences canadiennes dont la Défense, les Pêcheries, l’Environnement et la Gendarmerie royale, de même que des intellectuels et chercheurs. Ce groupe élabore les politiques canadiennes en matière de sécurité dans l’Arctique.