Le développement du potentiel hydroélectrique du Nord reste une des solutions les plus efficaces pour résoudre plusieurs problèmes des territoires canadiens.
Les 16 et 17 août derniers, Yellowknife a accueilli le dialogue sur les énergies renouvelables dans le Nord organisé par le Conseil canadien de l’énergie et l’École de l’énergie et de l’environnement du Canada. Une cinquantaine de délégués se sont réunis pour discuter des défis et des occasions liés aux potentiels hydroélectriques, éoliens ou solaires dans les territoires. Représentant les gouvernements territoriaux, des sociétés d’état telles que la Société d’énergie des Territoires du Nord-Ouest ou la Qulliq Energy Power Corp (Nunavut), et le secteur privé, ces délégués se sont plongés dans un sujet qui semble presser du fait qu’en ce 21e siècle, la terre entière se devra de diminuer sa dépendance aux sources d’énergies fossiles.
Commandé l’an passé par le forum des premiers ministres du Nord, un inventaire panterritorial sur les énergies renouvelables est en développement. Une ébauche de cet inventaire exposant les différentes réalités des trois territoires a été présentée durant ce dialogue. Le Yukon se procure au-dessus de 90 % de son énergie grâce à ses installations hydroélectriques et complète sa production énergétique avec l’utilisation du diesel. Les TNO partagent sa production en trois sources principales, l’hydroélectricité (37 %), le gaz naturel (20 %) et le diesel (43 %), alors que le Nunavut n’utilise que du diesel.
Barrages du Nord
Avec le constat du système énergétique actuel, le document se penche sur les différents projets de chacun des territoires : le chauffage solaire, la chaleur résiduelle, la biomasse et les énergies solaire, éolienne, géothermique et marémotrice. Mais que ce soit aux TNO, au Yukon ou au Nunavut, les projets les plus ambitieux, c’est-à-dire ceux qui projettent une production de mégawatts plus importante, avancent tous l’hydroélectricité comme alternative aux centrales électriques alimentées au diesel. Aux TNO, le projet d’expansion de la centrale Taltson, avec son potentiel de 56 mégawatts, doublerait tout bonnement la production hydroélectrique des Territoires.
Pour Jacob Irving, directeur de l’Association canadienne de l’hydroélectricité, il est normal que le potentiel du Nord continue à être exploité. « Les plus grands projets hydroélectriques du pays se situent dans le Nord. Le complexe de la Baie-James, je dirais que c’est dans le Nord, car c’est situé à plus de 400 kilomètres du marché central, Churchil Falls au Labrador, c’est un peu les mêmes distances. Les principaux projets au Manitoba sont aussi situés dans le nord de la province. Beaucoup d’occasions dans le sud du pays ont déjà été développées alors qu’on développe ce qui est le plus facile et le plus proche des centres en premier. Maintenant, beaucoup des projets dont on parle se situent dans le Nord », affirme M. Irving. Ce dernier avance également que le Canada produit l’énergie la plus propre et la plus renouvelable des pays du G8 en raison du fait que 60 % de son électricité provient des centrales hydroélectriques. Le Canada génère 74 000 mégawatts grâce à l’hydroélectricité et Jacob Irving prétend que le pays a le potentiel d’ajouter 164 000 mégawatts à sa production.
Occasions pour les autochtones
Si l’on parle de lacs, de rivières et du Nord, au Canada, on peut sans aucun doute y associer les mots territoires autochtones. Un des conférenciers de ce dialogue a clairement bousculé les assises des fonctionnaires et des représentants des premières nations de l’audience. John Kim Bell, un autochtone, employé de la firme Brookfield, spécialisée dans la production d’énergie renouvelable, ne s’est pas gêné pour exposer sa vision de l’exclusion économique des Premières nations alimentée, par le système des réserves amérindiennes et la Loi sur les Indiens de 1867. Le salut des autochtones canadiens viendra, selon lui, par le biais de leur implication économique dans les projets de production énergétique qui se développent sur leurs terres. Cet investissement serait bénéfique à ces communautés puisque les retombées ne se limiteraient plus à quelques accords de redevances, mais bien à des bénéfices pouvant s’étaler sur plus d’une centaine d’années si l’on tient compte, par exemple, de la longue durée de vie des centrales hydroélectriques. « Pour changer les choses, les autochtones et les gouvernements doivent faire preuve de courage et faire évoluer un système qui a plongé les autochtones dans la dépendance et dans un décalage non pas culturel, mais entrepreneurial », a dénoncé M. Kim Bell. En entrevue, celui qui a réussi à implanter au sein du gouvernement ontarien l’idée du programme de garantie des prêts pour les premières nations ne jure que par ce système pour équilibrer les conditions de vie des autochtones au Canada. « Si l’on permet aux autochtones d’emprunter et d’investir dans le développement énergétique, ils seront proactifs. Les ressources renouvelables, c’est la richesse des terres autochtones. C’est un investissement à long terme qui peut leur permettre de faire partie de la vitalité économique du pays. C’est beaucoup plus sophistiqué qu’un simple chèque qu’ils reçoivent grâce aux traités, c’est un bien qu’ils peuvent faire fructifier. »
Les premières nations ne sont toutefois pas prêtes à tous abandonner pour accéder aux bénéfices du développement économique. Concernant le projet de la centrale Taltson, qui alimenterait les mines de diamants des TNO, dès l’automne 2014, via 700 km de lignes électriques contournant le coté est du Grand lacs des Esclaves, la Commission d’examen conjoint de la Vallée du Mackenzie (CEC) a approuvé le projet, le 6 août 2010, advenant l’implémentation de certaines recommandations, dont la nécessité de s’entendre avec la Première nation déné de Lutsël K’e. Cette dernière s’est catégoriquement opposée au projet, craignant de voir un de ses plus hauts lieux culturels (la rivière Lockhart) traversé par des lignes à hautes tensions. Le CEC a recommandé la mise en place d’un comité pour élaborer un nouveau tracé qui puisse satisfaire les deux parties. Dezé energy corporation, la société qui veut développer ce projet, compte dans ses trois partenaires deux entités autochtones. La NWT Energy Corp,, qui est une filiale de la Société d’énergie des Territoires du Nord-Ouest, est associée avec la Métis Energy Corp. et l’Akaitcho Energy Corp. Son président, Don Balsillie, a été chef de la Première nation Deninu Kue pendant 7 ans. La Première nation Deninu Kue de Fort Résolution et la Première nation déné de Lutsël K’e sont toutes les deux situées dans le grand territoire Akaitcho.