Parmi les 66 « programmes ruineux » que le gouvernement fédéral a élagués cette semaine, l’un d’eux est un fonds destiné au projet de dévolution de pouvoirs aux Territoires du Nord-Ouest. D’après Patricia Valloda, porte-parole du ministère des Affaires Indiennes et du Nord, le fonds d’une valeur de 50 millions de dollars devait servir à défrayer le coût des négociations en vue d’un accord sur la dévolution avec le gouvernement territorial. Une partie des fonds devait aussi être affectée aux frais liés aux transferts de juridiction, une fois la dévolution accomplie.
Joe Handley, premier ministre des TNO et ministre responsable de la dévolution, a la même réponse. « C’était de l’argent destiné à payer pour le déménagement des employés et des programmes dans le Nord », affirme le premier ministre. « Ce fonds a été mis de côté pour les négociations en 2002, précise Patricia Valloda. Mais les négociations ont duré plus longtemps que prévu et l’argent n’a jamais été utilisé. »
Handley ne pense pas que la coupe affectera directement son gouvernement. « Ce n’était qu’une réserve [du ministère des Affaires indiennes]. Nous ne voyons aucune perte là », dit-il Le premier ministre ne pense pas non plus que cela indique que le fédéral s’attend à ce que le gouvernement territorial paie les factures sitôt les accords sur la dévolution paraphés. « La lecture est difficile maintenant, mais je ne pense pas que cela se produira. », analyse Handley.
Pour sa part, la porte-parole des Affaires indiennes était incapable de dire maintenant si de nouveaux fonds allaient être injectés pour payer les coûts de la transition, advenant la conclusion prochaine d’un accord sur la dévolution. Les négociations sur la dévolution visent à transférer aux TNO la gestion des terres et des ressources naturelles et permettre au gouvernement territorial de percevoir lui-même des redevances sur les ressources extraites chez lui.
Le premier ministre estime qu’il est toujours possible de conclure une entente de principe sur la dévolution avant le dépôt du prochain budget fédéral. Du côté des Affaires, on n’était pas en mesure de fournir un échéancier. De façon plus générale, s’il admet volontiers que « le Canada en entier est touché quand on coupe un milliard », le premier ministre des TNO ne pense pas que les restrictions budgétaires annoncées lundi affecteront son gouvernement. « Pas directement, non ».
Programme de contestation judiciaire
Les communautés francophones minoritaires sont également touchées par les coupes des conservateurs. Patrimoine Canadien, le principal bailleur de fonds des communautés minoritaires de langues officielles, perd 33 millions de dollars en coupes et restructuration.
Selon la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), le principal lobby francophones au Canada à l’extérieur du Québec, l’abolition du Programme de contestation judiciaire et du Programme de soutien à l’initiative sur le bénévolat sont les pertes les plus importantes.
« Nous voyons mal comment ces coupures [sic] constituent des mesures positives en appui au développement des communautés. Il faut se demander si le premier ministre Harper a oublié l’engagement solennel qu’il a signé en janvier dernier à cet égard », affirme le président de la FCFA, Jean-Guy Rioux, dans un communiqué émis mardi. La mise à mort du Programme de contestation judiciaire, qui offre du soutien financier aux groupes minoritaires engagés dans des débats juridiques pour le respect de leurs droits, fait spécialement mal. La Fédération Franco-Ténoise (FFT), qui a souvent bénéficié de ce programme est outrée.
« Sans l’aide du programme, il se pourrait que nous ne puissions pas aller au bout de notre recours judiciaire [contre les gouvernements territorial et fédéral] », s’inquiète le vice-président de la FFT, Richard Létourneau. Le recours qui vise à assurer un accès aux services en français aux TNO a été renvoyé en Cour d’appel territoriale cet été, suite à un jugement favorable à la FFT rendu par la Cour suprême des TNO. « C’est un programme super efficace, poursuit Létourneau. La plupart du temps, les communautés qui en ont bénéficié, que ce soit dans des causes sur l’éducation, la santé ou les services gouvernementaux, ont gagné leur cause. C’est comme ça que les communautés minoritaires du Canada ont vu leurs droits reconnus. C’est très important pour nous. »
« Sans le Programme de contestation judiciaire, il n’y aurait pas d’école francophone aux TNO », note le vice-président. Le programme a aussi servi à défendre d’autres luttes sociales menées dans l’enceinte des cours de justice. Des groupes de femmes y ont, par exemple, recouru pour défrayer leurs frais d’avocats liés aux poursuites sur l’équité salariale.
Le directeur général de la Fédération Franco-Ténoise, Léo-Paul Provencher, signale que d’autres coupes de programmes affecteront l’organisme de défense des droits des francophones des TNO. Il cite, entre autres, un programme d’alphabétisation des adultes qui a été amputé de 17 millions de dollars.
Autochtones
Lors de la période de questions orales de la Chambre de communes, mardi, le député de Western Arctic, Dennis Bevington, a joint sa voix au tollé que les restrictions budgétaires a soulevé chez l’opposition.
Le seul néo-démocrate élu au nord du soixantième parallèle s’est ému de la disparition de 10 millions de dollars destinés à encourager les Autochtones et les Inuits à cesser de fumer. « Ainsi, un plus grand nombre d’Autochtones tomberont malades et mourront à cause du tabagisme », prédit Bevington. « Il n’y a eu aucune consultation, aucun débat, ce qui montre bien là encore à quel point le premier ministre est arrogant et aime tout contrôler », s’est enflammé le député.
Les restrictions budgétaires qui totalisent plus d’un milliard de dollars visent, selon l’expression du président du Conseil du Trésor, John Baird, à « couper dans le gras » et à « recentrer les ressources financières en fonction des grandes priorités des Canadiennes et de Canadiens ». L’annonce de ces restrictions budgétaires coïncide avec le dévoilement des surplus budgétaires fédéraux, qui totalisent cette année plus de 13 milliards de dollars et seront injectés en totalité dans le remboursement de la dette nationale.