le Samedi 7 juin 2025
le Jeudi 9 juin 2011 11:41 Politique

Potin, poutine et politique The schiste hits the fan!

Potin, poutine et politique The schiste hits the fan!
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La première fois que j’ai entendu parler des gaz de schiste, c’était en 2005. Je couvrais alors l’interminable valse-hésitation entourant le projet de gazoduc dans la vallée du Mackenzie. Va-t-on le construire ou pas, le tuyau? On n’en sait toujours rien.

Le développement de techniques peu chères – et pas particulièrement propres non plus – permettant l’extraction de cette forme d’énergie non conventionnelle mais abondante allait tuer le pipeline, pronostiquaient les analystes. Selon la version la plus entendue, l’arrivée massive du gaz de schiste sur le marché aurait pour effet de combler la demande nord-américaine rendant, du coup, le trop difficile d’accès gaz du Mackenzie sans intérêt.

Même le pugnace militant écologiste Kevin O’Reilly chantait ce refrain devant le panel de l’Office national de l’énergie. Pas la peine de saccager le Nord, disait-il en substance, puisqu’on dévaste déjà le Midwest. Comment dit-on déjà? Not in my backyard!

Depuis, le documentaire Gasland de Josh Fox a été nominé aux Oscars, dévoilant au grand public le scandale d’une industrie rapace qui empoisonne les nappes phréatiques de Pennsylvanie pour quelques misérables molécules de carburant. Et l’enthousiasme pro-schiste en prend pour son rhume.

Au Québec et en France, la société civile est mobilisée pour mettre un frein au développement de cette filière. Il y a quelques jours, des jeunes ont entrepris une marche de Rimouski à Montréal pour réclamer un « moratoire d’une génération » sur le développement hydrocarbure dans la vallée du St-Laurent. Avant ça, des artistes avaient mis un film sur YouTube. On ne rigole pas. Le schiste se heurte aux pales des turbines populistes.

Peut-être devrait-on envoyer Kevin O’Reilly au Québec, juste pour le plaisir de casser leur party. Il pourrait leur expliquer que leur opposition à leur industrie polluante favorise le développement de la nôtre. Qu’en tentant de préserver le mode de vie des agriculteurs du Kamouraska, ils mettent, en quelque sorte, en péril celui des trappeurs de Colville Lake.

St-Laurent ou Mackenzie, Magtogoek ou Dehcho, quel fleuve mérite le plus d’être épargné? Le nôtre est moins pollué et présente une richesse spirituelle pas entièrement oubliée; les rives du leur abritent six millions d’individus et produisent le bacon qui frit dans nos poêlons. Vaste dilemme.

Quand on constate le peu d’inquiétudes avec laquelle les Québécois ont accueilli le « Plan Nord » de Jean Charest, ce projet, énergiquement rejeté par les Premières nations, qui consiste à livrer les quatre cinquièmes vierges de la belle province à la prédation des foreuses, on peut entrevoir que, là aussi, on résonne d’abord en réaction à ce qui se passe dans l’arrière-cour.

Et tant pis pour la vaste Boréalie.

* * * * *

Un aspect du débat Québécois sur le gaz de schiste qui devrait retenir davantage notre nordique attention, c’est la question des redevances.

Au Québec, on s’est abondamment scandalisé du maigre 12,5 % qu’aurait perçu l’État sur les revenus tirés du gaz de schiste. On a agité l’épouvantail du cuivre à une cent la tonne de Duplessis en insinuant que, s’il faut s’empoisonner, ça ne devrait pas être pour des pinottes. Conséquence : en mars dernier, la province a annoncé qu’elle majorait son taux à 35 %.

Ici, rien de ça. Au contraire, il semble y avoir consensus autour de l’idée que le développement de la ressource, pourvu qu’il soit accompagné d’une entente sur la dévolution de pouvoirs, assurera l’État territorial de revenus faramineux. On se demande bien comment.

Les ressources pétrolières et gazières des Territoires du Nord-Ouest sont administrées par le gouvernement fédéral qui fixe le taux de redevances. En vertu du Règlement sur les redevances relatives aux hydrocarbures provenant des terres domaniales, qui n’a pas été révisé depuis un quart de siècle, le Nord offre un commode taux de type « 1/1/5 ». Désolé pour les matheux, ça ne veut pas dire 20 %, mais plutôt que le taux commence à 1 %, qu’il grimpe d’au plus 1 % tous les 18 mois et qu’il ne dépassera jamais 5 %. Ce sont, chers amis, les redevances gazières les plus ridicules au monde. En comparaison, on exige au Texas des redevances gazières atteignant jusqu’à 25 %, et jusqu’à 60 % dans l’Alaska de Sarah Palin.

Pour vous donner une idée de la générosité de nos bas prix de tous les jours, considérez ces chiffres publiés l’an dernier par le ministère autrefois connu sous le nom d’Affaires indiennes : l’ensemble de la production hydrocarbure territoriale de 2005 à 2009, soit 5,4 millions de mètre cubes de pétrole et 1,53 milliards de mètres cubes de gaz, a tout juste rapporté 120 millions de dollars au trésor public canadien. En cinq ans, Ottawa a à peine encaissé l’équivalent en redevances du dixième de ce qu’il en coûte pour administrer le gouvernement territorial chaque année – ou, si vous préférez, les deux tiers du coût estimé du pont de Deh Cho.

Quant à la dévolution elle-même, l’entente de principe conclue entre le gouvernement des TNO et le fédéral – mais rejetée par tous les groupes autochtones du territoire à l’exception des Inuvialuits et de la Nation métisse des TNO (1) – prévoit que le fédéral conservera son droit de cuissage sur 50 % de toutes les redevances perçues sur les ressources dont nous aurons désormais l’entière responsabilité administrative. Le texte n’aborde pas du tout la question du taux de redevances, qui pourrait bien demeurer la seule prérogative du fédéral. Et pour ce qui est des ressources en mer, où se trouve la majorité des réserves connues de gaz naturel, elles ne sont pas incluses dans les présentes négociations. Disons que ce n’est pas exactement le Klondike.

De cette moitié de presque rien qui reste chez nous, les Autochtones toucheront, en vertu de cette entente, à peine 25 %, à se partager entre huit groupes. Le huitième du quart de la moitié de pas assez, ça ne fait pas beaucoup.

Nombreux ont été ceux qui ont dénoncé l’attitude obstructionniste des Premières nations dans le dossier de la dévolution. Quand on regarde les chiffres, on se rend bien compte qu’ils sont peut-être, finalement, nos gestionnaires les plus avisés.

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(1) En dépit de son nom, ce groupe ne représente que quatre associations métisses locales. La majorité des Métis des TNO sont représentés par des groupes opposés à l’entente de principe sur la dévolution.