De son petit bureau de Toronto, le député John McKay se dresse contre des multinationales. Rencontre avec la bête noire de l’industrie minière à la Chambre des communes.
Quand une société minière veut lancer des travaux aux Territoires du Nord-Ouest, elle doit se plier à une longue liste d’exigences allant des évaluations environnementales aux audiences publiques, en passant par la conclusion d’ententes socio-économiques avec les Premières nations. Ailleurs dans le monde, les standards ne sont pas toujours aussi élevés et il n’est pas rare que les bons citoyens corporatifs d’ici adoptent des comportements passablement obscènes à l’étranger. Le député libéral John Mackay veut que ça change.
Ce député d’une circonscription de Toronto, qui était de passage à Yellowknife la semaine dernière, a introduit à la Chambre des communes un projet de loi d’initiative privée qui vise à réglementer les agissements des entreprises minières canadiennes à l’étranger. Et ce n’est pas une mince entreprise.
« Le Mexique, l’Argentine, le Chili, le Honduras, le Guatémala, la Papouasie-Nouvelle –Guinée, le Congo, la Guinée, la Tanzanie… Nommez le pays, dit-il. Le Canada est un colosse en matière d’industrie minière : 60 % des compagnies minières qui opèrent à travers le monde sont enregistrée au Canada. […] Et il y a énormément d’allégations à l’effet que des compagnies minières canadiennes font des choses qui, sous aucune circonstance, ne seraient jamais tolérées ici. Particulièrement en matière de dégradation de l’environnement, mais aussi en matière de droits humains. On parle de viol, de meurtre même. »
Si son projet de loi est adopté, les compagnies qui se livrent à ce genre d’agissements, ou contre lesquelles il existe des preuves tangibles de violation des droits de la personne, se verraient retirer leur financement fédéral et perdraient leur privilège de représentation consulaire canadienne.
Évidemment, cette perspective n’est pas très populaire au sein du secteur minier. L’industrie menace de déserter le Canada si le projet de loi C-300 est adopté, de s’installer dans des contrées où l’on ferme plus facilement les yeux. Mais le député Mackay n’est pas impressionné par ce qu’il qualifie de chantage.
« C’est une menace creuse, rejette-t-il du revers de la main. D’abord, où vont-elles bien pouvoir s’installer? La Russie? La Chine? Les États-Unis? Les USA sont le pays où il y a le plus de poursuites judiciaires au monde. Ça m’étonnerait qu’ils aillent là. En Europe? Leurs standards en matière de responsabilité sociale des entreprises sont bien plus élevés que les nôtres. Alors, je ne pense pas qu’elles s’en iront nulle part. D’autre part, les minières disent toutes qu’elles adhèrent déjà aux standards les plus élevés en matière de droits humains. Eh bien alors, pourquoi font elles un tel chichi par rapport à mon projet de loi? »
Le projet de loi C-300 ne s’appliquerait cependant pas aux compagnies faisant affaire au Canada, mais ayant leurs sièges sociaux ailleurs dans le monde. Cela comprend, par exemple, l’ensemble des sociétés qui exploitent des mines de diamants aux Territoires du Nord-Ouest.
D’ailleurs, John Mackay estime que notre région, parfois qualifiée de tiers-monde intérieur, offre un bel exemple du genre d’attitude que l’entreprise devrait selon lui adopter quand elle fait affaire dans des États où les règles sont plus souples.
« L’industrie minière aux TNO est peut-être ce qui se fait de mieux en la matière, à travers le monde, dit-il. Vous avez fait un fichu de bon travail pour faire bénéficier les autochtones de l’exploitation de leurs terres. C’est un savoir-faire qui a été développé au Canada et je pense que c’est un savoir-faire qui peut s’exporter. D’autre part, avant de pouvoir creuser le moindre trou ici, il faut passer au travers d’un processus de révision très rigoureux. Certains diront que ce processus pourrait être encore plus serré. Néanmoins, si les standards canadiens en matière de réglementation minière étaient appliqués dans l’ensemble de ces pays que j’ai nommés, je pense que bon nombre de ces allégations scabreuses disparaîtraient. »
Le projet de loi C-300 sera introduit en troisième lecture à la Chambre des communes le 28 septembre. Le premier ministre Stephen Harper a d’ores et déjà indiqué que le Parti conservateur allait voter en masse contre l’initiative. La loi n’est pas assurée de couler pour autant. Dans les rangs de l’opposition, une majorité de députés est sympathique au projet. Le député de Western Arctic, Dennis Bevington, a notamment appuyé le projet quand il a été présenté en seconde lecture.