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le Jeudi 27 janvier 2011 18:51 | mis à jour le 20 mars 2025 10:37 Autochtones

Politique Un grand jour… de mésentente

Politique Un grand jour… de mésentente
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Le gouvernement des TNO vient de faire un pas de plus vers la dévolution en signant une entente de principe avec Ottawa. Les Premières nations ténoises ont quant à elles marché à l’extérieur de l’Assemblée législative pour manifester leur désaccord.

Depuis 2003, c’est une réalité pour le territoire du Yukon. Depuis ce mercredi 26 janvier 2011, les Territoires du Nord-Ouest peuvent l’entrevoir dans moins de cinq ans. La dévolution : le transfert du Canada au gouvernement territorial de la gestion et du contrôle des terres de la Couronne, des ressources et des droits qui concernent ses eaux. Sur les trois territoires du Canada, il ne restera plus que le Nunavut à ne pas bénéficier directement des recettes de l’exploitation de ses ressources.

Le gouvernement des TNO a donc franchi une nouvelle étape symbolique avec la signature d’une entente qui établit le financement des futures négociations entre les parties et projette les paramètres entourant les différents sujets abordés. Beaucoup de choses restent à faire, mais les négociateurs ont une bonne idée vers quoi cette entente aboutira.

À la table de négociations : les gouvernements territorial et fédéral, et les groupes autochtones, qui veulent – pour reprendre les termes propagés durant la cérémonie de signature – être des « décideurs » dans l’élaboration de cette dévolution.

La tente restera ouverte
L’entente de principe a officiellement été signée par trois parties en ce mercredi matin. Le gouvernement du Canada, celui des Territoires du Nord-Ouest et par les Inuvialuits. La représentante de la NWT Metis Nation, qui a exprimé son support à ce document, n’a pas apposé sa signature à l’entente. Melody McLeod a déclaré devant l’audience que ce sera sa présidente, Betty Villebrun, qui le fera le mois prochain. Ainsi, ce sont uniquement quatre drapeaux qui plombaient sur la table de signature. Ni les Gwitch’in, ni les Akaitcho, ni les Deh Cho, ni les Tlicho, ni les Sahtu, n’ont pris part à la signature officielle de cette entente de principe, qu’ils rejettent d’ailleurs catégoriquement. Pour montrer clairement leur désaccord avec cette nouvelle étape vers la dévolution, plusieurs représentants de ces Premières nations dénées ont quitté le hall de l’Assemblée législative au moment même de la signature. En trente secondes, l’atrium de l’édifice qui représente les Ténois s’est vidé de moitié, laissant un courant d’air froid envahir l’échange des documents officiels.

Les Dénés se sont regroupés à l’extérieur du bâtiment pour manifester et faire entendre leur mécontentement. « Ce que je vois, ici, est ignoble. Le Canada a signé un traité avec ma Première nation, le Traité no 8, et aujourd’hui ce traité vient d’être révoqué. Ils ont brisé l’entente en agissant de la sorte. […] Le problème, c’est qu’ils ne nous impliquent pas dans le processus de négociations. Nous ne sommes pas contre la dévolution. Ce que nous disons, c’est que nous devons être à la table de négociations, nous devons protéger nos droits constitutionnels, et on ne nous donne pas la capacité de le faire. C’est à ça que nous nous opposons », allègue Roy Fabian, chef de la Première nation K’atl’odeeche de Hay River.

Le chef intérimaire du seul gouvernement autonome autochtone des TNO (les Tlicho) indique que la préservation des droits autochtones a été un combat et que celui-ci continue. « À partir de maintenant, nous devons être pris au sérieux. Nous allons devoir prendre des actions. Nous devons faire savoir aux gouvernements et à tous les Canadiens que nous sommes sérieux et que nous allons considérer les actions qui s’imposent. Nous devons protéger notre territoire, notre peuple et notre avenir », confie Alphonse Apples.

Avant cet incident prévisible, le premier ministre des TNO s’est adressé à ses concitoyens spécifiquement sur ce sujet durant son discours de présentation. « La tente est toujours ouverte à nos partenaires [les Premières nations] pour qu’ils reviennent à la table de négociations et fassent partie de notre équipe alors que nous entamons une nouvelle étape vers la dévolution », a-t-il lancé, alors que la radio autochtone diffusait en direct ses propos à travers le territoire.
Le gouvernement territorial avance que depuis le début des négociations avec le gouvernement du Canada, en septembre 2002, les gouvernements autochtones ont reçu près de 8 millions de dollars afin de participer aux négociations. Pour sa première visite officielle, John Duncan, le nouveau ministre des Affaires indiennes et du Nord, a quant à lui avancé en conférence de presse que « [la participation des sept groupes autochtones] ne représentait pas une nécessité » pour que la dévolution soit complétée. À plusieurs reprises, il a été répété que la dévolution ne portera pas atteinte aux revendications territoriales signées et que ce document protègerait les droits et les intérêts des autochtones.

Mais le chef élu de la Nation dénée, Bill Erasmus, balaye de la main ces affirmations. Pour lui, cette entente n’est rien d’autre qu’Ottawa passant par la porte de derrière pour imposer au Nord des « pouvoirs quasi provinciaux ». « La question des terres et des ressources est entre nous et le gouvernement fédéral, du fait de nos traités. Ainsi, sans notre participation, sans notre signature, tout cela ne s’applique pas à nous. Finalement, il n’y a donc pas d’entente », soutient le chef de la Nation dénée.

Les fruits de l’exploitation des ressources

« C’est la plus importante décision politique que les TNO ont prise depuis 1999, lorsque la séparation s’est effectuée et que le Nunavut a été créé. Maintenant, nous pouvons regarder de l’avant et nous pouvons réaliser notre futur. C’est une bonne journée! » Pour le ministre des Finances des TNO, ce jour est à marquer d’une pierre blanche. Tout comme de nombreux Ténois, Michael Miltenberger voit dans cette dévolution l’occasion pour le territoire de se développer et de prendre enfin des décisions déterminantes quand à ses ressources.

« Si nous signons une entente de dévolution et que nous avons une économie qui a un rendement aussi bon que celle de l’Alberta, nous serons en mesure de garder tout cet argent comme le fait l’Alberta », affirme-t-il. Reconnaissant que les TNO ne jouissent pas encore de cette « grande économie », il prétend qu’au moins, avec la dévolution, les TNO auraient « l’occasion de se tenir debout » et pourraient devenir un des contributeurs majeurs à l’économie nationale si cette économie s’installait. Michael Miltenberger détaille que le taux de redevance restera comme il est, mais indique que « nous allons récupérer tout le régime de règlementation et l’autorité sur les terres, les eaux et le développement des ressources. Et quand nous les aurons, nous pourrons regarder si nous voulons les changer, et les résidents du Nord pourront décider de les changer ».

Avec la collaboration de Batiste Foisy, Radio Taïga.