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le Vendredi 14 juillet 2006 0:00 | mis à jour le 20 mars 2025 10:36 Politique

Exercer la souveraineté en Arctique O’Connor n’en croit l’armée capable

Exercer la souveraineté en Arctique O’Connor n’en croit l’armée capable
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« Nous ne pensons pas avoir la capacité militaire nécessaire pour exercer notre souveraineté en Arctique », a constaté sèchement le ministre de la Défense, Gordon O’Connor, lors d’une tournée nordique effectuée cette semaine.

Pour remédier à cette situation, le gouvernement acquerra des avions de recherche et sauvetage et des avions utilitaires pour la base de Yellowknife, a annoncé O’Connor dans un point de presse à l’Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest. Le ministre souhaite aussi faire construire un port en eaux profondes à Iqaluit et établir un centre de formation militaire à la base de Resolute.

Le ministre ne dira pas quelle somme il est prêt à investir pour militariser le Nord, mais il assure qu’il ne blague pas. « Nous devons pouvoir palper chaque lopin de terre et chaque plan d’eau que possède le Canada », s’émeut-il.

Il veut surtout contrôler l’accès aux voies d’eau du Grand Nord, dont plusieurs États contestent au Canada la propriété. « Nous devons être au courant quand un vaisseau étranger pénètre nos eaux. Nous devons nous assurer que quiconque franchit notre territoire se conforme à nos lois », lance celui qui se réjouit de la modernisation prochaine des équipements satellitaires de l’armée qui permettra bientôt au Canada de surveiller en permanence l’océan Arctique.

Plutôt que d’acquérir trois brise-glaces, comme Stephen Harper l’avait promis en campagne électorale, la marine pourrait se procurer des aéroglisseurs ou d’autres appareils moins coûteux qui peuvent se déplacer sur les eaux glacées. Le ministre précise qu’il laissera aux Forces le soin de lui conseiller l’achat le plus approprié.

« Mon objectif est que la marine puisse naviguer dans le Nord. Alors, je leur ai dit « trouvez-moi la façon la plus efficace pour naviguer dans le Nord », a-t-il indiqué. Une décision à cet égard est attendue en automne.

Il ajoute qu’il tient particulièrement à la création d’un port dans la capitale du Nunavut, un projet qu’il estime essentiel au renforcement de la présence canadienne dans la région polaire.

Le ministre ne craint pas que l’effort militaire empiète sur les investissements sociaux qui sont réclamés partout dans les territoires. « Nous nous sommes engagés à investir dans la défense 5,3 milliards de dollars de plus que le dernier budget libéral. C’est bien ce que nous faisons. Nous ne prenons pas un sou du budget à un autre ministère; nous remplissons nos promesses », affirme l’ex-brigadier général.

Malavisé, répond Graham

L’ex-ministre de la Défense et chef de l’opposition Bill Graham, qui était à Yellowknife en même temps que O’Connor, a minimisé l’utilité de ces dépenses anticipées.

Celui qui avait posé un pied théâtral sur l’île de Hans disputée entre le Canada et le Danemark, estime que les conservateurs se trompent de cible en investissant dans l’appareil militaire. « Le défi de la souveraineté du Canada en Arctique n’est pas un défi militaire. Ce n’est pas une invasion qui nous menace. Ce sont des changements climatiques et sociaux. Il faut donc investir beaucoup en science, investir beaucoup avec les gens pour qu’ils puissent changer leur façon de vivre lorsqu’il y a des changements climatiques qui vont tellement vite », a déclaré Graham en entrevue avec L’Aquilon.

À ces propos, Gordon O’Connor répond de façon cinglante qu’« on a probablement dit la même chose à Christophe Colomb quand il a hissé ses voiles, il y a 500 ans ». D’après le ministre, le réchauffement climatique et le retrait du couvert glaciaire arctique qu’il entraîne ne laissent pas à l’armée le choix de badiner avec la souveraineté nordique.

Puisque le problème est lié aux changements climatiques, ne serait-il pas plus efficace de réduire nos émissions de gaz à effet de serre? « Je pourrais vous nommer bien d’autres phénomènes naturels qui pourraient être la cause du réchauffement », répond le ministre.

« Je ne connais pas la cause du réchauffement planétaire, ni si le réchauffement planétaire se poursuivra encore dans dix ans. Mais ce que je sais, il y a un réchauffement planétaire aujourd’hui et nous devons maintenir notre souveraineté dans l’Arctique », poursuit-il.

Le premier ministre des TNO, Joe Handley, a quant à lui rappelé à l’Ontarien que la meilleure façon d’assurer une présence canadienne dans le Nord était de donner aux Canadiens qui y résident déjà le goût d’y rester. « Les gens sont notre meilleure défense, estime le premier ministre. Ils sont nos yeux et nos oreilles ».

Après Yellowknife, le ministre de la Défense doit se rendre à Iqaluit et Resolute le 14 juillet. Son voyage, précise-t-il, a été « détourné » pour lui permettre d’assister aux funérailles du caporal Anthony Boneca, tué le 8 juillet en Afghanistan.

Avec la collaboration de Simon Bérubé