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le Vendredi 28 novembre 2008 0:00 | mis à jour le 20 mars 2025 10:37 Politique

Hay River: Une alternative douce pour la petite délinquance

Hay River: Une alternative douce pour la petite délinquance
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Le concept de justice réparatrice a fait son apparition au Canada voici une trentaine d’années. Le crime n’est pas perçu uniquement du point de vue pénal mais aussi comme la rupture de la relation entre deux ou plusieurs personnes. La réponse à apporter vise à résoudre le conflit en favorisant le concours actif des personnes impliquées.

Dans le cadre de la Semaine de la justice réparatrice, Vernon White, chef de la police d’Ottawa, a fait un cycle de conférences à Hay River. Ancien membre de la Gendarmerie royale du Canada, M. White a travaillé pendant 17 ans dans les trois territoires nordiques. En 2001, il a soutenu une thèse sur la justice réparatrice et la résolution des conflits, devenant l’un des experts reconnus dans ce domaine.

À l’origine de cet intérêt pour ce sujet, M. White rappelle son enfance. Ses parents, très impliqués dans la solidarité communautaire d’une petite ville minière assommée de violence domestique et de criminalité rampante, pratiquaient une charité basée sur des valeurs morales telles que l’écoute, la responsabilité de la faute, la reconnaissance de la culpabilité, le sentiment de honte, la réparation de la faute couronnée par le pardon et la réintégration dans la communauté. Ayant expérimenté l’efficacité de cette démarche dans son environnement familial, M. White a désiré l’appliquer à l’échelon du pays.

« D’un côté, il y a un système qui ne fonctionne pas. Le parcours classique devant une cour de justice n’amène pas le délinquant à prendre conscience de ses actes. Dans ce système judiciaire, 72 % des délinquants font une récidive. Mais dans le système de justice réparatrice, ce taux chute à 42 % », témoigne-t-il. Le processus de justice réparatrice ne devrait pas excéder deux semaines entre le moment où victime et offenseur acceptent la procédure et le moment où le lien est considéré comme rétabli entre les deux parties au sein de la communauté. Ce processus se déroule en quatre étapes : la rencontre entre victime et offenseur permet aux deux personnes d’exprimer leurs sentiments et leur histoire personnelle ; la reconnaissance de la faute et de la culpabilité doit amener l’offenseur à présenter des excuses sincères et la victime à savoir si elle veut pardonner ; la réintégration doit permettre à l’offenseur de réparer sa faute et à la victime de soigner sa blessure ; l’inclusion est l’étape finale dans laquelle la communauté reconnaît accepter pleinement le retour de l’offenseur et de la victime comme membres à part entière de la communauté. « Tous les actes criminels ne peuvent être pris en charge par la justice réparatrice, poursuit M. White. Ce processus a de très bons résultats auprès de ceux qui commettent des actes de petite délinquance, mais il est difficilement applicable dans le cas de la violence familiale ou d’un crime comme l’homicide. »

Depuis une dizaine d’années, Hay River a un Comité de justice, financé par le gouvernement des TNO. Il compte six personnes, donc cinq sont bénévoles et très impliqués dans cette pratique alternative. Ils interviennent surtout auprès des jeunes délinquants poursuivis pour effractions, conduite en état d’ivresse ou abus de drogue. Une fois qu’un cas leur est soumis, deux membres du Comité prennent en charge le délinquant et sa victime et suivent le processus dans son intégralité en dedans d’une période de deux semaines. Bobby Hamilton, coordonnatrice, reconnaît cependant qu’il leur faut plus de formation et qu’il faut également sensibiliser la population à ce processus. « Nous avons besoin de la participation de toute la communauté, dit-elle. Il s’agit d’en parler davantage, d’expliquer et de comprendre à quel point il est important pour une victime comme pour un délinquant de pouvoir s’exprimer, réparer et être réintégré. » Mme Hamilton a organisé les événements mis en place à Hay River autour du thème de la justice réparatrice. Marche collective en ville, conférence à l’école secondaire, atelier de formation sous la conduite de M. White, rencontre avec les policiers et avec les membres de la Chambre de commerce sont des initiatives destinées à sensibiliser tous les habitants. Elle prévoit de mettre en place des ateliers pendant toute l’année 2009.

En 2009, le Canada comptait 288 programmes de justice réparatrice, fonctionnant à travers des instances comme les cercles de guérison, les rencontres victimes-délinquants, les conférences familiales. L’émergence de ce courant alternatif, promu par des personnes élevées dans une tradition judéo-chrétienne, viendrait d’une remise en question de la pertinence des réponses pénales à la petite délinquance et particulièrement l’échec de la répression suivie de l’incarcération.