Quelques semaines ont suffit aux bénévoles qui siègent sur le conseil d’administration de la Fédération franco-ténoise pour décider à l’unanimité de présenter une requête à la Cour suprême du Canada leur permettant d’interjeter appel sur la décision de la Cour d’appel des TNO, rendue il y a un mois. Avec cette ultime étape juridique, l’organisme francophone espère obtenir une décision définitive appuyant entièrement le verdict du jugement de première instance rendu en 2006 par la juge Moreau et sollicite par la même occasion une décision constitutionnelle sur le rôle du gouvernement fédéral aux niveaux des droits linguistiques des Franco-ténois.
Si le jugement Moreau donnait largement raison aux revendications de la Fédération face aux communications et services fournis en français par le gouvernement des TNO, le récent verdict de la Cour d’appel des TNO avait quant à lui nuancé cette décision. En effet, la juge Hunt permettait au gouvernement territorial de profiter du contexte démographique et géographique des TNO pour n’offrir un service en français que dans les cas limités d’une urgence ou d’une question de confidentialité. « Pour nous, ce n’est pas acceptable », a condamné Fernand Denault, le président de la FFT. Selon lui, le fait que les questions d’égalité des services et de l’offre active restent limitées, va perpétuer le manque de prestation que subissent les francophones depuis des décennies.
Quatre points
Me Roger Lepage, avocat et conseiller juridique de la FFT, vient donc de recevoir le feu vert pour préparer la demande à la Cour suprême. « Le jugement rendu par la Cour d’appel des TNO a reculé sur des points importants pour nous. L’appel de la FFT va comporter quatre points. L’égalité réelle de la prestation des services dans les deux langues officielles; l’offre active des services en français; le privilège de l’Assemblée législative ténoise de ne fournir ni le hansard, ni la retransmission des débats en français et le rôle du gouvernement fédéral par rapport au GTNO », a expliqué le juriste fransaskois. « Autrement dit, a-t-il poursuivi, il est important pour la FFT que les Ténois bénéficient d’une interprétation généreuse d’égalité réelle. Et que tout soit fait pour obtenir des services et des communications permettant d’assurer le développement égal des deux groupes linguistiques officiels. » Selon Me Lepage, il faut aussi clarifier l’interprétation de l’alinéa 11 de la Loi sur les langues officielles des TNO concernant l’offre active. Pour les appelants à la Cour suprême, cet article ne veut rien dire si l’on ne communique pas constamment au public la possibilité d’être servi dans les deux langues. Il est également contradictoire aux yeux de la FFT que le privilège parlementaire de l’Assemblée législative lui permette d’aller à l’encontre de sa propre loi en ne diffusant pas le hansard en français. « Ce sont des non-sens qui doivent être corrigés par la Cour suprême du Canada », a affirmé Me Lepage en ajoutant que le quatrième point conduirait à répondre à la question de fond de cette affaire.
Le rôle du fédéral
Pour que la Cour suprême du Canada accepte de traiter une affaire au sein de son tribunal, elle doit être convaincue que la cause entendue possède une envergure nationale. À chaque étape juridique de ces neuf dernières années, la question du rôle, des obligations et des responsabilités du gouvernement fédéral relativement aux droits linguistiques constitutionnels du citoyen francophone dans ses Territoires, a été mise de l’avant par la FFT. À chacun des verdicts, aucun juge n’a voulu débattre de cette épineuse demande. Cette fois-ci, la FFT espère bien que la plus haute juridiction du pays puisse trancher si oui ou non le gouvernement fédéral peut se débarrasser de ses obligations en créant simplement une institution en charge. « On pense que c’est illogique de tasser cette question de côté, a affirmé M. Denault. C’est un élément du portrait et cela touche tout le monde, d’un bout à l’autre du pays. »
L’autre partie
Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest n’a pas réussi à formuler de commentaires officiels sur ce sujet au moment de mettre sous presse. L’Aquilon ne sait toujours pas si le GTNO pense lui aussi porter en appel certains points du jugement Hunt. Il est fort à parier que si le gouvernement territorial rejette le verdict du mois de juin, ce sera sur la base de l’ordonnance structurelle ordonnée par la juge Moreau et maintenue par la Cour d’appel des TNO. L’avocat du GTNO, Me Faille, possède jusqu’à la fin du mois de septembre afin d’interjeter appel pour ses clients. En effet, aux dires de Me Lepage, la période de 60 jours allouée à l’élaboration d’une éventuelle demande d’appel en Cour Suprême ne prenait pas en compte, soit le mois de juillet ou le mois d’août, ce qui repousse la date limite pour soumettre une requête à la dernière semaine de septembre.