le Mercredi 30 avril 2025
le Vendredi 9 mai 2008 0:00 | mis à jour le 20 mars 2025 10:36 Politique

Compressions dans la fonction publique: Les calculs de Floyd Roland remis en question

Compressions dans la fonction publique: Les calculs de Floyd Roland remis en question
00:00 00:00

Les compressions de 135 millions $ annoncées par le premier ministre Floyd Roland en début d’année ne sont aucunement justifiées d’un point de vue économique. C’est du moins l’opinion de David Thompson, analyste au Parkland Institute, qui s’est penché sur la question dans les dernières semaines.

Dans un rapport commandé par l’organisation Alternative North et les syndicats locaux, l’auteur affirme que l’économie des TNO est très florissante en ce moment, qu’aucun indicateur ne laisse présager que la situation pourrait changer à court terme et que, par conséquent, il est très difficile d’expliquer pourquoi le gouvernement désire procéder à de telles compressions.

« À mon avis, les justifications pour ces compressions n’existent pas. […] Les finances du gouvernement sont en santé, l’économie est prospère et en croissance et les revenus semblent indiquer qu’ils vont augmenter », a affirmé M. Thompson, lors du dévoilement de son rapport le 6 mai.

L’expert en économie a analysé plusieurs documents du ministère des Finances et du Bureau de la statistique des TNO pour en venir à ses conclusions. Selon lui, les données mêmes du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest (GTNO) démontrent que les revenus croissent plus rapidement que les dépenses, malgré les interventions répétées de Floyd Roland qui prétend le contraire.

Au moment de mettre sous presse, il n’a pas été possible de connaître les réactions du premier ministre. On ne sait pas non plus si le GNTO a l’intention de réagir publiquement à ce rapport qui remet en question les fondements mêmes des compressions envisagées. Rappelons qu’au moins 135 employés de la fonction publique pourraient perdre leur emploi si le budget est accepté par une majorité de députés lors de la session qui débutera le 22 mai à l’Assemblée législative.

Un PIB enviable

David Thompson appuie en bonne partie ses conclusions sur le produit intérieur brut (PIB) très enviable des TNO qui se situe à environ 4 milliards $. « Avec sa petite population, ça se traduit à plus de 98 000 $ par habitant. C’est de loin plus haut que toute autre juridiction au Canada et 40 % de plus que la riche en pétrole Alberta », a-t-il écrit dans son rapport. L’auteur mentionne aussi les récentes données de Statistique Canada qui indiquent que le PIB des TNO a cru de 13 % au cours de la dernière année, un sommet au Canada. Outre le PIB, M. Thompson signale que la vaste majorité des autres indicateurs économiques démontrent une saine prospérité économique.

« Si nous regardons les indicateurs qui affectent les gens, vous pouvez voir de façon significative que l’employabilité est plus haute que dans le reste du Canada. Le taux de chômage est de 5,3%. Il est très bas [par rapport au reste du Canada à 6,3 %]. Vous avez ici la plus haute moyenne de revenus par habitant au Canada. Vous avez une croissance très substantielle », a-t-il soutenu.

L’analyste s’est aussi basé sur l’excellente cote de crédit que décerne la prestigieuse Moody’s Investor Services au GTNO et sa capacité à emprunter en cas de besoin. « Si le gouvernement avait un déficit structurel à long terme et glissait dans un accroissement de la dette, les maisons d’investissement en prendraient connaissance. Pourtant, à la fin 2006, Moody’s a décerné au GTNO une cote de Aa1. Il semblerait que Moody’s considère le portrait financier du GTNO comme passablement en santé », a-t-il souligné dans son rapport.

En dépit de tous ces indicateurs, si les dépenses du gouvernement demeuraient trop importantes par rapport à ses revenus, David Thompson suggère que le GTNO se tourne vers une augmentation des impôts aux entreprises ou aux particuliers aux revenus élevés et une hausse des taxes sur l’alcool et l’essence. La création d’une taxe sur le carbone pourrait aussi être une solution, selon lui.

Pour toutes ces raisons, le consultant pense que le premier ministre Floyd Roland – qui est aussi ministre des Finances – agit de façon trop rapide dans ce dossier. « Ce qu’il faut retenir, c’est que les compressions sont prématurées. C’est définitivement ouvert pour le gouvernement d’attendre et de voir [ce qui va se passer]. Si le gouvernement pense qu’il va être en déficit dans trois ans, pourquoi ne pas attendre dans trois ans pour savoir? », s’est-il questionné.

À la lumière de ce nouveau rapport très critique envers les prévisions économiques du GTNO, Shelagh Montgomery, porte-parole chez Alternative North, se demande bien quelles sont les raisons réelles qui pourraient pousser M. Roland à agir de la sorte. « Nous pouvons juste espérer que nous aurons un peu plus de justifications quand l’Assemblée législative va reprendre, mais pour l’instant, les chiffres ne semblent pas prouver le bien-fondé des compressions qui sont proposées », a-t-elle déclaré.

Pour sa part, Jean François Des Lauriers, vice-président régional de l’Alliance de la Fonction publique du Canada, est convaincu que ce nouvel aperçu du Parkland Institute montre clairement que les raisons économiques avancées par le GTNO pour justifier les compressions budgétaires ne tiennent plus la route et qu’il s’agit avant tout d’une décision politique. Il espère maintenant que les députés vont intervenir.

« C’est maintenant à ceux que nous avons élus, il y a quelques mois, de voir à nos intérêts et de voter contre ce budget mal conçu et préparer un nouveau budget qui va investir dans les TNO au bénéfice de tous », a-t-il lancé.