Il est temps de rouvrir le débat sur la place des Territoires du Nord-Ouest dans la constitution canadienne, estime le chef de la Nation dénée, Bill Erasmus, qui a organisé un forum sur la question, la fin de semaine dernière, à Yellowknife.
Entouré du député de Western Arctic, et du maire de Yellowknife, le grand chefs des Dénés a livré un discours qui avait des relents de cabbale pré-électorale.
« Comme vous le savez, le gouvernement territorial n’est qu’une extension du gouvernement fédéral […] et ses pouvoirs sont très limités », a lancé le chef Erasmus à la salle où s’entassaient une quinzaine de résidents de Yellowknife. À n’en pas douter, Erasmus, même s’il disait être là pour écouter les commentaires du public, cherchait à recruter des sympathisants pour faire avancer la cause d’une autonomie plus grande pour les TNO.
Selon lui, le moment est idéal pour relancer ce débat qui avait été mis de côté après la création du Nunavut. « Il y aura une élection territoriale en octobre, nous devons savoir ce que les candidats qui se présenteront pensent de cette question », a affirmé Erasmus.
Alors que les Tlicho ont formé le premier gouvernement autochtone autonome aux TNO l’an dernier et que d’autres communautés comme les Inuvialuit sont sur le point de former leurs propres gouvernements autonomes, la question constitutionnelle revêt une importance nouvelle. « C’est très bien, mais qu’est-ce qu’on fait quand on veut coopérer ensemble ?, a demandé le chef. Avoir six autorités différentes est insensé. Il est bien davantage sensé d’avoir une autorité pour l’éducation, une autorité pour les soins de santé, etc. »
Erasmus estime qu’il faut créer une structure nouvelle pour administrer les Territoires tout en respectant les juridictions de ces nouvelles entités gouvernementales que sont les gouvernements autonomes. « Il semble clair que le pouvoir devra venir des gens vers la structure centrale et non pas l’inverse », suggère-t-il.
Le chef a plaidé pour un échéancier précis visant l’établissement d’une nouvelle constitution pour les TNO. « Nous devons faire comme le Nunavut : nous devons fixer une date. »
Bevington d’accord
Le député de Western Arctic, le néo-démocrate Dennis Bevington, a abondé dans le même sens que le chef déné. Celui qui avait co-présidé le Comité sur l’avenir constitutionnel de l’Arctique de l’ouest, dans les années 1990, a lui aussi parlé en faveur d’un renouveau du partenariat entre Ottawa et les Territoires du Nord-Ouest.
« À n’en pas douter, nous devrions être égaux, nous devrions avoir le droit d’être égaux aux provinces et ce tout en préservant notre caractère unique », a lancé Bevington.
Selon lui, la question des ressources naturelles, résume assez bien l’impasse dans laquelle le statut constitutionnel actuel des TNO plonge le territoire. Non seulement les redevances sur les ressources extraites dans le Nord nous échappent, mais nous n’avons pas la capacité de décider nous-mêmes du rythme auquel nous voudrions que les ressources soient exploitées. « Quand nous voulons poser des questions par rapport au développement de nos ressources, nous devons attendre que quelqu’un d’autre le fasse pour nous », s’est indigné celui dont la courte expérience à la Chambre des communes lui a permis de constater « la quantité incroyable de pouvoir colonial qui subsiste toujours au Canada. » Une future constitution devra inclure tous les joueurs et être réalisée dans la coopération, a indiqué Bevington. « Si nous ne travaillons pas ensemble, nous pourrions aboutir avec une constitution impraticable dans laquelle les gouvernements lutteraient les uns contre les autres. »
Moins catégorique, le maire de Yellowknife Gordon Van Tighem, s’est décrit comme un sceptique de l’importance du débat constitutionnel. Il se souvient avoir pris part aux discussions animées des années 1990. À cette époque, il était contre les changements constitutionnels, car avec plusieurs revendications territoriales encore en suspens, l’ouverture de la Constitution lui semblait prématurée. Mais aujourd’hui, a-t-il admis, « ce pourrait être le bon temps ».
Grand absent de ce forum, le gouvernement territorial n’avait dépêché aucun délégué. Erasmus a expliqué que le premier ministre Handley avait été invité, mais qu’il ne pouvait être du rendez-vous car il devait se rendre à Whitehorse pour les Jeux du Canada.
Le gouvernement autonome Tlicho voulait également dépêcher des représentants, mais ils n’ont pas pu le faire par manque de financement pour le transport.
Si le pari du chef déné de faire du débat constitutionnel un enjeu électoral était gagné, les futurs candidats auraient intérêt à garder en tête cette histoire lancée par le journaliste déné Paul Andrews qui modérait le forum : quand on a présenté aux tlicho l’idée d’une « constitution » pour leur peuple, l’expression qui fut retenue par les interprètes pour faire comprendre ce très britannique concept aux aînés fut « comment est-ce qu’on travaille ensemble ».