le Lundi 28 avril 2025
le Vendredi 13 octobre 2006 0:00 | mis à jour le 20 mars 2025 10:36 Politique

Le Canada perdra-t-il la carte?

Le Canada perdra-t-il la carte?
00:00 00:00

Le ministère des Ressources naturelles du Canada étudie présentement la possibilité de fermer le Bureau de cartographie, l’agence qui imprime et distribue les cartes topographiques officielles du pays.

« Il y a une décision qui est en train de se prendre », affirme Ghyslain Charron, un porte-parole de Ressources naturelles Canada qui précise que la décision n’est pas encore arrêtée, comme le laissait entendre un article paru dans le Globe and Mail le 4 octobre. « Nous sommes en phase de révision. Nous consultons les parties intéressées. », ajoute-t-il. Une décision formelle est attendue incessamment. S’il y a fermeture, Ressources naturelles Canada mettra la clef dans la porte du Bureau de cartographie dès le 31 mars 2007. Le gouvernement conserverait alors une capacité d’impression, mais n’imprimerait que sur demande, notamment pour l’armée.

L’intention de cesser d’imprimer les cartes n’est pas une mesure originale des conservateurs. Les démarches avaient été entamées sous le gouvernement libéral de Paul Martin.

D’après Ghyslain Charron, le gouvernement n’a pas l’obligation d’imprimer des cartes topo. « Notre mandat, c’est de rendre les données topographiques accessibles au public canadien. Mais il n’y a pas d’indications sur la façon dont cela doit être fait. » Autrement dit : le ministère n’est pas forcé d’imprimer les cartes pour autant que les données demeurent accessibles, en les publiant sur Internet, par exemple.

Et c’est précisément l’objectif de Ressources naturelles Canada. « Nous sommes déterminés à prendre le virage numérique », s’enthousiasme le porte-parole qui assure que le relief canadien en entier sera numérisé et mis en ligne d’ici avril prochain, que le Bureau de la cartographie ferme ou non. Il faut suivre la technologie et aujourd’hui c’est le numérique. La demande pour le papier est en baisse », insiste Charron qui note que les ventes de cartes topographiques ont presque chuté de moitié depuis 1998.

Dans l’éventualité que le gouvernement cesse effectivement d’imprimer les cartes, les utilisateurs auraient la possibilité de faire imprimer leurs propres cartes à la maison à partir du site Web du ministère ou encore de s’en procurer une chez un détaillant autorisé qui, lui, les ferait imprimer par un privé. « Ça ne changerait pas grand-chose », estime Charron.

Mais pour la coalition Maps for Canadians, la fin des cartes en papiers imprimées par le gouvernement serait un désastre. Le groupe de pression, formé expressément pour contrecarrer la fermeture du Bureau de cartographie, regroupe une kyrielle d’organismes de divers horizons et de partout au Canada. On compte parmi ses adhérents autant des bibliothèques que des entreprises privées, en passant par des clubs de plein air, des associations de chasse et pêche et même une association d’étudiants en géomatique.

La coalition craint surtout que les prix n’augmentent si l’impression est effectuée par le privé. Selon Nancy Lemay, bibliothécaire spécialisée en géographie à l’université d’Ottawa et membre de Maps for Canadians, la carte qui se détaille aujourd’hui 12 $ coûterait entre 30 et 40 $, si elle était imprimée dans le privé. Elle ajoute que l’augmentation sera probablement encore plus importante dans les régions éloignées – comme les Territoires du Nord-Ouest – où les résidents sont typiquement de grands usagers de cartes topo.

« L’Association des cartothèques et Archives cartographiques du Canada se doivent de défendre les citoyens qui habitent les régions. Nous croyons que les imprimantes de grand format sont plus difficiles à accéder dans ces régions et donc que les prix vont augmenter de façon considérable », affirme Nancy Lemay. La bibliothécaire ajoute qu’un système exclusivement électronique désavantagera les Canadiens qui n’ont pas accès à une connexion Internet suffisamment rapide. « Il sera quasiment impossible pour beaucoup de gens d’accéder à ces cartes sans payer un prix phénoménal », prédit-elle. Elle ajoute enfin que le numérique ne pourra jamais remplacer la bonne vieille carte de papier. « Les cartes électroniques ont leur place dans ce marché, mais ils ne remplaceront pas les cartes papier