Remember the years/ They took all the children/ and they locked them away/ Where they taught them to pray/ There were children each night / Who were quietly crying/ They are in the walls/ And the halls of my mind – extrait de la chanson « In the Walls of His Mind », composée par l’ex-premier ministre des TNO et survivant du système des pensionnats indiens Stephen Kakfwi
La Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest a été la dernière de dix Cours de justice canadiennes à approuver un vaste programme de compensation qui touche quelque 80 000 survivants des pensionnats indiens. Dans une décision rendue le 15 janvier, le juge J.E. Richard de la Cour suprême des TNO donne son aval au règlement qui offre des compensations de 10 000 $ à chaque survivant du système des pensionnats indiens. À cette somme s’ajoutera une compensation supplémentaire de 3 000 $ par année de fréquentation des pensionnats. On estime qu’en moyenne chaque survivant sera éligible à environ 23 000 $ en compensation.
Le gouvernement canadien, qui a reconnu sa responsabilité dans les souffrances vécues par les survivants des pensionnats indiens, a mis de côté 1,9 milliards de dollars pour ce programme de compensations.
Mais, note le juge Richard dans sa décision, « le règlement proposé est une compensation insuffisante pour ce que [les survivants des pensionnats] ont enduré. J’ajouterai cependant qu’aucune somme d’argent ne pourra jamais entièrement réparer le tort qui leur a été fait, c’est-à-dire la perte de leur culture et de leur langue. Ces survivants sont des victimes et ne peuvent pas être dévictimisés par ce règlement, ni par aucun autre règlement. Personne, ni aucune somme d’argent ne peut défaire ce qui leur a été fait. »
En plus des paiements de compensation individuels, une « Commission de la vérité et de la réconciliation » sera mise sur pied. La commission dont le mandat s’étendra sur une période de cinq ans aura un budget de 60 millions de dollars et aura pour objectif « d’établir une référence publique et permanente du legs du système de pensionnats indiens ». Ce sera la première commission du genre en Amérique du Nord. Ailleurs dans le monde de telles commissions ont été établies notamment au Guatemala et au Rwanda, suite aux génocides qui se sont produits dans ces pays.
Ce jugement survient quatre mois après qu’une quinzaine de survivants résidents des Territoires du Nord-Ouest aient témoigné, dans l’enceinte du palais de justice de Yellowknife, de leurs expériences et des conséquences qu’elles ont eu tout au long de leur vie. Des témoignages qui, écrit le juge Richard, « [l’]ont impressionné et ébranlé ».
Le système des pensionnats indiens, qui a surtout été opéré par le gouvernement canadien en collaboration avec certaines Églises chrétiennes entre 1920 et 1979, avait pour objectif de « civiliser » les enfants autochtones du Canada. Quatre-vingt pensionnats indiens ont été opérés au Canada. Aujourd’hui considérés comme des institutions d’assimilation et de génocide culturel, on sait que les pensionnats indiens ont largement contribué à l’érosion des langues, des cultures et des rites autochtones.
Aux Territoires du Nord-Ouest, où un résident sur deux est d’origine autochtone ou inuit, huit pensionnats indiens ont été en opérations entre 1867 et 1970.
Le Akaitcho Hall de Yellowknife, abusivement réputé pour être le dernier pensionnat indien en opération au Canada, n’était plus opéré par le ministère des Affaires indiennes depuis 26 ans quand il a définitivement fermé ses portes en 1996. C’est bien cette année-là que le dernier pensionnat opéré par le gouvernement canadien a été fermé, mais il s’agissait plutôt du Gordon Residential School situé en Saskatchewan.
Les Territoires du Nord-Ouest sont la seule juridiction au Canada à observer une journée de recueillement officielle à la mémoire du drame des pensionnats indiens. Le « Jour de la guérison » est souligné le 26 mai partout dans le territoire et est un congé chômé et payé.