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le Vendredi 13 janvier 2006 0:00 | mis à jour le 20 mars 2025 10:36 Politique

Analyse Dévolution : le dossier qui peut faire la différence

Analyse Dévolution : le dossier qui peut faire la différence
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Sur la scène politique fédérale, le dossier le plus crucial pour les Territoires du Nord-Ouest est probablement celui de la dévolution.

Rappelons qu’il s’agit de négocier une entente avec le gouvernement territorial et les gouvernements autochtones pour leur transférer des compétences assumées jusqu’à maintenant par le fédéral. Après la dévolution, les terres, les eaux, les mines et la gestion environnementale ne seraient plus administrées par le ministère des Affaire indiennes et du Nord, mais par le gouvernement des TNO. Parallèlement à ces négociations, on tente également de conclure une entente sur le partage des revenus provenant des ressources naturelles afin qu’une partie substantielle des redevances sur l’extraction des ressources soient perçues par les TNO eux-mêmes.

On considère généralement qu’une entente juste serait un arrangement par lequel le gouvernement territorial percevrait au moins, 40 % des redevances sur les ressources. Il serait aussi souhaitable que l’entente comprenne une période de rattrapage durant laquelle Ottawa continuerait de financer le gouvernement territorial pendant un certain nombre d’années. Ce n’est rien d’extraordinaire : des ententes similaires ont été conclues récemment avec Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse.

Ces négociations sont particulièrement importantes parce qu’elles permettront, à moyen terme, de rendre les Territoires plus autonomes financièrement et de briser le cycle de dépendance face à Ottawa. En ce moment près de 80 % du budget territorial provient des coffres fédéraux et dépend donc directement de la façon dont les 307 députés de la Chambre des communes qui n’habitent pas ici votent en chambre.

Tous les candidats de la circonscription de Western Arctic affirment haut et fort qu’ils sont pour la dévolution et qu’ils veulent une entente sur le partage des revenus qui soit juste pour les TNO. Difficile d’être contre la vertu! Dans pareil contexte, la question que l’on doit se poser est la suivante : lequel des candidats est le plus en mesure de faire aboutir les négociations, et ce au profit des Territoires ?

Du côté des libéraux, Ethel Blondin-Andrew, qui représente la circonscription depuis 1988, estime que son expérience est le gage de sa réussite. Elle affirme en substance qu’elle est plus au courant de la façon dont se déroulent les négociations que ses adversaires et qu’on ne devrait pas changer de cavalier au milieu de la course. Cet argument est une lame à deux tranchants. La dévolution est réclamée par les TNO depuis les années 1980. Or, après cinq mandats dont un seul dans l’opposition, Ethel et son parti n’ont toujours pas réussi à s’entendre avec les Territoires…

On notera cependant que, aussi modestes soient-elles, les seules avancées dans ce dossier, viennent toutes des libéraux. En 2003, une table de négociation et un protocole ad hoc ont été mis en place. En décembre 2004, Paul Martin s’était engagé à conclure « bientôt » une entente de principe sur la dévolution. Il n’y est pas parvenu.

Ethel Blondin-Andrew affirme que cette fameuse entente de principe était à un cheveu d’être conclue quand le gouvernement minoritaire de Paul Martin a été renversé. Selon cette lecture, les partis d’opposition auraient gravement nui aux négociations en déclenchant des élections hâtives. Le premier ministre des TNO, Joe Handley a depuis infirmé la déclaration de la libérale. On sait aussi que les nations autochtones Akaitcho et Deh cho s’affichent contre une entente tant que leurs revendications territoriales n’auront pas été réglées. Mais étant donné que les négociations ne sont pas publiques, il est difficile de savoir qui dit vrai dans tout cela.

Le néo-démocrate Dennis Bevington, qui, soyons honnêtes, est le seul candidat capable de battre Ethel Blondin-Andrew, accuse sa rivale d’avoir trop piétiné. S’il est élu, il promet de tout mettre en œuvre pour que les revenus provenant de nos ressources profitent d’abord aux Ténois. Il veux, en outre, imposer un régime de redevances moins généreux avec l’industrie que ce qu’offrent les libéraux. En ce moment le Canada ne réclame que 5,4 % des gains de l’industrie sur les ressources extraites aux TNO, plus de cinq fois moins que ce que perçoit la province de l’Alberta!

Quand on observe le parcours de Bevington on doit admettre qu’il connaît bien les enjeux de la dévolution. Dans les années 1990, il a co-présidé le Comité directeur du développement constitutionnel des TNO. Il connaît son affaire.

On peut toutefois douter de sa capacité à mettre en œuvre ses bonnes intentions. Le Nouveau Parti Démocratique n’a à peu près pas de chances de former le prochain gouvernement.

Au mieux, si le NPD arrive à faire élire assez de députés et que le prochain gouvernement est à nouveau minoritaire, il pourrait détenir la balance du pouvoir. C’est-à-dire qu’il négocierait son appui au gouvernement contre l’adoption de certaines politiques. C’est de cette façon que le parti de Jack Layton avait obtenu, l’an dernier, des modifications importantes au budget libéral.

Même si les chances que le NPD obtienne cette balance du pouvoir sont, en définitive, passablement bonnes, il n’est pas certain que Bevington aura assez d’influence dans son parti pour que le chef utilise son levier dans le dossier de la dévolution. Cette question ne concerne, après tout, que 40 000 électeurs. On ne gagne pas l’estime des Canadiens avec ça.

Par ailleurs, il serait téméraire de reporter Ethel Blondin-Andrew au pouvoir pour la seule raison qu’elle, au moins, ne sera pas dans l’opposition. Au rythme où vont les choses, l’élection d’un gouvernement conservateur minoritaire, sinon majoritaire, est loin d’être exclue.

À cet égard, il est essentiel de connaître la position du parti de Stephen Harper sur la dévolution. Quand le Parlement siégeait, de tous les membres de l’opposition, le critique conservateur en matière d’Affaires indiennes, Jim Prentice, est celui qui s’est le plus souvent levé pour dénoncer la lenteur des négociations. Le candidat conservateur pour Western Arctic, Richard Edjericon, promet pour sa part qu’une fois à la tête du gouvernement, son parti conclurait une entente sur la dévolution et le partage des revenus « avant la fin du mandat ».

Avec un peu de bonne volonté, cette promesse peut facilement être tenue. Mais il faut se demander quel genre de dévolution les conservateurs sont prêts à accorder aux résidents du Nord. Il est évident que ce parti de droite ne militera pas en faveur d’une hausse des redevances exigées à l’industrie comme le réclame, à juste titre, le NPD.

On pourrait paraphraser tout ça en disant que ce qu’il nous faut pour réussir de la meilleure façon qui soit nos négociations sur la dévolution, ce serait un député qui aurait l’expérience politique d’un libéral, la détermination d’un conservateur et l’humanisme d’un néo-démocrate. Et ministre de quelque chose si possible.

On peut rêver.