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le Vendredi 23 février 2007 0:00 | mis à jour le 20 mars 2025 10:36 Politique

Analyse: Partager quels revenus?

Analyse: Partager quels revenus?
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Du ministre des Finances qui se fait menaçant dans son budget, au valentin cinglant du député de Great Slave en passant par les menaces séparatistes du député d’Inuvik Twin Lake, ça se déchaîne à l’Assemblée législative.

À la veille du second budget de l’administration Harper et alors qu’une élection fédérale pourrait nous tomber dessus d’un vote de confiance à l’autre, les 19 députés semblent prêts à tout casser pour obtenir d’Ottawa une entente sur le partage des revenus provenant des ressources.

Cette semaine, à la Chambre des communes, le député de Western Arctic, Dennis Bevington, est revenu à la charge réclamant lui aussi de l’action dans ce dossier. La réponse du gouvernement fut la même que celle qu’on nous sert depuis 20 ans déjà : « oui, oui, ça va venir. Patience ».

Mais la patience a ses limites, surtout quand il s’agit d’une chose aussi fondamentale que de toucher un revenu sur la vente d’un produit qui nous appartient. Aucune province ne tolèrerait de se faire voler ses taxes par Ottawa et les Territoires du Nord-Ouest, producteurs de diamants, de pétrole, de gaz naturel et de biens d’autres produits de luxe, en ont soupé eux-aussi.

Dans un excellent papier publié dans l’édition de décembre de la revue bilingue Options Politiques/Policy Options, Russel Banta compare l’administration fédérale des revenus perçus sur les ressources territoriales à l’exploitation coloniale du tiers-monde. « Les ressources du Nord, note Banta, ne deviennent des priorités fédérales que périodiquement, et pour une période relativement brève. Généralement ça se produit quand les prix sont élevés et que le fédéral prévoit faire un coup d’argent ». On ne saurait si bien dire.

Mais, les chiffres du ministre des Finances laissent songeurs. Ainsi, en 2005-2006, 244 millions de dollars auraient ainsi échappé aux Ténois pour venir engraisser les goussets du fédéral. Ai-je bien lu 244 millions? Des pinottes oui!

Le budget territorial annuel tourne toujours autour d’un milliard de dollars et on sait que c’est souvent insuffisant pour payer les services essentiels. Si en 2005, au lieu de dépendre de l’aide fédérale, le gouvernement des TNO avait misé sur ses revenus des ressources naturelles, il lui aurait manqué un bon demi-milliard pour conserver son budget trop mince…

Ou, si l’on tient à rester dans les priorités fédérales pour le Nord, deux années de pillage des ressources des TNO ne suffiraient pas à payer un seul brise-glace pour patrouiller le passage du Nord-Ouest.

Cette même année 2005, les exportations canadiennes de diamants s’élevaient à 1,7 milliards de dollars, des sous entièrement déterrés aux TNO. C’est aussi cette même année que Imperial Oil, qui gère les opérations de Norman Wells, a annoncé les bénéfices les plus faramineux de son histoire, un record qu’elle s’est empressé de battre l’année suivante.

Pas besoin de gratter très longtemps pour mettre le doigt sur le bobo. Comme dans le Québec de Duplessis où l’on vendait la tonne de cuivre à cinq cennes, le gouvernement fédéral ne prélève que des revenus symboliques sur nos richesses.

Loin de s’en cacher, le ministère des Affaires indiennes et du Nord en fait même une fierté. Dans un feuillet publicitaire destiné aux entrepreneurs internationaux publié par le ministère depuis 1994 on vante carrément les Territoires du Nord-Ouest pour leur « régime de redevances parmi les plus compétitifs au monde ». Et on ajoute : « Les taux sont incroyablement bas ».

Dans une étude réalisée en 2006 par le Pembina Institute, on apprend des choses fort intéressantes sur la bonne gestion de nos ressources et de ses revenus. Le fédéral demande cinq fois moins que l’Alberta (qui, disons, n’est pas la plus socialiste des provinces) pour le pétrole des TNO. Le taux de redevances pour les diamants tourne autour de 6,5 %. Même le Botswana demande plus.

Bien sûr, il faut que les Territoires du Nord-Ouest touchent des revenus sur leurs propres ressources, mais avant de conclure une entente sur le partage des revenus, le gouvernement des TNO ferait mieux de s’assurer que les revenus à partager seront au rendez-vous.

Si le gazoduc du Mackenzie est mis en chantier et que l’Arctique de l’ouest est ouvert au développement gazier intensif, les revenus provenant des ressources augmenteront au fur et à mesure que les ressources s’épuiseront. Mais, augmenteront-t-elles suffisamment pour assurer la prospérité du gouvernement territorial?

Selon une étude économique commandée par Alternatives North en octobre dernier, si le régime actuel est maintenu et qu’on tolère d’autres développements que ceux présentement proposés, le gaz rapportera au mieux, un milliard $ de redevances par année, durant les bonnes années. C’est pas le Pérou.

D’aucuns diront que cette étude est contestée par les gouvernements et par l’industrie gazière. C’est vrai. Mais ces détracteurs ont eu la chance de les exposer au grand jour les faille de cette étude. En décembre l’auteur de l’étude est venu présenter ses travaux aux audiences publiques sur le pipeline. Étrangement, ni les promoteurs du projet, ni les représentants des différents paliers gouvernementaux, qui bien sûr étaient tous présents, n’ont jugé bon à ce moment de lui poser des questions. Un silence qui en dit long.

Et là, il ne faut pas oublier que la plus importante partie des réserves de gaz connues se trouve au large de la mer de Beaufort. Quand bien même le fédéral finirait-il par débloquer et donner aux Territoires leur fameux accord sur le partage des revenus, pensez-vous vraiment que cela comprendra aussi les ressources situées dans les eaux fédérales?

Il serait temps qu’on réponde à toutes ces questions.