Plus d’un mois après que la juge Marie Moreau a rendu son verdict, le gouvernement territorial n’est toujours pas en mesure de commenter le jugement qui l’intime de se conformer à la Loi sur les langues officielles.
Le ministre responsable des langues, Charles Dent, indique que la traduction en anglais du document de 200 pages n’est pas encore complétée. « Nous n’avons vu que le résumé du jugement », a-t-il affirmé à L’Aquilon, mardi, à l’occasion de l’ouverture de la session législative.
La juge Moreau a donné 30 jours aux parties pour interjeter appel. Mais jusqu’à présent aucune demande en ce sens n’a été tablettée à la Cour.
Or, le ministre Dent ne se prononcera pas non plus quant à la possibilité que le gouvernement fasse appel. « Je ne peux pas encore répondre à cette question. Le jugement n’est pas encore traduit. Ce n’est que lorsque le document aura été traduit, distribué aux parties et classé que le délais de trente jours pour faire appel prendra effet », a déclaré le ministre.
D’après lui, il faudra probablement attendre jusqu’à la fête de la Confédération, ou plus tard, pour qu’une décision soit prise. « Ce n’est qu’une estimation et je ne suis pas un avocat, mais je ne m’attend pas à ce que ce soit tranché avant la fin juin », a-t-il dit.
« Le temps que nos juristes examinent les documents en anglais, ça nous prendra un bout de temps avant de pouvoir comprendre ce que la juge dit exactement », ajoute-t-il
Dans son verdict, la juge Moreau détaille toute une gamme de services que le gouvernement est tenu d’offrir au millier de francophones des TNO – accueil bilingue dans tous les points de services, offre de soins de santé en français, traduction du journal des débats et des publications gouvernementales, etc.
Pour l’instant, Dent ne peut pas émettre de commentaires sur les coûts que représenteront pour le trésor public la mise en application de la décision. « Combien est-ce que ça va coûter? Je ne saurait le dire. Même si un député me posait la question, je ne le sais pas », répond le ministre.
Pour ce qui est de la traduction du journal des débats, il précise que cette responsabilité n’incombe pas au cabinet. « Le hansard, c’est un travail pris en charge par l’Assemblée législative. Vous devriez vous adresser au président de la chambre ».
Et les interprètes tlicho
La question des langues officielles a ressurgi en chambre, quand le député de Monfwi, Jackson Lafferty, a questionné le ministre sur le manque d’interprètes et de traducteurs en langue tlicho.
« Il y a un besoin criant pour le gouvernement des TNO de réintroduire des programmes de traductions dans les langues autochtones au collège Aurora, a-t-il déclaré à l’Assemblée. « Et cela inclut des spécialisations en terminologie médicale et judiciaire », a-t-il précisé.
Le ministre Dent a répondu que le collège Aurora a tenté de poursuivre les anciens programmes de traduction et interprétation, mais qu’aucun cours n’a été donné en raison du trop faible nombre d’inscriptions. Depuis la séparation du territoire, a noté le ministre, l’intérêt pour les cours d’interprètes a chuté aux TNO.
« Il y a pourtant beaucoup d’intérêt au niveau des communautés, quand on en parle aux gens », a rétorqué le député de Monfwi, dans une entrevue accordée mardi. D’après lui, si les cours d’interprétation étaient dispensés dans les communautés plutôt que dans les centres régionaux, il y aurait probablement davantage d’inscription. « Les gens veulent être formés dans leur communauté, ils veulent rester près de leur famille », estime-t-il.
D’après Lafferty, le manque d’interprètes de langue autochtone crée des lacunes dans l’offre de services, et ce même dans son comté où la majorité des résidents parlent couramment tlicho.
« À titre d’exemple, à l’hôpital régional Stanton [de Yellowknife] il y a eu une augmentation de plus 40 % des demandes d’interprétation, l’an dernier. Cela démontre clairement que nous devons augmenter l’offre de services d’interprétation », affirme celui qui n’hésite pas à prendre la parole dans sa langue à l’Assemblée législative.
Questionné sur le jugement Moreau et son incidence probable sur les autres langues reconnues par la loi territoriale, Lafferty affirme que le gouvernement a une obligation d’offrir des services dans leur langue à tous les locuteurs de langues officielles du territoire.
« Si le français est reconnu, alors nous pensons qu’il faut aller plus loin. Il faut reconnaître les autres langues aussi. La langue tlicho est reconnue comme une langue officielle au TNO, mais cela doit aller plus loin. […] Nous avons besoin de gens de chez nous capables d’expliquer à nos aînés dans leur langue ce qui se passe en justice communautaire, par exemple. »
« La préservation de notre mode de vie traditionnel dépend fortement de notre langue », ajoute-t-il.
Pour l’anecdote, la proposition de se prévaloir plus fréquemment de leurs droits linguistiques en chambre, lancée récemment par le député de Nunakput, Calvin Pokiak, à ses collègues de l’opposition, semble avoir été bien entendue. Durant la première séance de la cinquième session parlementaire, les députés se sont exprimés en inuvialuktun, en tlicho et en esclave du Nord, donnant ainsi de l’ouvrage aux interprètes de l’Assemblée.
Tout comme le commissaire Tony Whitford dans son discours d’ouverture, le député de Yellowknife Centre, Robert Hawkins, s’est quant à lui risqué à prononcer une phrase en français, mais il n’y a pas eu interprétation.