L’isolement, le coût de la vie élevé, le difficile accès à l’éducation supérieure, le manque de logements abordables, l’absence d’infrastructures ou les problèmes de violence et de toxicomanie. Voilà plusieurs réalités qui ont été exposées au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts lors de son arrêt à Yellowknife le 19 février. P
lus précisément, les membres du Sénat qui siègent sur ce comité veulent s’attaquer au dossier de la pauvreté rurale et ont entrepris en début 2007 une tournée sur le terrain afin de connaître les différents enjeux selon chaque région. Cette consultation publique se terminait cette semaine avec des visites au Yukon, aux TNO et au Nunavut. La journée d’audience dans la capitale ténoise fut marquée par la participation d’une dizaine d’organisations qui ont présenté, à tour de rôle, leur diagnostic de la situation de la pauvreté aux TNO en fonction de leur secteur d’activité et les pistes de solution à apporter. D’entrée de jeu, le ministre de l’Industrie, du Tourisme et de l’Investissement, Bob McLeod, a tenu à préciser aux sénateurs que les enjeux ruraux ne sont pas les mêmes dans le Nord que dans le reste du Canada. « La grande partie des TNO est rurale, mais ce n’est pas la ruralité que les gens du Sud sont habitués avec des images de routes parsemées de fermes.
La ruralité dans les TNO a une signification différente. La ruralité veut dire l’isolement, des options de transport limitées et, en raison de ça, des défis pour créer des opportunités de développement économique », a-t-il déclaré, en précisant qu’il espère que le comité sénatorial tiendra compte de cette réalité quand viendra le temps de faire ses recommandations.
Le ministre a beaucoup insisté sur la situation précaire des communautés isolées à la grandeur du territoire et l’importance d’améliorer les voies d’accès. « Ce sont les petites communautés les plus éloignées qui ont les revenus les plus bas. Ces mêmes communautés tendent à avoir le coût de la vie le plus élevé », a dénoncé M. McLeod dans son allocution. « Nous devons améliorer les infrastructures. Un bon exemple serait la création d’une route qui donnerait un accès à travers la vallée du Mackenzie. Une route de la vallée du Mackenzie qui permettrait à l’industrie d’avoir accès aux ressources naturelles abondantes. Ça fournirait aussi des opportunités d’emploi et d’affaire », a-t-il continué.
L’idée d’une route qui traverserait le territoire du nord au sud a paru intéressante aux yeux du sénateur Terry Mercer, qui a questionné sur le coût éventuel d’un tel projet. Sans connaître le coût à jour en 2008, le ministre McLeod a indiqué qu’une estimation passée avait établi le coût à 700 millions $ et une autre plus récente à 2 milliards $. Le maire de Yellowknife a quant à lui exposé devant le comité la situation dans sa ville avec la grande problématique du logement social et la recrudescence des sans-abri. « Avant que Fort McMurray nous devance, nous avions le plus haut revenu familial au pays. Avec de tels revenus, nous n’avons pas eu la possibilité de développer des projets de logements abordables », a dit Gordon Van Tighem. Interrogé sur les initiatives apportées dans ce domaine, le maire a répondu que pas moins de 826 lits étaient maintenant disponibles à Yellowknife pour les sans-abri et que les unités de logements sociaux avaient dépassé les 1 500. Beaucoup de chemin reste cependant à faire, a-t-il dit.
Jill Christensen, gestionnaire au ministère de la Santé et des Services sociaux, a noté qu’un nombre de plus en plus important de gens des communautés se déplacent vers la capitale pour bénéficier de services plus développés pour les gens dans le besoin. « Les petites communautés n’ont pas de résidences ou d’abris sécuritaires et nous remarquons que les gens vont déménager à Yellowknife pour fuir la violence familiale et les abus », a-t-elle soutenu.
Elle se questionne aussi sur la situation des banques alimentaires dans la capitale. « En raison des coûts et des limitations de stockage, les banques alimentaires n’offrent pas de produits frais comme le lait, le fromage ou la viande. Les banques alimentaires, comme nous le savons, ne sont pas une solution durable et ne rencontrent pas les besoins des gens vivant dans des logements surpeuplés et des sans-abri qui sont dans la rue ou dans des tentes. […] À Yellowknife, 50 % des usagers des banques alimentaires sont âgés de moins de 18 ans », a déploré Mme Christensen.
Aller sur le terrain
La présidente du comité sénatorial qui se penche sur la pauvreté rurale, Joyce Fairbairn, note que la mission du comité a quelque peu évolué depuis le début de ses travaux à Ottawa il y a deux ans. À l’origine, le comité devait surtout se pencher sur la situation de l’agriculture et des forêts suite à une crise dans ces domaines.
« En écoutant dans nos audiences, nous avons entendu des choses que nous n’avions pas entendues auparavant sur comment, dans les communautés partout dans le pays qui ne sont pas urbaines, il y avait toute sorte de choses qui se passaient et causaient une certaine anxiété », a-t-elle raconté, en donnant notamment l’exemple de l’exode des jeunes ou la fermeture d’entreprise en région. « Nous avons senti que nous devrions constater ce phénomène par nous-mêmes et ne pas rester assis dans un bureau à Ottawa. Aller voir ce qui se passe sur le terrain », a affirmé Mme. Fairbairn.
Par ailleurs, la directrice exécutive du Conseil du statut de la femme des TNO, Sharon Thomas, s’est indignée lors de sa présentation de l’absence des sénateurs conservateurs aux audiences de cette semaine dans le Nord, ceux-ci prétextant des coûts de déplacement trop onéreux. « C’est certainement une réalité que nous faisons face sur une base quotidienne et c’est une insulte pour nous qu’ils n’ont pas pris le temps et l’effort d’assister à cette audience », a-t-elle indiqué.
Sur les neuf membres qui composent le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, seulement quatre étaient présents à Yellowknife, tous des libéraux, en plus de Nick Sibbeston, le seul sénateur des TNO à Ottawa. Ce dernier n’est pas sur le comité, mais a quand même tenu à participer à l’exercice. L’ancienne vedette des Maple Leafs de Toronto, Frank Mahovlich, était l’un des sénateurs présents.