Peu importe leurs allégeances politiques, les politiciens des Territoires du Nord-Ouest s’entendent sur une chose : si la future Agence de développement économique du Nord s’installe à Iqaluit plutôt qu’à Yellowknife, ce sera une décision partisane.
La nouvelle est tombée comme une tonne de briques dans le milieu politique des Territoires du Nord-Ouest : selon le quotidien National Post, qui cite des sources anonymes, la future Agence de développement économique du Nord sera logée à Iqaluit et le premier ministre Stephen Harper devrait en faire l’annonce au courant du mois d’août.
Il a été impossible de se faire confirmer la rumeur. Des appels répétés au bureau du Conseil privé du premier ministre n’ont débouché que sur un renvoi au services de relations publiques du ministère des Affaires indiennes et du Nord, où l’on demeure muet.
« Tout ce que je peux vous dire, confie la porte-parole du tentaculaire ministère, Margot Geduld, c’est qu’il est prévu que le transfert de l’agence s’effectue au courant du mois de septembre 2009. Une annonce sera faite d’ici là. »
Quoi qu’il en soit, le milieu politique ténois n’a pas pris les allégations du Post à la légère y voyant une décision malheureuse aux relents de partisanerie. Le Nunavut est le seul des trois territoires nordiques à être représenté à la Chambre des communes par un député conservateur.
Pour le député de Kam Lake, Dave Ramsay, qui s’était élevé en chambre pour que le gouvernement des TNO exerce les pressions nécessaires afin que l’Agence s’installe à Yellowknife, Iqaluit n’est pas le choix le plus stratégique. « Je suis fâché », dit-il.
« Les Territoires du Nord-Ouest vont être la plaque tournante de l’économie nordique, prédit-il. Ce sera le moteur économique de ce pays pour les prochaines 20 ou 30 années. Ça dépasse l’entendement que le fédéral place ce bureau à Iqaluit. Et, sans vouloir manquer de respect aux gens du Nunavut, je pense que le bureau devrait être logé dans un endroit central : Yellowknife. Et bien sûr, si ça ne se produit pas, alors je suis fâché. »
Ce n’est pas sans esquisser un large sourire que celui qui a déjà tenté de se faire élire à la Chambre des communes sous la bannière conservatrice admet que la partisanerie a pu jouer un rôle dans la décision d’Ottawa. « À l’évidence, au Nunavut, ils ont voté conservateur à la dernière élection, et là, ils en récoltent les fruits, avance Ramsay. Le fédéral fait de la politique dans notre cour arrière. »
Le député se demande quelles démarches ont été entreprises par les représentants des TNO pour mousser la candidature de la capitale ténoise auprès du gouvernement Harper. « Est-ce que ça s’est résumé à une simple lettre à la poste? Je veux savoir ce qui a été fait. »
Le député de Western Arctic, le néo-démocrate Dennis Bevington, affirme pour sa part avoir fait de son mieux pour que la candidature de Yellowknife soit retenue. « À certains égards, nous avons fait des efforts pour que cet enjeu suivre son cours », dit-il.
Il indique avoir participé aux discussions à ce sujet alors qu’il siégeait à la table de concertation sur le développement nordique. « Quand le sous-ministre des Affaires indiennes se trouvait devant nous, il a indiqué que l’Agence aurait une présence dans chacun des trois territoires avec un bureau-chef situé dans un seul endroit, relate Bevington. Bien sûr, j’appuie l’idée que ce bureau soit situé à Yellowknife. C’est une question de bon sens. »
Avec beaucoup moins d’enthousiasme que Dave Ramsay, le représentant des TNO à la Chambre des communes admet à son tour que la présence d’un député conservateur au Nunavut pourrait être un facteur dans la décision d’Ottawa. « Vous savez, la députée conservatrice du Nunavut est aussi un ministre important du cabinet Harper [Leona Aglukkaq est ministre de la Santé], ça a pu jouer à un certain point sur hum… » Le député balbutie, hésite et se reprend et fini la valse par cette exclamation nerveuse : « Tant mieux pour les gens du Nunavut »!
Malgré tout, le néo-démocrate estime pouvoir défendre efficacement les intérêts des TNO, même en siégeant à l’opposition. « Comme député de l’opposition, j’ai la capacité de questionner les décisions qui sont prises par le gouvernement, des décisions comme celle-ci. […] Vous savez, il y a du bon et du mauvais pour tous les types de représentation à Ottawa. Je pense que les gens des Territoires du Nord-Ouest peuvent être bien représentés par un député de l’opposition. »
Dennis Bevington affirme que cet enjeu n’est, au fond, pas si important. Selon lui, il ne s’agit que d’une « poignée de bureaucrates, dont une partie pourrait très bien se retrouver à Yellowknife d’une manière ou d’une autre ». Il avance enfin l’hypothèse que les sources qui ont coulé cette histoire au National Post ne cherchaient peut-être qu’à tester le terrain auprès du public et que, à cet égard, la réaction épidermique de la classe politique ténoise pourrait s’avérer bénéfique pour les TNO quand l’annonce officielle sera faite. À suivre.