Le référendum sur le système énergétique communautaire de la mine Con ne laisse personne ni chaud ni froid.
Les résidents de Yellowknife sont appelés aux urnes le lundi 14 mars. Par voix de référendum, ils doivent décider s’ils autorisent la municipalité à emprunter jusqu’à 49 millions de dollars en vue de la mise en chantier d’un système de chauffage en circuit fermé pour les édifices du centre-ville.
L’idée exposée aux résidents de Yellowknife en long et en large depuis plus d’un an, consiste à utiliser la chaleur présente dans les conduites souterraines de la vieille mine Con, où la chaleur s’élèverait à 39 °C, pour alimenter un système de chauffage communautaire. En plus de l’énergie géothermique tirée des entrailles de la terre, le système serait appuyé par de l’énergie dite de biomasse (une sorte de gros poêle à bois) et ce bon vieux chauffage à l’huile.
Le projet au coût estimé de 60 millions de dollars obtiendrait une aide fédérale de 15 millions de dollars et serait épaulé par un partenaire privé. À ce sujet, la municipalité affirme avoir reçu quatre offres, dont trois qu’elle considère sérieusement, mais le flou demeure quant à l’identité de ces « partenaires ». On se borne à dire que ce sont des offres solides et qu’il s’agit d’entreprises ayant des intérêts dans le Nord, que ce soit « au Canada ou aux États-Unis ».
« Que quelques immeubles »
Dans une première phase, 39 grands édifices du centre-ville seraient raccordés au système communautaire, ce qui fait dire aux critiques que ce seront essentiellement des bureaux de fonctionnaires situés dans des édifices appartenant à de grosses entreprises albertaines qui bénéficieront de cette énergie verte et bon marché. Notons toutefois que des immeubles à logements, des associations communautaires, des écoles et des édifices publics, dont l’hôtel de ville elle-même, font partie des 39 bâtiments visés.
Par ailleurs, les plans de la ville suggèrent également de possibles expansions du système à d’autres secteurs de Yellowknife ainsi qu’aux résidences privées. Mais ne vous emballez pas trop vite : avant que le propriétaire d’une maison-remorque du quartier Range Lake puisse profiter de cette manne, il devra peut-être attendre… 20 ans!
« Ce sont nos enfants et nos petits-enfants qui en profiteront », a lancé l’optimiste directeur des services exécutif de Yellowknife, Carl Bird, lors d’une séance d’information en français sur le projet, le 9 mars dernier.
Tous ne l’entendent pas ainsi. Un nouveau propriétaire de Yellowknife, qui préfère garder l’anonymat, confie son intention de voter « NON ». « Je suis contre pour de nombreuses raisons, dit-il, et d’abord parce que ça va être géré par la ville. La ville de Yellowknife nous a prouvé par le passé qu’elle n’est pas apte à gérer des projets d’envergure. » D’après lui, la Société d’énergie des TNO ferait un plus crédible marchand de chauffage que la municipalité.
« Je trouve également que c’est trop cher pour les retombées du projet, poursuit le propriétaire. On ne parle ici que de quelques immeubles. » Si le système était étendu à une majorité de résidences, il estime que, dans ce cas, il réviserait son option.
Allez les verts!
Les écolos, une espèce abondante dans la petite ville la plus verte au Canada, sont ligués dans le camp du « OUI ». Et pour cause : le projet Con promet de retrancher 85 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur d’habitation de Yellowknife, tout en réduisant la proverbiale dépendance aux énergies fossiles – du Mozart aux oreilles environnementalistes.
Les verts sont particulièrement actifs au recrutement des électeurs. Ils distribuent épinglettes et tracts dans les rassemblements citoyens et s’agitent sur les réseaux sociaux. Leur cri de ralliement : « Yes we Con! ».
France Benoît, résidente de longue date de Yellowknife et écologiste affichée, prend le parti de la conscience globale. Dans une lettre publiée par le journal local Yellowknifer, elle dénonce l’attitude nombriliste de ceux qui ne voient dans la pharaonique entreprise qu’un cadeau aux propriétaires de tours à bureaux.
« Ce projet est l’exemple parfait d’une situation où il est de mise de voir au-delà de l’habituel “Qu’y a-t-il pour moi là-dedans?”, écrit Mme Benoît. Tous les résidents de Yellowknife vont bénéficier de ce projet. Les changements climatiques nous ont appris quelque chose : il n’y a plus de frontières. Quand quelqu’un, quelque part, réduit sa consommation d’énergie fossile, nous y gagnons tous. »
Réduire leur dépendance au pétrole, c’est ce qui a poussé de nombreuses municipalités scandinaves à choisir avec succès l’option géothermique… dans les années 1960.