La Commission d’examen conjoint pointe les gouvernements du doigt.
Dans ses commentaires à la réponse du gouvernement, la Commission d’examen conjoint (CEC) du projet gazier Mackenzie (PGM) ne cède aucune place aux revendications des gouvernements fédéral et territorial, qui expliquent pourquoi ils rejettent ou acceptent l’intention de telles ou de telles recommandations formulées par la CEC en décembre 2009. C’est le mardi 12 octobre qu’ont été publiés, sur le site Internet du Bureau du projet gazier du Mackenzie, les commentaires traduits de la Commission datés du lundi 4 octobre.
Dans le paragraphe qui conclut les quinze pages de sa lettre au ministère de l’Industrie du Canada, le président de la CEC réitère la conclusion générale du rapport Pour l’avenir du Nord Canadien. La Commission réaffirme que pour considérer les effets néfastes du pipeline comme peu importants et pour permettre à ce projet, avec ses installations, de contribuer favorablement au développement durable du Nord, il est essentiel que la mise en œuvre de ses recommandations soit complète. Pour prévenir les gouvernements, Robert Hornal termine sa lettre avec ces mots : « Faute d’avoir pu mettre en œuvre ses recommandations, tout particulièrement celles destinées aux divers gouvernements, la Commission a conclu que les effets néfastes du Projet sur l’environnement pourraient être considérables et que la contribution du Projet au développement durable pourrait s’avérer négative. Si cela devait se produire, la possibilité qu’offre le Projet de jeter les bases d’un avenir durable au Nord serait perdue. ».
Pour Kevin O’Reilly, de l’organisme Alternative North, qui est intervenu également en tant qu’individu devant les audiences publiques de la Commission, cette lettre est l’une des correspondances les plus cinglantes à l’endroit du gouvernement qui lui ait été donné de lire durant toute sa carrière. « C’est une sévère condamnation. […] C’est une réprimande! C’est plus que simplement dire “on est d’accord de ne pas s’entendre”. C’est dire que la réponse des gouvernements reflète vraiment ce que la Commission a découvert durant ses audiences : que le public n’a pas vraiment confiance que les gouvernements accomplissent les choses appropriées [pour ce projet], déploient l’argent nécessaire pour que le projet soit réalisé de façon adéquate, qu’ils utilisent l’autorité qu’ils ont pour s’assurer que les résidents du Nord bénéficient d’un tel projet, que l’environnement soit protégé, et que [le PGM] soit administré correctement pour les générations futures », constate Kevin O’Reilly.
Les gouvernements du Canada et des Territoires du Nord-Ouest (GTNO) rejettent 28 recommandations, acceptent l’intention de 77 recommandations sans les mettre en œuvre précisément, et acceptent 10 recommandations des 115 dirigées aux gouvernements par la Commission. Dans sa description de la réponse provisoire des gouvernements quant aux recommandations dont seule l’intention a été acceptée, la CEC est sans équivoque : elle accuse tout simplement les gouvernements de fournir uniquement des justifications générales sans informer précisément comment ils mettraient en œuvre les recommandations dont ils n’acceptent que l’intention. « Les gouvernements clament leur acceptation de l’intention de ces recommandations, mais (surtout le gouvernement du Canada) dans les faits, ils ne s’engagent pas à mettre en place, bien avant la mise en œuvre du projet, ces initiatives (et donc ne les financent pas) », commente la Commission lorsque les gouvernements évoquent qu’ils acceptent l’intention, mais ne peuvent pas mettre en œuvre une recommandation, car leurs ministères nécessiteraient des ressources supplémentaires.
Ces affirmations de la Commission appuient les allégations de Kevin O’Reilly, qui rappelle que lorsque l’ébauche de la réponse provisoire des gouvernements a été publiée en mai 2010, il avait déclaré que personne ne devrait se laisser avoir et croire que les gouvernements allaient véritablement accepter l’intention de ces 77 recommandations.
Il se questionne maintenant sur le pourquoi d’un projet de consultation si coûteux alors que les gouvernements ignorent de but en blanc ce que recommande la Commission.
Dans ce document en français, la Commission liste également les 28 recommandations rejetées par les gouvernements. Parmi elles figurent trois recommandations portant sur les incidences économiques du pipeline, dont le partage et la répartition des recettes tirées de l’exploitation des ressources entre le gouvernement fédéral, le GTNO et les autorités autochtones. Il faut noter que le gouvernement des TNO a rejeté ces trois recommandations alors qu’il a mentionné à plusieurs reprises que de telles décisions devraient continuer à être prioritaires.
Dans les jours qui suivent, il en revient aux deux gouvernements d’évaluer les commentaires de la CEC. Les bureaucrates fédéraux et territoriaux pourront prendre ces commentaires en considération ou non et modifier leur réponse. La réponse finale de chaque gouvernement devra être approuvée par son cabinet avant d’être rendue publique et soumise à l’Office national de l’énergie, qui se donne un mois après réception pour formuler sa décision sur les bénéfices du projet gazier Mackenzie pour le Canada.