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le Vendredi 25 août 2006 0:00 | mis à jour le 20 mars 2025 10:36 Politique

Stephen Harper visite le Nord Pipeline, pipeline, pipeline!

Stephen Harper visite le Nord Pipeline, pipeline, pipeline!
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Invité à préciser une récente déclaration à l’effet que le projet de gazoduc du Mackenzie pourrait être approuvé au cours des « prochains mois », le premier ministre canadien, Stephen Harper, a dû faire amende honorable et admettre qu’il devra attendre les rapports de la Commission d’examen conjoint sur le projet gazier du Mackenzie et de l’Office national de l’Énergie.

« Mais nous devenons impatients. Nous croyons que la plupart des gens du Nord le sont aussi. C’est vital pour le développement économique à long terme et nous ferons tout, à l’intérieur de ce qui est permis par la loi, pour nous assurer que le projet ira de l’avant », a déclaré Stephen Harper au cours d’un court point de presse tenu quelques minutes avant son arrivée à l’Assemblée législative où il s’est adressé à un public composé de leaders des TNO et de partisans conservateurs.

Dans son allocution résolument pro-développement, le premier ministre a admis que lorsque le projet a été présenté pour la première fois il y a 30 ans, « en rétrospective, le Nord n’était pas prêt, d’un point de vue économique, pour des méga-projets énergétiques comme le gazoduc du Mackenzie ». Selon lui, cependant, « les temps ont changé ».

Stephen Harper estime que « la grande majorité des gens du Nord est plus que prête à concrétiser ce projet. Ils reconnaissent que le gazoduc de la vallée du Mackenzie a le potentiel de transformer le Nord en ce que certains qualifient de prochaine Alberta ».

Le premier ministre Stephen Harper a mentionné que le gazoduc pourrait être « le symbole » et le message aux investisseurs étrangers que le Nord canadien serait « arrivé à maturité ».

Mentionnant le délai supplémentaire demandé par la Commission d’examen conjoint, M. Harper en a profité pour remettre le processus réglementaire ténois en question. « Pourquoi faut-il autant de temps pour faire approuver des projets d’exploitation des ressources dans le Nord ? », a-t-il demandé à son audience captive.

Un questionnement que n’a pas hésité à reprendre à son compte le premier ministre ténois, Joe Handley, qui s’est prononcé contre l’introduction de « taxes étranges » de la part des gouvernements autochtones ou de son propre gouvernement. « Nous devons avoir un système qui attire les gens d’affaires », dit-il.

Gazoduc, partage des revenus et transfert de responsabilité

Au cours de son allocution, Stephen Harper n’a pas hésité à avancer que les négociations sur le partage des revenus provenant des ressources et celles sur le transfert de responsabilités « vont de pair ».

Mais en plus, il les a étroitement associées à l’établissement du gazoduc dans la vallée du Mackenzie. « Rien de tout cela ne se produira à moins que le Nord ne bâtisse une économie de marché ouverte et concurrentielle dans laquelle l’industrie des ressources peut être florissante. Rien de cela ne se produira à moins que ne se réalisent des projets tels que le gazoduc de la vallée du Mackenzie parce que, sans eux, aucun paiement de transfert ne donnera au Nord l’avenir qu’il mérite ».

Le premier ministre ténois refuse cependant d’y voir un ultimatum. « Ce que j’ai compris, c’est que si on n’a pas de gros projets, on aura pas de revenus qui viendront de plus petits projets », dit-il.

Condition de vie des Autochtones

Sans mentionner l’Accord de Kelowna, le premier ministre Harper a mis en valeur les récents investissements de son gouvernement pour aider les Autochtones à augmenter leur niveau de vie. Au passage, il a mentionné les 300 millions de dollars destinés aux logements abordables dans le Nord, la réforme du système de justice et l’assainissement des sites industriels contaminés dans le Nord.

Joe Handley s’est peu formalisé de l’absence d’engagement envers l’Accord de Kelowna. « Il s’agit d’une expression utilisée par l’ancien gouvernement libéral. Mais il a tout de même parlé de logement, de santé et d’éducation postsecondaire », de mentionner Joe Handley.

De son côté, le grand chef de la Nation dénée, Bill Erasmus, croit « qu’il aurait été bien » que Stephen Harper mentionne l’Accord de Kelowna.

Les réactions au discours

Selon M. Erasmus, la vision du Nord du premier ministre Harper n’est pas partagée par tout le monde. « Le Nord n’est pas le Sud et ne veut pas le devenir. Ça aurait été bien si le premier ministre nous avait rencontré pour nous demander comment le Nord devrait être développé », dit-il.

Le député de Western Arctic, Dennis Bevington, qui a assisté à la réception donnée par le premier ministre, n’a pas été très impressionné par le discours de Stephen Harper. « Je ne l’ai pas entendu dire qu’il ferait avancer les dossiers importants pour les résidents du Nord, et par là je veux parler de l’accès au logement, de la construction de routes pour les communautés éloignées, du respect des accords de Kelowna sur les Premières Nations, de la réduction du coût de la vie et toutes ces choses. Il n’a fait qu’annoncer qu’il ferait avancer les dossiers qui importent aux grandes corporations » , affirme le néo-démocrate.

Dennis Bevington se montre prudent face à l’ouverture des Conservateurs dans le dossier de la dévolution. Il craint que le discours autonomiste défendu par le gouvernement fédéral ne cache une volonté de maintenir les vieux réflexes coloniaux. « [Harper] a parlé de ce qu’il nomme ‘‘la fin du paternalisme’’ et ensuite il nous a dit que son gouvernement allait prendre une décision [dans le dossier du pipeline] sans demander l’accord des résidents du Nord », relève-t-il.

Deh Cho

À un certain moment du discours de Stephen Harper, le Grand chef des Premières nations du Deh Cho, Herb Norwegian, ne cache pas qu’il s’est senti visé.

En parlant des éléments qui menaçaient la réalisation du projet gazier du Mackenzie, Stephen Harper a mentionné « ceux qui se concentrent tellement sur leurs propres questions et préoccupations qu’ils risquent de saborder une occasion historique pour l’ensemble du Nord de progresser ».

« C’était un message subliminal », a ironiquement analysé Herb Norwegian. « Si le premier ministre pense solidifier le Canada et affirmer sa souveraineté dans l’Arctique, il devra faire attention aux Autochtones. Nous avons été sur ce territoire pendant des milliers d’années et nous ne sentons pas le besoin de déménager ».

M. Norwegian ne cache pas qu’une entente sur les revendications territoriales doit survenir entre sa nation et le gouvernement canadien avant que le gazoduc puisse passer dans sa région. « Ça ne me dérange pas s’ils me visent. Ils ont quand même besoin de nous parler sérieusement et de venir à notre table de négociations s’ils veulent leur gazoduc ».

S’il avait eu la chance de parler à Stephen Harper, Herb Norwegian aurait eu un message clair à lui transmettre : « Tu veux le tuyau et je veux la juridiction (le droit de taxer). On peut se rencontrer à mi-chemin ».

Avec la collaboration de Batiste W. Foisy